Chansons
INCENDIE À BABEL (Album concept écrit : 2001)
1. La valse
2. Dans l’église de Jéricho
3. Gangster love
4. Un baiser de satin
5. J’ai mendié mes mots
6. Babylone à quatre pattes
7. Le coeur en méridien
8. La reine des pianos en lambeaux
9. Dans un désert rose
*
La valse
Emmène-moi à Assise, emmène-moi à Pérouse!
Aux fureurs de Marseille, aux chaleurs de Toulouse!
Jette-moi dans une allée sans nom, jette-moi
Parmi les fous ou bien parmi les crocodiles
Sur des vaisseaux sans fond, parmi les grands marais
Sur une mer enragée, sur le mythe d’une île
Jette-moi dans la ruelle, où nu je t’écrirai
Moi qui ne sais écrire que dans les grands typhons
Des chansons de mon sang de ma vie de mon âme
Ma guédille
Moi qui ne sais écrire quand c’est les chansons
Qui me prennent
Avec la folie que j’ai, que j’ai eu, de t’aimer
Des chansons aux étoiles qui m’avaleront
Aux dents du ciel parfait, aux nuées de piétons
Qui cherchent un chemin aux lignes d’horizon
Moi, il cherche un chemin aux lignes de ta main
Mon cœur fou et muet qui recherche ton corps
Et ses crevasses belles que je crois, que je crois
Et tes petits désastres où je plante une croix
Et où je viens prier le désir dans ta voix
Puis je goûte à tes cuisses et je fonds dans la sente
Tu goûtes la réglisse,
Mélange d’huîtres et de menthe
Je bois ton oasis,
Ma rivière de cassis,
Je croque à ta cerise qui se plie qui se plisse
Je t’emmène à Pampelune, je t’emmène à Cordoue!
Dans le précieux Tolède ou dans les jardins doux
Catalans. J’ai cherché si longtemps
Pour te trouver
Maintenant que je t’ai je te tiens au cou!
Dans toutes ces femmes, toutes ces jolies filles
C’était toi que je voyais seulement toi que j’ai vue
Tellement leur beauté amplifie que tu brilles
Tellement leurs vêtements ennoblissent ta peau nue.
*
Dans l’église de Jéricho
Dans l’église de Jéricho
On entend déjà les échos
On voit déjà les anges hauts
Le diable joue du piano
Dans l’église de Jéricho
On entend déjà les échos
Les cloches de Dieu se rapprochent
On prie des grenades aux poches
Les places éternelles se louent
François d’Assise chante au loup
Dans l’église de Jéricho
On entend déjà les échos
La mort avance, languit debout
La mort avance en marabout
Dans l’église de Jéricho
On entend déjà les échos
Dans l’église de Jéricho
On entend déjà les échos
De l’Amérique qui échoue.
*
Gangster love
Un verre de porto
Une table de pool
Une femme qui roucoule
Pis moi qui fait le beau
Une gorgée de cognac
Un film de Léa Pool
T’es faite en simonac
Mais moi je prends ça cool
Le dealer et l’arnaque
La 8 dans le moule
J’allume ma Cadillac
Tu me pognes les boules
T’es folle en tabarnak
L’amour dans la foule
L’acteur qui sent le trac
Et la gorgée qui coule
Y’a un gangster dans’ salle
Un amoureux d’couloir
On va s’tirer des balles
Pas loin des réservoirs
Sur le bar infernal
J’te fais goûter à ceux
Qui jouent dans les annales
Du crime délicieux
Le piano commence
Y’a des fantômes icitte
La boisson, la semence
On se fait-tu des p’tites?
Il commence à faire chaud
Un verre de sueur
Moi je fais mon macho
La belle est en chaleur
La danseuse est tounue
Commence la fusillade
Y’a des totons dans rue
Fini la mascarade!
On se tire en amour
Et de plus en plus vite
Toi tu prends des détours
Moi des actions subites
Je t’étends dans la paille
Et t’enlève tes armes
Pourvu que ça ne caille
Avant que je te charme
Et j’te tire aux secondes
Tu estompes mes coups
Tu me prends dans la ronde
D’amoureux rendez-vous
Je te crie comme un con
Tu me jettes des pleurs
Je te crie que c’est bon
Je te jette des fleurs
Alors dans la tempête
Tu sautes sur ton heure
Tu me vises à la tête
Et je te tire au cœur
Tu me vises à la tête
Et je te tire au cœur
Un verre de porto
Une table de pool
Le dealer et l’arnaque
Mais moi je prends ça cool.
