
L'Universelle lumière
«D’abord, il y a eu la création.
Après l’ont expliquée les incapables.
L’artiste crée –les vers rongeurs l’expliquent.
Quelle pauvre petite gelée dans ton crâne![1]»
Préface
Malheureusement, depuis longtemps, comme au temps des Pharisiens, les corbeaux et les loups envahissent le Temple: et ce sont ceux qui se trouvent dans le Temple, et non à l’extérieur, qui sont les plus féroces et les plus hypocrites. Car malheureusement, parmi les personnes les plus fermées se trouvent souvent les personnes religieuses, les personnes avec des croyances fortes, des croyances qui sont devenues tellement des attachements puissants à une seule façon unique de voir qu’il est impossible de modifier leur vision, même pour quelque chose de meilleur -car de plus vrai, de plus universel. Les athées sont aussi parfois des gens qui ont des croyances fortes, car la science et son matérialisme est aussi une croyance; c’est la croyance que la matière ou tout ce qui est observable constitue tout ce qui existe (et que les choses ne détiennent pas un sens intrinsèque) même si au fait cela ne constitue qu’une infime portion de la Réalité et ne comprend absolument pas le monde spirituel ou des dimensions qui ne sont peut-être pas directement matérielles.
Dieu n’est pas catholique. Ni hindou. Ni musulman. Ni bouddhiste. Ni animiste. Ni juif. Et la Vérité n’est non plus pas uniquement scientifique. En fait, l’Église des hommes n’est pas l’Église de Dieu, et Dieu a créé et voulu la diversité des religions ou des savoirs, comme en toutes choses, car la Vérité, ou si vous préférez, la Réalité, est diverse et infinie -elle ne cultive pas la pensée totalitaire- et peut se faire comprendre et aborder d’une infinité de façons. Et celà, même si on peut croire à prime abord que notre vérité ou notre réalité est «niée» en dehors de notre religion ou façon de voir, ce qui n’est pourtant pas le cas. Donc nous pouvons -et je crois que nous avons même le devoir d’aborder la Vérité à travers toutes les différentes approches, donc par l’entremise du savoir de toutes les religions et philosophies, car toutes sont porteuses de vérité et aucune n’est plus vraie que l’autre. Tous les textes sacrés du monde révèlent la lumière. Il est grand temps de réaliser que ce sont toutes des angles sur des différents aspects de l’Unité, qui doivent être mis ensemble pour une meilleure compréhension du Tout, duquel ils ne sont qu’une face indissociable.
Ce livre cherche à briser avec ce statu quo. Appelez cela comme vous voudrez, du syncrétisme, du new age (ce que ce n’est absolument pas, pourtant), et pourquoi pas de l’hérétisme ou du blasphème, tant qu’à y être -cela importe peu. Car toutes ces choses, ou presque, qui sont de la spiritualité (qu’elle soit classique ou consistant une nouvelle façon de percevoir), sont bonnes. Car la seule chose qui puisse mettre la paix et l’amour dans le monde est la spiritualité -ou les valeurs que cette dernière véhicule (comme les valeurs sont toujours spirituelles)- spiritualité de tous les horizons et de toutes les dimensions. Ce qui est important, au fond, est l’amour et la tolérance qui unissent tous les hommes: ce qui est important est d’accepter l’Autre.
*
Introduction :
Spiritualité dans un monde dualiste
SPIRITUEL
-
Qui est esprit, de l’ordre de l’esprit considéré comme un principe indépendant. Immatériel, incorporel.
-
Propre ou relatif à l’âme, en tant qu’émanation et reflet d’un principe supérieur, divin.
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Qui est d’ordre moral, n’appartient pas à la mesure sensible, au monde physique.
SCIENCE
-
Connaisssance exacte et approfondie. Connaissance, savoir. L’arbre de la science du bien et mal. Science de l’avenir.
RELIGIEUX
-
Qui concerne les rapports entre l’être humain et un pouvoir surnaturel; qui présente le caractère réservé et obligatoire d’une religion.
-
Consacré à la religion, à Dieu, par des voeux.
-
Qui croit en une religion, pratique une religion.
Petit Robert
*
I.
Religion, science et spiritualité
«Comment la religion et la science pourraient-elles se concilier?
