Paroles pain cassé (2010)
PAR LE VERBE
AUX GRANDS VOLS
*
Le monde s’écrit
du sang de l’ombre
et de la lumière
clairsemées
L’ébauche de l’être est forgée
des empreintes
de ce grave clair-obscur
*
Un vin vieux,
un chant nouveau
À l’embouchure
des courants dormants
aux confins
de la rivière de chairs
sauvages embranchements
des arrière-pays
Creuser
pour trouver le sang secret
le mal pétillant
la source des feux ardente
*
Creuser de ses mains d’homme
au large des terres cambrées
Creuser,
par ces soutes d’émotions
Se perdre clandestinement
comme par quartiers d’enfance
où l'âme comme un gamin s'égare
*
Par passions fermentées
pétillant
dans la glaise
le cœur enterré
dans une vase épaisse
creuser creuser encore
Et la vase lentement se fait lave
*
Le mystère du coeur mastodonte surgit
la coquille
de l’être est percée
Les plaies mûres éclosent
de plurielles profondeurs
corolles
aux pétales saignants
*
La pourpre se disperse
au large
de la Mer
abîmes du dedans
Embrassant le gouffre
aux spectrales étendues
qui muettement s’étale
tu te retrouves enfin
de nouveau vivant
*
Antre ouvert mystifié
tu chantes
alors ton mal
et par ta litanie profonde
une flamme se propage
*
Lorsqu’on heurte
l’or
sous le plancher de la terre
monte dans l’être une urgence de vivre
au-delà de notre mortel enracinement
Vivre dans le présent renouvelé :
un vin vieux
un chant nouveau
*
Des vivants comme fleuves
Vous qui portez
au sein ravineux
empreintes de douleurs
une passion âgée
peuplée de mille couleurs
et le courage de l’espérance
*
Éclairez de votre lampe
terreaux à ravigoter
propageant sur les parois
aux froidures de l’espace
les rayons de l’espoir
attendu
*
Éclairez ce passage
de la nuit sans étoiles
jusqu’au silence léonin
des blessures
jusqu'aux cris sourds :
nos plaies partagées
*
Forez parmi la pulpe
l’éclat des tourmentes
le grand isolement de la vasque
Hommes séparés comme des liens cassés
*
Sondez
le gris le noir le désastre
l’ombreuse mosaïque
ces corps qui avancent avec nous
par la longue marche
cette lente procession
Des vivants comme fleuves
*
Éclairez
ces chemins
ces sentes où nos mères ont marché
de la mort anonyme secrète
la mort dissimulée
enterrée
dans le vallon
*
Entrouvrez de vos chants
de nouvelles voies
où le peuple entier marchera
dans la mouvance
de la maigre
de la si fragile
humaine avancée
*
Pays râpeux vertigineux
*
O toi obscurité
que le verbe doit nommer
*
Je vous parle de ces pays
abrupts embrouillardés
s’étalant
dans l’être emmuré d’ors et de soufres
figé phosphorescent
depuis les côtes de l’esprit
*
Je vous parle de ces paysages
de gercements
ce terroir de fleuves
depuis mes tourbes de lumière
de ces provinces de l'être
et ses mythologies gravées
à même nos silences bruts
ces continents de densités
de rêves disséminés
*
C’est dans ces clos
que sont enterrés nos traces
nos coups de tambours
nos cris
nos murmures
nos mares de silences et de solitudes
le songe de notre passage
sur la carapace d’humus et de cendres
nos empreintes brumeuses
fantomatiques
sur le pavé frais de la mégalopole
*
Je vous parle de ces terres améthyste