*
Un baiser de satin
Un baiser de satin
Dans la foule détruite
Le soleil du matin
Nous brûle terre cuite
La peau
Dans le dos
Terracotta nous sommes
Nous les femmes et les hommes
Nous les âmes éternelles
Nous les anges rebelles
Au soleil
Mais Adam se retourne
Et il croque la pomme
-Un gros ver y séjourne-
c’est le cœur de l’homme
C’est un beau gros motel
Parfumé de chagrin
C’est un nid de coquerelles
C’est un champ de raisins
Depuis femme porte voile
et l’homme se porte bien
Icare tombe des étoiles
Et Dieu redevient grain
Un baiser de satin
Dans la foule détruite
Le soleil du matin
Nous brûle terre cuite
La peau
Dans le dos
Terracotta nous sommes
Nous les femmes et les hommes
Nous les anges éternels
Nous les âmes rebelles
Au soleil
Mais qui donc blâmer
Qui est donc le coupable
Tous les fils d’Abraham
Blâment le nouveau-né
Les loups et les brebis
Dans un cercle maudit
Cherchent encore et encore
Cet ancien paradis
Et Noé fait son arche
Devant cette tristesse
Qui inondera bien
Les terres des Patriarches
Et depuis dans ses voiles
L’homme écrit des cantiques
Pour se faire pardonner
Cette faute mythique
Nous sommes des chameaux
Caravanes de mots
Des psaumes à l’éternel
Pour se faire pardonner
Une faute si belle
Car l’homme est innocent
Et la femme est Cybèle
Et l’amour dans le sang
Au bon gré des marées
Tel Ulysse retrouvant
Son Ithaque adorée
Nous les anges rebelles
Nous les âmes éternelles
Nous reviendrons au ciel
Les enfants de satin
Dans la foule détruite
Le soleil du matin
Nous brûle terre cuite
La peau
Dans le dos
Terracotta nous sommes
Nous les femmes et les hommes
Nous les anges éternels
Nous les âmes rebelles
Au soleil.
*
J’ai mendié mes mots
J’ai mendié mes mots
à l’ombre des rameaux
pour un Judas envié
au mont des Oliviers
Et j’ai volé mes mots
armé sur un chameau
aux cales d’un vaisseau
dans un bateau cruel
*
Si vous avez le temps
de me jeter vos vents
auriez –vous le plaisir
de me donner vos rires
Avez-vous le talent
pour me cracher vos chants
*
Et j’ai traqué mes mots
dans un froid eskimo
dans de vieilles ruelles
à l’ombre des duels
J’ai grappillé mes mots
comme le font les oiseaux
Pour se faire une maison
j’ai fauché les saisons
*
Si vous avez le temps
de me jeter vos vents
auriez –vous le plaisir
de me donner vos rires
Avez-vous le talent
pour me cracher vos chants
*
Et j’ai pêché mes mots
dans de vieilles rivières
dans de nouveaux déserts
au creux de l'atmosphère
et j’ai glané mes mots
dans des champs de coton
les doigts saignant d’amour
en chantant mes chansons
*
Si vous avez le temps
de me jeter vos vents
auriez –vous le plaisir
de me donner vos rires
Avez-vous le talent
de me cracher vos chants?