-À la nouvelle Lumière, on reconnaîtra qu’elles sont UN,
Toujours elles ont été UN.
UN, comme la mélodie et le rythme, inséparables.
Chaque membre du grand orchestre joue séparément.
Mais la symphonie est UNE.
Une fois, c’est le violon qui conduit,
une autre fois, c’est le violoncelle.
Une fois, la religion, une autre fois la science.
Mais aujourd’hui, c’est le rien!
Car ils ne servent pas, mais chacun veut diriger.
Surtout le tambour parce qu’il est le plus bruyant.
Le chef d’orchestre devrait servir l’esprit de la symphonie.
Mais maintenant, il n’y a même pas de chef d’orchestre.
La parole est au plus bruyant[2].»
*
La terre tourne et nous ignorons réellement, malgré les récits de la Bible et du Coran, les Védas Hindous, les croyances animistes, les mythes grecs, la science moderne, pourquoi ces planètes sont ainsi en rotation les unes autours des autres, comment cet univers est venu à naître, pourquoi nous ne faisons que passer. Alors que les religions sont remplies de dogmes et d’idées les ayant fait dévier du message premier de leurs fondateurs, la science est, dans notre monde occidental, le plus souvent matérialiste et athée par réaction à l’obscurantisme religieux qui a dominé pendant des siècles et même persécuté la libre-pensée. C’est donc par réaction que nous sommes tombés malheureusement de l’autre côté du balancier, et nous nions maintenant l’existence même d’une force créatrice, qui pourtant est une chose bien scientifique, car il y a une cause à chaque chose.
Mais il existe des différences fondamentales entre la religion, la science et la spiritualité. D’abord, la religion est née de la parole[3], et son étymologie est soit de «relegere «recueillir, rassembler» (de legere «ramasser», et fig. «lire»), ou de religare «relier»[4]». La religion -ou certains de ses éléments les plus fondamentaux- existe probablement depuis la Grande Diaspora de l’Homo sapiens, de la corne de l’Afrique jusqu’aux confins de l’humanité, il y a de celà 50 000 ans, et a probablement connu un développement parallèle au développement de l’art, car la religion et le symbole se sont développés de façon parallèle[5]: Il y aurait même eu, d’après Emmanuel Anati, une religion des origines, qui serait apparue à ce moment, une religion primordiale, ayant précédé les transformations religieuses subséquentes.
Ainsi, si toutes les religions se prétendent uniques, elles ne sont pas si différentes qu’on pourrait le penser, ayant peut-être toutes une origine commune, parallèle au développement de l’humanité; humanité qui d’après plusieurs chercheurs, n’aurait pas eu une source multiple, avec peut-être même un père et une mère primordiale, ainsi que démontré par le mythe d’Adam et Ève, ou deux tribus originaires, tel que mis de l’avant par Anati[6]. Quoi qu’il en soit, les religions se seraient ensuite diversifiées il y a de cela 12 000 ans, et auraient développé des distinctions régionales dans l’histoire ou la protohistoire, donnant les religions comme on les connaît aujourd’hui[7]. Cette régionnalisation des religions se poursuivrait donc jusqu’à maintenant. Sur des fonds archétypaux communs à toute l’humanité, elles sont donc venues à intégrer une histoire spécifique basée sur des croyances qui ont été à prime abord d’authentiques expériences spirituelles et qui souvent, proviennent de véritables faits historiques ou symboliques, vécus ou non par des peuples ou des individus, et qui ont par contre la plupart du temps été transformés par le mythe. La plupart des traditions religieuses contiendraient donc, d’une part, cette souche commune à toute l’humanité, mais également auraient éventuellement mis ensemble un ramassis d’écrits multiples rassemblant des histoires et des mythes de diverses sources et traditions.
On peut dire également que les religions contiennent aussi une structure souvent empreinte de dogmes, cherchant à solidifier un contenu qui pourrait autrement se perdre. Malheureusement, le problème que nous voyons dans ces vastes constructions symboliques, c’est que le dogme (ou même le rituel) vient souvent prendre plus de place que le contenu, et le contenu est ainsi parfois perdu au profit du dogme, autoritaire et rigide, qui constitue la forme -ce qui n’était pourtant pas l’objectif premier. Bien sûr, la coupe est importante pour qu’on puisse boire le liquide, mais si la coupe est fêlée, elle laisse tomber le liquide, et si elle est impénétrable, il est impossible de le boire.