où nos pieds sont enracinés
vallées de laves et de diamants
de brillants ors de fou
de ces contrées défuntes
où les rires flamboient ailerons dans l’atmosphère
*
Je vous parle de ces fumants limès
ces champs embrouillardés
contagieux de l’affect
ces doux maquis non déboisés
que le bonheur cherche encore à marier
à la chapelle du présent
*
Je vous parle depuis la rive
des os de mes châteaux dissimulés
depuis l’épitaphe de mes doux manoirs éteints
conquis par les herbes hautes
*
Je vous parle depuis la rivière
trop de fois traversée
Je vous parle de mes ruines
de l’étalement du gouffre
de ce corridor cuisant de la poitrine
depuis peu ponctué de réverbères
*
Je vous parle de la fragile céramique
des paroles qui s’envolent engoulevents chassés
du cœur spectre qui bat
du cœur qui ne bat pas
Je vous parle depuis le mystère
aux récifs ignorés
de notre petitesse devant la folle infinité du ciel
de notre vanité courtisant la poussière
*
Je vous parle depuis le tournoiement des corps stellaires
depuis les astres rocheux reflétant lumières d'en haut
du soleil nucléaire sous lequel nous vivons
et je suis ces chemins qui ramènent à la vase
sous la peau
sous les couches de quartz et de granit
*
Je vous parle depuis de vastes solitudes
de l’ego d’une seule flamme qui vacille
par les froids violents des steppes rêches
Je vous parle avec ces mots sans langue
avec ces mots-chinooks
depuis la tour construite sur la terre qui espère
avec la fugitive matière de l’esprit
*
Je vous parle de ces pays hissés
des basses terres de nos désespérances
depuis les échos perdus des peuples heureux
engouffrés avalés dans les gouttières
à la crinière tragique
au vieux vécu
*
Oui
ce pays est farouche
il ne fait pas d’excuses
Il est sans mystère
sans colère et sans joie
C’est sur
de telles terres
qu’on regagne lentement
dignement
sa confiance esseulée
dans le sauvage fuyant mystère de l’existence
en écoutant
nos yeux de sources et de bois
qui nous parlent d’infinis
*
Sentiers du creux de la main
Empruntant les sentiers
spirituels
par une pesante marche de sel
solitaire parcours
les criques de la soif
nageant tel l’homme qui s’abîme
en clair évanescent océan de cristal
*
Je tiens bonheurs et rires
au coffre des viscères
d’avoir atteint souches de l’être
racines de l’inextinguible volonté
d’avoir touché murs moites de l'existence
frontières de la mort
après dure traverse des épreuves anciennes
*
Suivant ce serpent sinueux
vers les astres ou la poussière
l’être demeure inachevé
telle la toile d’un idéal
jamais atteint
Cherchant parmi mes peaux
je recueille souvenirs de chairs
mais ma mémoire
est un vaporeux grimoire
rangé sur l’étagère du haut
impossible à atteindre
*
Le sphinx rugit
rutile dans mon être
aux grands chuchotements
peuplé de plénitudes
L’absolu croît en moi
une fleur sanguinaire
Au détroit des fleuves
des routes
le sphinx me fixe :
outrepasser l’au-delà
percer le silence
voilé
de la matière
*
Mitraillées
des questions tombent
des sphères agnostiques
de mon encéphale :
L’étincelle
la présence sera-t-elle après
l’implosion
l’inspiration des voûtes?