*
Babylone à quatre pattes
Le cœur parfumé du parrain
fume les primes de la nuit
La peur envenime les reins
déjà rongés par l’hérésie
Babylone à quatre pattes
a l’habitude d’incendies
Dans ses salons, Babel se flatte
d’être plus près du paradis
Des chandelles par les fenêtres
et des oiseaux sur les balcons
qui crient
Des hommes gras mangent des bêtes
dans de doux châteaux d’insomnies
Et dans ces délicieux bordels
les femmes sont toujours jolies
et on s’accouple entre les ailes
avant de crever dans un lit
À Babylone, à quatre pattes
on fait l’amour en caïmans
On fait l’amour en mille-pattes
On se fouette au sentiment
O se fourre en alexandrins
On s’entretue de poésie
et l’homme brûle de refrains
La femme se jette dans un puits
La joie de vivre dort encore
On la découvre à chaque corps
On la retrouve entre les lèvres
De chaque putain, de chaque vierge
La boisson coule entre les seins
quand commencent les féroceries
c’est futile mais ça nous vient
comme une nuit d’Alexandrie
Babylone à quatre pattes
a l’habitude d’incendies
encore plus près des cieux se gratte
plus près des secrètes parties
Mais enfin elle devient obscène
Mais elle est douce cette ville!
Elle grandit, scène après scène
comme la poitrine d’une fille!
C’est dur de monter plus haut
quand on a peur des hauteurs
Je prie Dieu que mon fardeau
soit enterré sous une fleur
Je prie Dieu que mon fardeau
soit enterré sous une fleur.
*
Chevalier de section
Le cœur en érection
Et l’amour a un prix
Et l’amour a un prix.
*
Le cœur en méridien
Ton visage meurtri de présages
me dit qu’il est sage
d’attendre
que l’orage se fende
que le jour se souvienne
que la tempête fuit comme un chat dans la nuit
Nu comme un ver de terre
je ne sais plus quoi faire
dois-je tout te raconter
devant une tasse de thé?
De Gaule chevelue
lumières rouges au cul
les vignes aux cheveux
balcon des amoureux
Des enjeux érotiques
aux tentes sans moustiquaires
des poésies vulgaires
pour gagner tes ovaires
Je priais ton image
auprès d’une rivière
d’un main bien peu sage
j’effilais ma rapière
Je viens de me trouver
devant toi pour l’ave
à genoux en prière
j’acclamais ton derrière
Mais ton visage meurtri de présages
me dit qu’il est sage
d’attendre
que l’orage se fende
que le jour se souvienne
que la tempête fuit
ou revienne sans bruit
Je me noie aux déserts
pour rejoindre ta peau
et je tombe en crevasses
pour boire tes lèvres d’eaux
Si je n’ai pas la sève
d’érable de tes lèvres
je tombe comme un oiseau
comme une tour de babel
Le cœur en méridien
l’épée à angle fier
Ton corps est le mien
Ton âme est ma rivière
Quelques vieux parchemins
une main sur la piste
des entrées stratégiques
pour me rendre à ta cuisse
Je te vole amoureux
un baiser fabuleux
Tu m’as sûrement tué
Mon âme est menstruée
Tu es mon épopée
dont on ne revient pas
et je chavire en toi
sous de vagues de draps
Je suis ton minotaure
toi îles éphémérides
Tes seins sont continents
sous mes mains d’plis et rides
Comme à tous les printemps
lorsque coule la sève
Allons viens, je t’attends…
Viens mon coeur se lève
Ton visage meurtri de présages
me dit qu’il est sage d’attendre
Que l’orage se fende
Que le jour se souvienne
Que la tempête fuit comme un chat dans la nuit.
*
La Reine des Pianos en lambeaux
Dans l’arène
La reine seule
sans prélude
sans rideaux
se dénude
C’est la furie
L’auditoire rit
Tout le monde grogne
(pleurs et cris)
C’est l’heure
Des clowns blancs
Blêmes
Les suçons, les bonbons
Et des faces de carême
Les limaces les rapaces
Et les tartes et la crème
Les pelures de banane
Les femmes, les nananes
Voilà la passion
Et les bénédictions!