En ce qui a trait à la science, elle est née de la philosophie et même de la spiritualité (les Présocratiques étaient des «physiciens», philosophes de la nature, la nature désignant aussi le cosmos, intrinsèquement spirituel[8]), et même si science veut dire «connaissance exacte et approfondie», ce qui peut aussi vouloir dire connaissance spirituelle, on pourrait dire à prime abord qu’elle n’observe maintenant que ce qui est mesurable, quantifiable, calculable, et ne croit donc pas dans l’esprit car selon elle, on ne peut l’observer objectivement. On pourrait donc dire qu’elle ne croit, le plus souvent, que dans le monde matériel ou physique, ou ce qu’elle peut prouver directement. Pourtant, ainsi que les religions l’ont fait avec la foi, la science prétend maintenant, au nom de la raison, être porteuse de la vérité unique.
La spiritualité, quant à elle, est l’expérience pure et simple de la Réalité dans toutes ses formes; elle constitue la compréhension de l’Ensemble, par l’union des contraires et la compréhension de toutes ses parties, si distantes, irréconciliables, paradoxales puissent-elles paraître. Tout est spirituel, même la science et la religion et toutes les choses qui peuvent être sues ou expérimentées. Pour l’homme spirituel, c’est donc plutôt le contraire -de cette soif de preuves nécessitée par la science- qui se produit. Car en plus du fait que nous savons fort bien que les choses les plus sûres se savent avec le coeur, sans preuves matérielles, si nous ne pouvons être assurés de rien, nous pouvons être assurés d’une seule chose, que nous existons, même si cette existence intérieure est quelque chose que nous ne pouvons pas prouver directement. Donc, c’est l’existence du monde physique, que nous ne connaissons que par nos sens, qui aurait besoin d’être prouvé, car toutes les perceptions que nous en avons sont trompeuses et incomplètes et d’une certaine façon illusoires. Or, tout le savoir scientifique est incertain et fragile, puisque nous ne pouvons aucunement être sûrs de l’existence du monde objectivement. Au contraire, la seule chose qui a une existence certaine, c’est l’esprit: c’est le «je pense donc je suis» du philosophe français.
On peut dire que la science élabore aussi, comme les grandes religions, des Lois, qui tentent d’énoncer «la Vérité», mais ces Lois ne concernent que la matière, malheureusement, et il existe également des Lois non observables par les sens, pour ainsi dire, spirituelles, «observables par l’esprit» seulement, mais tout aussi véridiques. L’homme spirituel sait que même si on prouve des choses scientifiquement, et qu’on élabore des théories de la vérité, ces mêmes théories seront complètement désuètes dix ans, cinquante ou cent ans plus tard, ce qui veut dire que la science, qui pense dévoiler la vérité, ne peut prendre en compte tous les facteurs de la réalité, car nous ne connaîtrons jamais tout, et nous ne pourrons encore moins les conjuguer ensemble. La science, tant et aussi longtemps qu’elle n’embrasse pas une vision plus complète des choses, est donc en situation de faillite, et demeurera, si elle ne le fait pas, toujours infiniment éloignée de la vérité ultime, ce dont pourtant la spiritualité, en comprenant toutes les réalités possibles, peut se rapprocher.
La plus grande clameur du monde scientifique dans la direction du matérialisme est de répéter comme un mantra que la formation du monde n’est que coïncidence et hasard. Or, ce n’est pas parce que les choses ont été faites soi-disant par hasard que ce hasard n’a pas un sens et une direction. En fait, tout n’est que coïncidence, mais cette coïncidence suit un ordre, même si cet ordre peut sembler aléatoire. Car l’information de l’existence telle que nous la connaissons aujourd’hui, était présente en germe avant que nous existions, et même dans l’essence des choses au début de l’univers.