J’exige de l’univers une réponse
*
Tout possède en soi une voix
une chimie
chaque chose porte
son absconse mathématique
Le murmure se grave au parchemin sacré
le temps étant ultime déroulement
de l’instruction
écrite sibylline
à même la matière
*
Douleurs oiseaux d’ivoire
En l’esprit est porté un fardeau vétuste
qui rêve de s’envoler
la montagne montée
Douleurs
Vieux orgues rauques
Détroits rouges abyssaux
Douleurs nues
devenues
de grands oiseaux d’ivoire
*
À la tombée de l’esprit
je trouve dans mes baies songes écorchés
et dans mes fjords et étangs noirceurs latentes
Collés à mes os sont taches de goudron
sombreurs à faire blanchir à l’écueil
de sang
la mouvance intérieure
sublime tournoiement
l’œuvre au blanc
*
Les douleurs
le vide
se trouvent transmutés
par le verbe aux grands vols
qui creuse dans les chairs
L’espoir source parmi gorges intérieures
donne vie redresse les vivants
plus qu’un médicament une chirurgie
Les mystères sont élucidés la lumière éteinte
L’ombre immensurable illumine l’âme
ravigote le corps
car l’homme pêche ses rêves
dans la nuit océane
*
La lumière
scintille depuis les os mêmes de l’horreur
Des blessures point le vrai
couronné de présages
De la douleur éclot le grand affranchissement
De la puanteur des fumiers
croît le lys blanc
*
Dans la sphère
qui s’ouvre pour l’homme
dont l’esprit est mourant de sens et de savoir
peut-être rejoindrons-nous un jour la grande cité ambrée
si nous laissons aller nos ailes
librement
si nos rêves ne sont plus cimentés
au palais de l’égo
mais offerts par amour et ornés de prières
*
Peut-être rejoindrons-nous au bout de la nuit
cette aube nacrée du grand mystère
Peut-être l’humanité se fera
de roc
d’or
mais peut-être sera-t-il nécessaire avant tout cela
de défaire les douleurs engorgeant nos artères
et contractant nos coeurs entremêlés
de détruire les enceintes
qui bloquent le pardon
dans l’esprit malléable tout comme un air pur
*
Mais le malade doit croire à sa guérison
le douloureux doit tendre également au miracle
car avec le chuchotement des fleuves
les douleurs se taisent
Les paroles
empruntant les sentiers
de clartés nébuleuses
subtiles
détressent lentement
intérieures mailles dédaliques
Par une alchimie secrète
les blessures se confondent bientôt
à l’amour
*
Paroles pain cassé
*
Sur la table maintenant déserte
reposent parcelles
du festin consommé
ces miettes
de lumières abandonnées
*
Le verbe naît encore
pour démêler l’obscurité
lorsque sort le premier mot de flammèche
nouveau-né
*
Des paroles croisées
pour dompter monstres d’ombres
de nos souches enchevêtrées
et crever brousses mauves
paroles de cages ouvertes
pour libérer tourterelles
colombes consacrées
paroles de cours d’eaux
pour habiter nos vivantes demeures
et nos puits séchés
*
L’histoire nous a donné des yeux pour voir
flots de l’immensité pépites du minuscule
nous portant derrière
portiques ondoyants infinis de l’univers
creux palaces du temps
où l’histoire se refait
*
Nous sommes ici à ce repas
Rêveurs de porphyre
et espérons toujours
reconquérir ces immensurables territoires humains
où la parole a fait son nid de braises
royaume de tisons bleus
pour partager la chaleur de ce sombre feu sacré
obscurément secret
*
Vois dans le désert
des êtres
là où nous errons comme des bêtes bien muselées
nous qui recherchons le pain roussi de l’existence
la mie le fruit la soupe
Nous avons l’attente et le désir braisés dans l’estomac
Sur les plages perverses de l’agrément
l’intérieur est rongé de vagues comme un roc
sur l’étendue de galets
*
Au tremblement des feuilles
la faim gronde sur la terre
Les hommes ont soif ont faim
de ce pain craquelé
gratuit donné pour tous
Ils dévorent goinfres les anciens écrits
braiments des apôtres de la parole
les rayons creusés de nouveaux messies
les signes et les oracles
d’hier d’aujourd’hui
et en demande encore
cette incalculable faim des mondes
*
Multipliez les pains et les poissons
car le peuple a faim
pour sortir de la rage de l’inutilité
et des combats qui n’en finissent plus
sur cette terre insultée dans sa chair
transmutée dans son sang
où les hommes au sein de la misère dévorante
sont nombre