*
Sur le grand piano
Où tu feras ton show
Armée de violoncelles
Sans aucune ficelle
Aux fleurs arrachées
Sur la voie ferrée
Oh toi qui couleras
Oh entre deux combats
Toi qui crieras sur selle
Toi qui seras si belle
Armée de tes chakras
Dans la salle pleine
Blanche et souveraine
Tu seras la reine
Du tréfonds de tes ruines
Du tréfonds de tes peines
Tu les rendras si mal
d'odeurs et d'haleines
de tes grandes fringales
Qu’ils te voudront pour reine
Tu sauras ce qu'ils veulent
Tu le leur donneras
Veulent-ils des vers
Tu leur donneras bien gras
veulent-ils tes seins gras
tu les leur donneras
Et veulent-ils des airs
Tu les leur donneras
Et tu leur donneras tes phares
Allongée comme un bar
Et surtout, ta peau
Nue de ses oripeaux
Comme un souper de trop
Le corps en encensoir
*
Et tu seras
la reine
blanche
et souveraine
Et seule
dans l'arène
tu conquerras le noir
Et tu seras la reine
blanche et souveraine
et seule dans l'auditoire
tu conquerras le noir
*
Un désert rose
Dans un désert rose
Traqué par le délire
Un oiseau se pose
Sur ma lyre
Lentement, je dépose
Ma guitare par terre
Ma tête se repose
Dans la mer
Et quelques coquillages
Finissent par m’entendre
Quelques mot sur la page
Déjà mêlés de cendre
Et comme une charogne
Ma peau traîne dans le sable
Pour finir la besogne
Des mouches m’endiablent
Se ruent sur mon ombrage
Me picotent la face
Me prennent pour une carcasse
Et j’enrage
Quel est le prix de l’âge
Qu’est-ce que ça peut coûter
De revenir en arrière
De revenir en arrière?
Seulement une chanson
Seulement un refrain
Je suis un vieux pinson
Sans chagrin
Dans un désert rose
Traqué par le désir
J’ai seulement quelques proses
À offrir
Les montagnes sont écloses
L’eau est pleine de rires
Et je me laisse couler
vers de vieux Brésils
Vers l’Égypte reculée
Sur le Nil.
*
LE BAL (album concept écrit : 2001-2004)
1. Quelques satyres
2. Le cortège
3. Le théâtre du délire
4. Le sacrifice des artistes
5. Dans mon chapeau
6. Le rodéo des âmes perdues
7. La reine des pianos en lambeaux
8. Le mime en amour
9. Le joueur de pianistes
10. Le coeur de la bête
11. La parade
*
Quelques Satyres
Quelques satyres au membre long
ont échoué dans mon salon
ils s’entrelacent à reculons
mieux amanchés qu’un étalon
d’Espagne
mieux amanchés qu’un étalon
Et ils se baignent polissons
dans des rivières de cassis
vidant leurs bourses et leur vessie
et chantant d’obscènes chansons
d’ici
et chantant d’obscènes chansons
Et des sirènes au franc parler
ont amarré dans mes allées
je les regarde avec dédain
se déshabiller dans mon jardin
dénouant leurs bas de nylon
des longues cuisses aux talons
salés
avec les fleurs et les lutins
moulés
Sous mon regard de voyeur
les ivrognes tombent comme des mouches
les orgies deviennent meilleures
pitié on joue au bouche à bouche
des femmes de joie qui transpirent
les hommes râlent, les femmes louchent
je prends les plus belles en ma mire
et toujours je change de couche
Mais pourtant derrière le décor
arrivent déjà en corps à corps
les ballets des damnés d’en bas
les enfers tombent sans tracas
chez moi
toutes les âmes en Kamikaze
les ouragans les ballets jazz
s’amusent
de Montréal jusqu’à Suse
Et c’est la fin d’un sentiment
d’un mélodrame de confusion
on commence à déceler la clé
le trou, la faille, la solution
Avec des barbares à nos trousses
vikings aux mers, sauvages aux brousses
moi qui mûris comme un fruit mûr
toi qui me fuit comme l’azur
moi qui te suis comme un fruit dur
toi qui te plie comme une armure
moi qui te plie comme un corps
sous la douche
moi qui te suis comme une vieille
mouche
Entre le Ganges et l’Saint Laurent
le Marajah vend son garage
silence, on chante aux grands-parents
des intouchables dans les parages
Shiva finit par arriver
avec une tempête gratuite
le cycle éternel achevé
se termine triviale poursuite
Shiva nous a cuit comme
des truites
j’ai comme la morale détruite
Des ogres d’un temps oublié
deux œufs bacon, danseuses au nez
ont commencé à déjeuner
sur une vaisselle argentée
des pimps, des sugar cane dandies
Rois mages échappés de prison
Arbres de Noël, O sex candies
strip Marianne ou Lison
ils mangent le foin de mes étables
la chair
est en spécial ce soir pas cher
Sous mon regard de voyeur
les ivrognes tombent comme des mouches
les orgies deviennent meilleures
pitié on joue au bouche à bouche
des femmes de joie qui transpirent
les hommes râlent, les femmes louchent
je prend les plus belles en ma mire
et toujours je change de couche
Mais pourtant derrière le décor
arrivent déjà en corps à corps
les ballets des damnés d’en bas
les enfers tombent sans tracas
chez moi
toutes les âmes en Kamikaze
les ouragans les ballets jazz
s’amusent
de Montréal jusqu’à Suse
Et c’est la fin d’un sentiment
d’un mélodrame de confusion
j’commence à déceler la clé
le trou la faille la solution.