La spiritualité sait qu’il faut regarder les choses de points de vue différents et considérer tous les morceaux du casse-tête; car tout est à la fois matière et esprit, visible et invisible. La véritable connaissance, se situe donc entre les deux, celle qui nous dit que nous ne pouvons rien savoir objectivement, sauf que nous faisons partie d’un tout, que nous ne sommes que des fragments de ce tout, des cellules dans la composition d’un corps immense. Car la science ne semble pas vouloir le prononcer, même si c’est celà même qui fait sa raison d’être: nous faisons partie d’un ensemble qui vit, et ce tout a une cause car il ne peut y avoir de vie sans cette cause première; ainsi, tout remonte à une origine. Le monde a peut-être été créé par le Big Bang, mais ce Big Bang est le résultat de forces qui sont et qui seront toujours en dehors de notre compréhension... et cela, même si les scientifiques nomment l’événement et nous en donnent les composantes chimiques ou le nombre de dimensions. On a beau disséquer, gloser rationnellement sur l’ampleur de ces forces, nommer les choses avec des noms scientifiques, connaître leur composante chimique, tout cela ne nous fait pas plus comprendre d’où elles viennent, ce qu’elles sont fondamentalement, essentiellement, et cela depuis la nuit des origines. Or, là où la science est quantitative, ce qui ne peut qu’apporter une réponse matérielle, la spiritualité est qualitative. C’est dans la profondeur d’une chose qu’elle devient spirituelle et vraie, dans son essence, non dans les noms scientifiques de ses composantes chimiques ou mathématiques –même si le nom et la mathématique des choses n’est jamais aléatoire, et celà dans le fond. Le mystère de la vie est infiniment profond, et ne peut être compris que par l’être spirituel, même si cet être peut également avoir un intérêt et une perspective scientifique, religieuse ou très rationnelle. Car la véritable science n’est pas matérialiste.
La vision spirituelle consiste donc à voir les choses d’une façon plus complète que si on prend le point de vue unique de la religion (qui se réfugie dans le dogme et dans la politique du spirituel pour faire valoir son point de vue) et la science (qui est en réaction viscérale et intellectuelle par rapport à celle-ci). Ceci est vrai car la spiritualité est en quelque sorte le pont entre les deux forces de ce dualisme de notre époque, comprenant à la fois la religion -reexaminée sans la rigidité des dogmes et avec des yeux neufs, allant droit à l’essence de celle-ci- et la science -sans son côté matérialiste et athée. Considérant que chaque bout de matière renferme des informations et ces informations sont connectées ensemble pour former l’Ensemble, nous savons une chose: c’est que nous ne sommes que des fragments dans cet ordre des choses, dans cette Totalité qui vit, qui peut parler à qui sait l’entendre. Or, pour entendre, il faut d’abord écouter, tendre l’oreille. Car si cette Réalité vit et agit, le sens ne se révèle qu’à celui qui s’ouvre le coeur à ce que murmure le monde, soit à ce qui est et porte moins d’attention à ce qu’il croit qui est -surtout par la voie de la raison toute puissante ou des dogmes établis.
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II.
Église de l’Homme vs. Église de l’Absolu
Il nous est difficile, pour nous, les hommes, qui sommes malheureusement par nature centrés sur soi, de faire naître les possibilités de l’avancement dans un monde ou les valeurs de partage sont le plus souvent perdues, et où l’unique valeur est devenue la liberté individuelle. Liberté absolue, qui vient remplacer toutes les autres valeurs.
Dans ce chaos ou l’absurdité est souvent maître, c’est donc l’individualisme et le matérialisme qui triomphent. Les chevaliers de la science et du progrès, de l’argent, font avancer le monde, des progrès qui ne servent en bout de compte qu’à notre plus rapide et efficace destruction, car nous détruisons en ce faisant tout ce qui nous entoure, et nous guérissons la souffrance des autres surtout par des pilules, au lieu d’emprunter une approche plus holistique, incluant une dimension spirituelle, pourtant clé. Le matérialisme ambiant nie les dimensions invisibles du monde et de l’esprit, et le sacré est souvent oublié, dans ses aspects les plus importants (le sacré de la nature et du corps vivant, par exemple, voire même de la vie dans son ensemble), et parfois est complètement nié pour céder la place au profit, à la surconsommation, au pratique, à l’entertainment et autres médias du cirque. Or, ne marcher que sur la voie du visible nous conduit sur les sentiers de l’excès, non pas ceux de l’équilibre avec nous-mêmes, avec les autres et notre environnement. Car ce monde comporte aussi des phénomènes invisibles et il est temps que ces Lois soient de nouveau connues des hommes.