*
Nous sommes ici attablés
au large de l’humaine fragilité
pour prendre le repas manger les chairs rosâtres
boire les vins carminés
partager par les mots limpides notre existence éparpillée
nos rêves accidentés
nos tatouages gravés jusqu’au sang de l’esprit
*
Nous n’en dirons pourtant jamais assez
pour éloigner de notre être la mort insidieuse
Nous n’en dirons jamais assez
pour chasser en dehors de notre hutte l’injustice épidémique
se passant d’homme en homme
exponentiellement
*
Sur l’océan noueux d’abîmes
les paroles offertes sont des îles vespérales
rêves basanés
où viennent échouer
les carcasses de cœurs sableux
quand elles cherchent à parler
Paroles d’astres intimes
parmi doux souterrains de l’âme qui s’évade
Blanc soleil sidérant
éclairant horizons du petit quotidien
*
Le terrestre auditoire
écoute le bourgonneux silence
abruptes immensités
murmures chuintés
de creux puits intérieurs
doucement étalés sur la table
des heures
Les mots de chamanes
opèrent les miracles attendus
dans ce monde incrédule
ignorant même le miracle du corps
*
Les mots en caravanes avancent parmi nous
traversant les limès de l’indicible
combattant les armes rutilantes
et l’injustice saignant le corps de nos égaux
Les paroles sont les éclaireurs promis
éclairs venus des nuits des origines
pour défaire torses iniquités
dompter
de ces créatures de souffle et d’argile
la violence ceignant
continuellement la sphère
*
Nous ne pourrons pas par les mots de vieille source
éteindre les flammes infatigables
ni commander au sang noir d’arrêter de couler
mais le cœur par leur aurorale sorcellerie
peut se purger
et le pardon royal trouve
dans la chatoyante magie du verbe
son plus mûr
son plus puissant allié
*
AU CORPS DU RÉEL
Le mystère incrusté
*
Dans le livre de la mathématique du monde
je lis
*
Dans ma moelle
dans mon corps voyageur
dégorgent les sangs
ruissellements du présent écoulé à venir
et ma chair porte en elle
les parcelles des milliards d’années
*
Depuis la noirceur
mariée aux éclats de l’aube lumineuse
par l’éternité embrassant l’espace excessif
dans les cryptes ouvertes des univers
aux corps interreliés
naquit le monde
infiniment tressé
d’ivoires lumineux
d’ébènes aux mille teintes
*
Après l’apparition
par la chimie de l’eau
des gorges profondes
de l’air lactescent et du fumant éclat
du mystère incrusté sur notre îlot de ciels
aux ocres brunâtres et bleus continents
l’esprit
comprit sa place dans l’indéchiffrable immensité
à laquelle toutes choses sont enracinées
dans une grande confidence
*
Par les multiples étoiles qui feront naître en son sein
fables et mythologies de la source et du soir
par la magie tissée entre toutes les choses inertes
par le lien unissant la nature sauvage à l’ensemble
et la glaise se liant à ses humides chairs
l’humain se trouva constellé dans la totalité
se dissolvant dans une goutte d’univers
l’âme réfléchie dans des cycles infinis
*
Or vint le goût du fruit amer
entre les éternelles percées du jour et de la nuit
entre la mortalité de l’âme
et l’affolante éternité de ses rudes éléments
L’adversité naquit
comme une fiction mouvante
encageant l’esprit
en une guerre de cendres
contre ses propres reflets
*
À la chair délicate
ambassadrice mythique
de la matière
bientôt on verra croître des cornes et une queue
Par l’historique consécration
des diables miroitant nos angoisses excessives
revêtant familiers nos visages tordus
nous aurons porté
sur un plat nimbé d’or et d’argent
une rose apocalypse
*
Mais il existait également une promesse :
chaque chose divisée
serait réunie par le trois
nouant le brasier et l’onde verte
à même l’esprit humain
Et le démon et l’ange y seront transcendés
*
Le temple de la matière
*
Le temple est désert
À l’intérieur ne luit qu’une étincelle
la vie
*
Les étoiles se prosternent
au réservoir où dorment les reflets dansants
de ce que nous sommes
et la muette sacralité
de ce que nous serons
*
Nous portons encore des masques dans nos ombreuses cérémonies
par notre valse mystérieuse
Nous vêtons encore
les habits de vaporeuse mort
chasubles brûlées
de nos spiritualités enfouies inhumées
dans les coffres anciens à déterrer