L’homme est un loup pour l’homme
L’homme est un loup pour l’homme
L’homme est un loup pour l’homme
L’homme est un loup pour l’homme.
*
Le cortège
Un homme dans la rue
Une haine dans les fers
Une âme sur moi se rue
-Les autres hommes s’affairent
Aux palais de pavés
Aux fuites des trottoirs
Un homme s’est jeté
Dans un beau grand miroir
Une vision gravée
Hurlements de sirènes
Un spectre s’est levé
Au large de la scène
C’est un cri de passion
Un théâtre vorace
Un cirque d’émotions
Qui tombe dans ta face!
*
Le cortège marche et claque
Tout en piaffant des pattes
c’est un délicieux spectacle
une parade sans entracte
C’est la passion
qui marche à reculons
sans intermission
Car jamais on ne s'endort
Avec ces porcs
Jamais on ne sommeille
Avec ces vieux ces vieilles
dans ce grand carnaval
du bien et du mal
*
C’est un lion vaincu
Un tragique acrobate
Un furieux cocu
Au piège une patte
Un rouge carrousel
Qui tourne et qui te prend
Sur sa rapide selle
Plus folle que le temps
C’est un grand président
Qui vogue de discours
Qui nous casse les dents
Au grand nom de l’amour
Aux miettes anéanties
Pour des pigeons sans nom
qui sont sans appétits
qui sont sans émotions.
Et sur les grands sofas
L’armée fixe l’écran
L’aigle a fait son nid
Dans les cinémas grands
*
Le cortège marche et claque
Tout en piaffant des pattes
c’est un délicieux spectacle
une parade sans entracte
C’est une passion
qui marche à reculons
sans intermission
Car jamais on ne s'endort
Avec ces porcs
Jamais on ne sommeille
Avec ces vieux ces vieilles
la ronde carnavalesque
de ce monde grotesque.
*
Au concile du loup
L’agneau est toujours au garde-à-vous.
*
Le théâtre du délire
Le champagne est monté
C'est à moi de tomber
Et sur la table vide
Je verse mon liquide
Je bois votre splendeur
Je fume votre langueur
Et puis je vous regarde
pleurer sur les lézardes
*
Derrière le rideau
Vous n'en verrez que trop
Le monde est vampire
c’est des cris c’est des rires
au théâtre du délire
*
L'homme fort n'est pas aussi fort
qu'il ne le paraît
Il a le coeur un peu navet
troué comme un gruyère
un fromage qui prend l’air
Dans ce cirque de promesses
tous regardent le blanc des fesses
cette écrevisse procession
qui marche et qui tourne en rond
*
Derrière le rideau
Vous n'en verrez que trop
Le monde est vampire
C’est l’hotel des rires
au théâtre du délire
*
Regardez moi cette acrobate
qui se promène à quatre pattes
la ballerine sur un cheval
une araignée de carnaval
Le clown crie et abdique
dans cette danse fatidique
Le dompteur en est amoureux
Et la danseuse se sent mieux
Le mime ne dit plus rien
Il a attrapé un chagrin
*
Derrière le rideau
Vous n'en verrez que trop
Le monde est vampire
c’est des cris c’est des rires
au théâtre du délire
*
Il faut donner tendres caresses
À ces sangliers de soirée
qui nous blessent qui nous agressent
en hiver comme en été
À votre santé
mes enculés
surtout ne commencez pas à danser
je ne commencerai pas à chanter.