Certaines de ces Lois ont été défendues par les religions à travers les siècles, parfois en les prenant trop à la lettre, parfois les transformant dans un but politique rigide et d’ailleurs souvent fermé, car intolérant des autres messages ou savoirs, au point de nier ces mêmes Lois qu’elles devaient défendre. Bien sûr, personne ne peut dire que les religions, millénaires, ne sont pas pleines de savoirs ancestraux et de messsages qui ont été capitaux dans le développement moral, intellectuel et spirituel de l’espèce humaine. Personne, donc, ne peut nier l’importance des religions dans le développement humain –même si cette influence est souvent perçue comme negative- ni même la grande valeur de leur message aujourd’hui, oui, en 2014- messages qui sont présents et bénéfiques pour toute notre société, de façon toutefois le plus souvent indirecte. Car avant que n’existe un humanisme empreint d’athéisme, ces messages d’amour et de pardon, de tolérance et d’espoir, sont venus apporter une veritable dimension de communion avec l’autre, de tolerance et de force, quand bien sûr ils ont été bien compris et appliqués, et cela, sur l’ensemble de la planète.
Pourtant, et c’est bien malheureureux, ce n’est pas de la communion spirituelle, de don de soi ou d’amour dont nous entendons le plus parler quand on nous parle de la place de la religion dans notre société -même s’il ne s’agit probablement pas de la plus grande proportion du monde spirituel qui soit complice- mais plutôt de violence, de fermeture d’esprit et de fondamentalisme. Le message spirituel, le contenu des religions, n’a pas toujours été bien compris, et pris à la lettre, a souvent été utilisé à des fins politiques, pour manipuler les masses ou dominer l’autre, voire même, pour le détruire, lui et sa vision, purement et simplement. Ceci est ce qui fait la mauvaise réputation des religions à notre époque. Mais cette manipulation du savoir spirituel opéré par les hommes, et souvent fait par le moyen de lois et de dogmes, n’est pas l’oeuvre de la spiritualité, ni même de la religion, mais plutôt du désir de pouvoir de certaines personnes, qui, s’étant servies de la religion à des fins politiques, et l’ayant pervertie pour un usage destructif, auraient commis des crimes affreux en son nom. Or, vous en conviendrez comme moi: ce n’est certes pas parce que des gens ont été des mauvais pratiquants, ont été manipulateurs ou ont abusé des hommes, que l’essence du message spirituel lui-même doit en être la cause. Le message a même plutôt dans ces cas été mal interprété et surtout, mal appliqué par des êtres désirant, très anti-spirituellement, dominer les autres ou leur imposer une vision ou un état physique ou moral, pour ne pas tout simplement dire, les éliminer. La spiritualité prône l’amour et jamais la destruction, l’obscurantisme ou la manipulation. Elle cherche plutôt la compréhension, l’union, la beauté et la connaissance –là est la quête véritablement spirituelle.
Alors, beaucoup de guerres saintes ont été menées au nom de la spiritualité, de tout temps: nous avons tué au nom de Jésus, et détruit au nom d’Allah. Mais peut-on justifier aucune guerre par la spiritualité, aucune violence sur le nom de l’Unique? Les guerres ont des raisons politiques, non religieuses et spirituelles; la spiritualité, elle, souhaite la paix dans et par le monde. Et la Vérité pour laquelle on a tué, où est-elle? La Vérité n’est pas une chose dont on peut s’approprier. La Vérité se conjugue avec le verbe être, non avoir: la Vérité, c’est ce que nous sommes, c’est le monde, l’univers dans lequel nous vivons et les lois qui l’animent. La Vérité, c’est tout ce qui est. Nous ne pouvons avoir la Vérité, la détenir, la posséder, car dès que l’on croira la posséder, elle nous échappera complètement. Or, il est complètement absurde de vouloir imposer la Vérité à l’autre, car l’autre fait partie de cette même Vérité.