*
Deux serpents
gardent la porte du temple
le cycle du désir d’aurores et de nuits blanches
aux mailles de la souffrance germinées de l’amour
attaches cuisantes perpétuelles
de l’esprit gravant le mont râpeux
de l’existence
pour venir porter sa vasque de vie
eau céleste
à la mort
*
Impossible de s’affranchir
de cette ceinture divine
ce chapelet de corps rugueux
du cycle contenant l’esprit
valves fermées sur les êtres
O rutilant dragon des chairs
*
Ta mort bourgeonneuse
Homme femme de poussière
tu sais que les ors que tu auras récoltés
dans cette vie étoffée de plaisirs
aux coffres de souffrance
ne se transportent pas de l’autre côté de l’eau
La mort est un tamis tranquille et douloureux
*
À rien ne sert de tarder ici-bas
en cette banque de traces
cette collection d’empreintes
Tu auras gravé l’humus
de ton ombre amoureuse
réchauffé la peau et le souffle
du foyer de ton antre
*
L’amour ne fera plus de profondes entailles
dans ton sein marqué
par tant de traits diffus
Ainsi que le têtard
tu t’en retourneras vers ton vieux berceau :
ta naissance hasardeuse
prévue depuis le grand bourgeon
*
Le soleil la lune
les quasars allumés les trous noirs
les milliards d’étoiles qui rayonnent en nous
notre univers et ses astrales respirations
tout cela un jour
s’éteindra
sans se consumer tout à fait
balayé comme un ancien reflet
*
La matière que tu es
coulera en flocons
se dispersera parmi les éléments terrestres
étincelles cendrées
un spectre parmi les sédiments
*
Et lorsque tu verras
la dernière traînée de rayons
traverser ta paupière
le vespéral bouquet
entrer dans ton oeil noir
et que l’univers se noiera en toi
en ta mort bourgeonneuse
croîtra dans ton être une aube
sépulcrale
le premier présage
*
Nos racines d’argile
*
Il est grand temps d’employer comme un glaive affilé
la parole arme blanche
et de panser avec elle l’incendiaire plaie
*
Si l’ensemble n’était
que volonté
imprégnée de l’éclat
de l’immensité
elle serait présence
jusque dans nos racines
nous qui sommes possessions de l’immensité
un grain de luminosité errant
parmi l’insondable univers
de sens
et de matière
nous qui fûmes créés par le grand déroulement
hasard ordonné fait chair
par le vouloir secret de la nature agissante
*
Nous respirons dans ce bas-monde
les âcres ou enivrantes odeurs du passé
tentant de réparer les brèches violacées
cicatrisées
de notre courte histoire
dorée de majestés
de notre doux sentier strié de précipices
*
Afin de fiancer notre tendre nudité
enfouie sous l’histoire pierreuse
nous les fils insolents couvés par le monde
race mouvante en devenir
nous aurons à combattre
de majestueuses tempêtes
de blanches obscurités
*
Nous qui arrosons
de trous noirs
nos pétales
nous trions dans nos entrailles
sur les murs de nos grottes
de nos enceintes grasses d’amours et de lèvres
les ombres et profondeurs
au pivotant carrousel
du bien et du mal
*
Devant nos avenirs fragiles et tremblotants
au sein d’un océan de chairs et de mirages
nos angoisses ancestrales
comme éclats de rêves
mugissent
ainsi que des démons dansants
cortège de reflets et de noirceurs
saignantes
*
Nous
les combattants d’argile
ayant conquis jusqu’aux corps célestes
et attelé le char du monde à notre souverain vouloir
afin de combler notre manque despotique
nous découvrirons le plasma
sous l’écran de l’espace
*
Sur le sol où il est souvent pénible de marcher
aux flaques de sangs et d’huiles
rutile le germe
de rayons non encore nés
Par le bleu étoilé
la fresque
naîtra la rose luciole
pour que les hommes voient
grâce à sa lumière aux pourpres vivacités
la toile de l’embryon du monde
qui vient
*
Tissées à même le flot mouvant
dans le marbre des chairs
par l’essence fruitée de la matière
de la braise de nos erreurs et de nos volontés
elles seront sculptées
affinées
malgré l’essaim des craillements
les ailes du réel
*
D’un œuf bientôt brisé par ses ailes ivoirines
notre race montagneuse
assise sur la terre
se fraiera un chemin par ses chants d’ancêtres
parmi horizons et cryptes familières
et nous rallumerons notre ancien feu de joie :
le brasier nitescent de la lumière blanche
*
©François Baril Pelletier