*
Le sacrifice des artistes
Derrière les rideaux
Ils ont remis leurs peaux
Et les lions ont léché leurs veines
Dans l’arène
Ils ont vendu leurs os
Ils ont remis leurs griffes
Ils ont vendu leur peau
Un samedi de trop
Ils ont vendu leurs peines
À des marchands de laine
À des marchands de vices
Avant le sacrifice
*
Au ministère de la passion
Moi, j’ai donné mon dernier rond
J’ai laissé mon dernier habit
Et sonné mon dernier clairon
Me voilà nu sans toxédo
À chanter nu dans le métro
Avec des griffes dans le dos
À chanter pour ces âmes tristes
au sacrifice des artistes
*
On les a suspendu sur la place publique
sous l’orchestre et les bêtes
et les flûtes et les foules
le coeur et la tête
On a vendu leurs fourrures
à des marchands impurs
à de bas prix baissant
On a vendu leur sang
Ils seront sacrifiés
Sur la place publique
On a mis sur l’autel
Leurs pelisses belles
Maintenant l’industrie
qui fait vivre les grands
qu’elle donne aux oiseaux
ses miettes de trop
*
Au Ministère de la Passion
Moi, j’ai donné mon dernier rond
J’ai laissé mon dernier habit
Et sonné mon dernier clairon
Me voilà nu sans toxédo
À chanter nu dans le métro
Avec des griffes dans le dos
À chanter pour ces âmes tristes
au sacrifice des artistes
*
Sur la table du show-business
pour la graisse du palmarès
le sacrifice des artistes
Pour quelques vieux trop sceptiques
il nous faut un nouveau messie
pierre angulaire, agneau tragique
pour le temple de l’industrie
un autre mouton de plastique
un autre bouc donnant sa peau
pour l’avenir de la musique
afin de sauver la radio
Il nous faudra d’autres héros
d’autres pierres, d’autres pions
Beatles Zimmerman ou Ringo
d’autres Madonna ou Dion
pour les niches du Panthéon
Le sacrifice des artistes
donnant la tête à l’échafaud
le sang coupé en douze pistes
décoré de jolies photos
J’entends Cuba, j’entends Rio
j’entends les peuples qui se lèvent
chanter plus fort que le fric
idiot
brûlant les corps sur la grève.
*
Le sacrifice des artistes II
(Dans mon chapeau)
Dans mon chapeau sans ambition
il y a bien quelques chansons
*
Sueurs rosées dans le vent
et un ruisseau qui va devant
Y’a des pleurs des rires et du sang
Il y a le rire des enfants
Dans mon chapeau
Il y a des contrées oubliées
il y a des palais déboulés
Des bateaux de papiers pliés
ours en peluche mutilé
Dans mon chapeau
Il y a des vaisseaux d'au revoir
des fioles et des copeaux d'espoir
des torches de miel et de soirs
le désir dans une armoire
Dans mon chapeau
*
dans mon chapeau sans ambition
il y a bien quelques chansons
*
La passion et des drapeaux blancs
des mains liées des feux de camp
des films noirs et pour les grands
Il y a l’amour qui se rend
Dans mon chapeau
Il y a des nuits sauvages de chansons
des bêtes fauves et des boissons
des petites et des grandes histoires
et puis le coeur dans une armoire
Dans mon chapeau
Il y a des vaisseaux d'au revoir
des fioles et des copeaux d'espoir
des torches de miel et des fruits
et le désir dans un lit
Dans mon chapeau
*
dans mon chapeau sans ambition
il y a bien quelques chansons
*
Si vous avez quelques sous
ou quelques peaux
Pour un vieux pou
qui chante saoul
dans le métro
Je vous en prie de les laisser tomber
Dans mon chapeau.
*
Le rodéo des âmes perdues
Dans ce bar d'espérance
Viendras-tu tenter ta chance
au coeur des pianos abattus
Au rodéo des âmes perdues?
Jouer ta chair bien aimée
Jouer tes cartes d’existence
faire sur l’âme des graffitis
au puits du coeur
de la délivrance
*
Sous la roulette des prières
viendras tu louer le mystère
sauras-tu aimer le méchant
la réponse erre dans ton sang
*
À cette auberge de damnés
à ce grand palais de crottés
à cet orchestre de paumés
viendras-tu jouer ta destinée?