Ainsi, de nos jours, beaucoup de gens ou de sociétés ont pris leur distance par rapport à la religion, mais la spiritualité elle, qui est aussi contenue dans chacune des religions, qui en est la source, est une partie intégrante de l’homme et du monde et il est impossible de s’en défaire véritablement, car il s’agirait alors de se défaire de l’homme lui-même, du monde et des valeurs, qui sont tous des phénomènes spirituels. En fait, rappelons que la religion, née en même temps que l’homme, avec le développement de tous les archétypes, consiste en «les premières expressions intellectuelles de l’espèce humaine[9]». Les religions, de vastes structures pour chercher à comprendre une origine, un message divin, ont beaucoup de choses à nous apprendre, sur notre espèce, et sont une source incommensurable d’Histoire, d’approches philosophiques à la vie, de morale, de literature et de mythologie, qui peuvent nous révéler une part de vérité en plus d’alimenter l’imagination. Donc, les religions contiennent des messages puissants sur l’équilibre intérieur, sur la relation avec l’autre, et des fournissent souvent de profondes connaissances sur la force véritable, qui est la plupart du temps une force morale -et cela, surtout à notre époque matérialiste qui s’en croit souvent, et bien sûr, à tort, affranchie ou libérée. Car le monde est couvert de blessures et la seule chose qui peut les guérir est l’amour, une substance spirituelle. Mais alors que nous sommes dans une période de profond déséquilibre avec l’Autre et avec le monde entier, détruisant la nature de toutes les façons imaginables, nature qui nous a créés, les religions, ou ce qu’elles recèlent, soit une spiritualité contenant des valeurs comme la tolérance, la patience, l’ouverture –toutes fondées sur l’amour- ou leur héritage sociétal, ont un rôle essentiel à jouer pour la résolution de problèmes humains mondiaux complexes et apparemment sans issue autrement que par leur entremise.
Comme exemple assez frappant de ce phénomène de rejet des valeurs religieuses, la spiritualité est la seule à considérer le sacrifice comme une bonne chose, celui-ci constituant pour nombres de traditions religieuses la forme d’amour la plus louable car nécessaire à la vie. Le sacrifice est pourtant rejeté par les sociétés qui mettent de l’avant l’individualisme comme valeur primordiale, car il est perçu comme masochiste et nuisible à l’émancipatoin de l’individu. Or, c’est tout à fait le contraire, car le sacrifice est amour (en fait, il s’agit de l’amour le plus détaché et généreux) et l’amour n’est jamais nuisible. En fait, pratiquement toute générosité comprend une part de sacrifice, car de don de soi. On n’a qu’à regarder le sacrifice d’une mère ou d’un père. Toute chenille, pour devenir papillon, toute graine, doit opérer un sacrifice, une mort, pour finalement éclore.
Or, si la religion chrétienne est riche historiquement et théologiquement, tant de centennaires ont permis de faire le tour de plusieurs questions religieuses paraissant importantes pour certaines sociétés, à certaines époques. Or, en toute honnêteté, l’étaient-elles toujours vraiment? La fin de l’Antiquité et le Moyen-Âge n’ont-t-ils pas le plus souvent fait fausse route dans leurs questionnements spirituels rigides, sur la nature de Jésus, sur la Trinité, etc? N’avons-nous pas laissé quelques individus décider ce que des millions, des milliards d’individus devraient croire par la suite? Si nous regardons la religion chrétienne, ne nous sommes pas plutôt le plus souvent davantage complètement gourrés et profondément éloignés du message de Jésus que nous nous en sommes rapprochés depuis, en le transformant à notre guise, en adoptant surtout une approche dogmatique, selon les circonstances politiques et morales, nous revêtant du costume chrétien mais non de l’essence du message? Ceci n’est pas surprenant, car sur la Terre n’est que l’Église de l’Homme, imparfaite, non encore l’Église de Dieu. Et cette adaptation du message de Jésus, ce manque de compréhension de la part de ses disciples, même si avoué, a commencé avec les premiers Chrétiens, et a continué avec ceux qui ont suivi. Ceci est probablement le cas de nombreuses religions organisées, sinon toutes, car ce qui est soumis au temps est également soumis à la dégradation progressive ou à l’éloignement de l’origine, ce qui est en soi un phénomène humain, mais d’abord et avant tout un phénomène naturel.