Oh viendras-tu tenter ta chance
ta salvation, ta délivrance
à ce casino de vaincus
à l’heureux bingo des élus?
Au rodéo des âmes perdues
*
Sous la roulette des prières
viendras tu louer le mystère
sauras-tu aimer le méchant
la réponse erre dans ton sang
*
Allons, tu n'es pas encore né
Avoir d'avoir bien déjeuné
Avant d'avoir bu les boissons
d'avoir digéré les poisons
Tu es encore le bienvenu
Tu viendras boire tout ton soûl
À ce spectacle de tounus
Tu seras toujours le bienvenu
au rodéo des âmes perdues
*
Sous la roulette des prières
viendras tu louer le mystère
sauras-tu aimer le méchant
la réponse erre dans ton sang.
*
Le mime en amour
À mon passage
les lampadaires s’éteignent
Pourtant j’ai pas la teigne
Et si j’ai une larme à l’oeil
c’est une larme d’orgueil
Je suis le roi du silence
Je ne parle qu’à la potence
Je cherche l’amour au noir
comme dans un entonnoir
*
Je suis un chevalier de cendres
un mime votre altesse
et puis le soir dans ma chambre
les rats consolent ma tristesse
*
On me pointe du doigt
On me met dans le moule
je réponds je suis moi
je me noie dans la foule
Girafes et éléphants
On me croit animal épatant
Mon coeur est une ballerine
se cachant aux vitrines
*
Je suis un chevalier de cendres
un mime votre altesse
et puis le soir dans ma chambre
les rats consolent ma tristesse
*
La nuit aux tours d’ivoire
où elle se fait des tresses
je vais voir la princesse
je me saoule dans le noir
Mais y’a tant de mouches
dans ma soupe entassées
Je ne prends pas ma douche
je ne puis l’embrasser
J’la suis en caravane
tigre dans la savane
je joue mes instruments
sur le dos d’la jument
*
Je suis un chevalier de cendres
un mime votre altesse
et puis le soir dans ma chambre
les rats consolent ma tristesse.
*
Le joueur de pianistes
Il est toujours un peu triste
Le joueur de pianistes
Il est toujours un peu de trop
Le joueur de pianos
Et puis parfois il pleurniche
Le joueur de pianiche
Et parfois il est Pierrot
Le joueur de pianos
L’a pas une tête d’affiche
Le joueur de pianistes
L’a même pas une tête allégro
Le joueur de pianos
Mais quand il joue sur son bateau
Le joueur de pianistes
Il joue les gammes de Betho
Le joueur de pianos
Les femmes tombent sur le do
*
Il a le do si ré
Le joueur de pianistes
Il a le do si ré
Le joueur de pianos
Silence sur son radeau
Le joueur de pianistes
Silence sur son radeau
Le joueur de pianos
Sol sur sa corniche
Le joueur de pianistes
Sol sur sa corniche
Le joueur de pianos
La
pas une tête d’affiche
Le joueur de pianistes
La pas une tête d’affiche
Le joueur de pianos
mais il n’est jamais triste
le joueur de pianistes
Même s’il joue des pastiches
Le joueur de pianos
Et molto allégro
Le joueur de pianistes
Et molto allégro
Le joueur de pianos
Il nous lance des rôts
Le joueur de pianistes
Il nous lance des rés
Le joueur de pianos
Et au seuil des marées
Le joueur de pianistes
Il a bien voyagé
Le joueur de pianos
Quand il tourne les pages
Le joueur de pianistes
Comme un puissant orage
Le joueur de pianos
C’est comme un taureau
Le joueur de pianistes
Pris dans un rodéo
Le joueur de pianos
Ses doigts sont au galop
Le joueur de pianistes
Ses doigts sont au galop
Le joueur de pianos
*
Le joueur de pianistes
Le joueur de pianos
À la fin de la soirée
Bien gavé d’apéros
Et des cocktails en trop
Une femme tombe sur le do
la monte, la monte haut
les jambes en l’air jusqu’au
jusqu’au
jusqu’au
Kilimandjaro.
*
Le Cœur de la Bête
Dans le grand salon
Qui ne bouge même pas
Un piano long
Plein de poussières glas
Et pour seule musique
Que la petite pluie
La langoureuse crique
Dans le jardin maudit
Et puis les mille pattes
Qui marchent à reculons
Sous les meubles qui grattent
Le sol de la maison
Dans le coeur de la bête
des mouches et des vipères
Il y a de sombres fêtes
Tout est là qui espère
Et voici la chandelle
Qui sait et qui attend
Mais où est donc la belle?
Nul ne le sait vraiment
Il y a des Cendrillon
Qui lavent les planchers
Femmes sans pantalons
Violentées, humiliées
Il y a quelques mots
Qui ne sont pas sortis
Il y a des caveaux
De vins et de fruits
Il y a de vieux crapauds
Qui chantent leur ennui
Comme si c’était beau
Comme si c’était nuit
Il y a quelques mots
qui ne sont pas sortis
Il y a des canaux
et rivières endormies
Il y a des eaux pures
que bloquent un barrage
une muraille dure
pour embarrer la rage
Il y a des clôtures
si souvent inondées
il y a tant de murs
qu’on ne peut regarder
Et puis dans le cloître
Qui est là et qui prie
de vieilles ombres boitent
comme si c'était gris
Et de grands paysages
qui ne mènent pas bien loin
qui mènent aux pâturages
Qui mènent à ta main
Il y a des forêts
Que l’on ne connaît pas
des sentiers de marais
Pour braver le trépas
Il y a des montagnes
Que l’on ne peut graver
Et puis des eaux qui stagnent
des bêtes oubliées
Il y a tant de choses
qui ne sont pas écloses
Il y a secrets cachés
qu’on ne saurait chercher
Et il y a les nymphes
Qui espèrent dans l’ombre
Qui dansent enceintes
À la lueur des tombes
Et puis des perroquets
Qui dorment dans le froid
Qui parlent de criquet
Champagne et de foie gras
Il y a une fureur
Fragile, si fragile
Une petite fleur
se cachant comme une île
Et la rose diurne
Qui dort ensevelie
Dans une cage brune
Qui n’est pas un lit
Et puis les rats s’envolent
Quand l’ogre dégringole
Tout pleins de farandoles
le sol de la maison
refrain :
Ma couronne de boues
De doux rubis d’égouts
Inspire le dégoût
Aux princesses passant
Si tu n'avais qu'un seul moment
pour que ton âme se désaltère
Le choisirais-tu en avant?
Le choisirais-tu en arrière?
*
La parade
Après la marche des musiciens
Après l’échange des testaments
Après le délire des amants
Qui se languissent de se quitter
Et les décès, et les procès
Et les mariages des figurants
À minuit pile ou et demi
Je te promets de t’embrasser
Sur un joli banc du quartier
Sur un joli banc de minuit
Si je ne t’aime pas encore
Je pourrais bien aimer ton corps
Et puis j’embrasserais tes pieds
volontiers
Puis, je me donnerai en spectacle
Sur un joli banc de la place
Mon corps sera le réceptacle
De tout ce qui meure et qui s’efface
Après, comme un pou, comme un chien
Comme un légume qui se gerce
Comme un crachat, politichien
Un saltimbanque de commerce
Je te promets de te draguer
À minuit pile ou et demi
Sur un joli banc du quartier
Sur un joli banc de minuit
Mais si je ne t’aime pas encore
Je sais que j’aimerais ton corps
Et puis j’embrasserais tes pieds
volontiers
Dans cette chapelle de drogués
Dans ce court métrage sans sens
Dans cette ruine transfigurée
En un asile de silence
Je me ferai Christ et Satan
Et puis la pluie et le beau temps
Dans ce grand jardin paradant
Dans ce théâtre décadent
Je te promets de te laisser
À minuit pile ou et demi
Sur un joli banc du quartier
Sur un joli banc de minuit
Car si je n’aime que ton corps
Je pourrais bien t’aimer encore
Je ne pourrais que t’embrasser
Je ne pourrais que te draguer
Sur un joli banc du quartier
À minuit pile ou et demi
Sur un joli banc de minuit
volontiers.
*
©François Baril Pelletier