Or, le malheur, c’est que souvent, au cours de l’histoire, le dogme, qui est la forme d’une religion -ou ses piliers inchangeables, statiques, rigides- est venu progressivement prendre tellement de place qu’il est même souvent venu jusqu’à nier le contenu, le message fondamental, qui est d’affirmer le sacré de la Vie elle-même, source de toutes les révélations, ou carrément la remplacer. Pour aborder l’exemple du Christiannisme, en particulier du catholicisme, tant de dogmes sont devenus de simples répétitions d’un rituel souvent incompris, dans une structure trop souvent exclusive. Or, ce qui avec Jésus n’était que contenu, car le contenant était lui-même contenu, est devenu, avec le catholicisme, la structure même, le contenant empêchant de se rendre au véritable contenu, perdu au profit d’un dogme rigide venant le cacher. La foi n’était plus l’expérience spirituelle mais le fait de se convertir au catholicisme, le fait d’être bon ou mauvais n’étant plus basé sur l’éthique mais sur les lois imposées par l’institution. Rappelons que Jésus contestait lui-même, au grand mépris des Pharisiens, les lois et rituels religieux imposés par les autorités ecclesiastiques de l’époque, et pris par une grande partie des Juifs pour des vérités essentielles, ce qu’elles n’étaient toutefois ultimement pas. Elles n’étaient plutôt en fait que dogmes rigides, et les dogmes nient la plupart du temps le caractère mouvant et suprême de la Vie, car ils sont inchangeables et incapables de se transformer avec le temps, le changement des moeurs, des époques. En fait, Jésus était perçu comme un hérétique par les autorités religieuses juives, ce qui signifie que l’hérétisme ne veut rien dire hormis le fait de différer de l’opinion de celui qui domine. Et la véritable spiritualité ne nie pas la Vie, elle la souligne et la célèbre. Le dogme, quant à lui, dicte, commande, impose; c’est l’essence même du totalitarisme. Et nous l’avons dit, la Vérité ou la Totalité n’est pas totalitaire, mais diverse et infinie.
Toutefois, il existe de nombreux problèmes associés à la religion en général. Premièrement, de nombreux croyants –et ceci n’est pas que le cas des Chrétiens- sont prêts à jurer de par leur foi, et parfois ont la prétention de dire que la leur est la bonne, et que l’autre est mauvaise, qu’il n’y a qu’une Voie: la leur, alors que toutes les voies spirituelles mettent de l’avant l’amour et la croyance en une quelconque libération. En fait, Dieu ne parle pas à une seule culture, à une seule race, à une seule nation; Dieu parle à tous les peuples de façons différentes, il montre à chacun différentes facettes de ce qu’il est. Il y a un seul monde mais toutes les philosophies offrent une différente perspective sur l’Unité, un certain angle sur la Totalité aux aspects infinis. Toutes les voies mènent à Dieu, même l’athéisme, car toutes mènent éventuellement à la mer. Nous avons tous la vérité quelque part en nous car nous sommes tous une part de Vérité. Je pense entre autres que l’Église, qui a de tous temps proclamé ses dogmes sur tous les toîts ferait mieux de prendre les leçons des autres révélations si elle veut se prétendre universelle.
Un autre problème est que de nombreux membres des religions organisées soutiennent que comme les textes sacrés sont inspirés divinement, on peut donc jurer par ces textes. D’abord, il y a sûrement un élément d’inspiration dans les textes sacrés fondateurs de tous genres, car toute inspiration vient d’ailleurs et on peut se donner à cette force qui parle à travers nous et devenir alors des outils de l’Ensemble. Toutefois, si ces textes sont inspirés, ils ont été écrits physiquement par des hommes. Ces écrits, s’ils proviennent d’une source sacrée, sont pourtant soumis aux forces d’ici-bas. On peut donc dire qu’ils sont imparfaits en soi. Car en plus d’avoir été changés avec le temps, ces écrits comportent des contradictions, des erreurs, des maladresses; la mythologie s’est souvent mêlée à l’histoire; d’ailleurs, ils ne sont jamais un compte rendu, mais bien des écrits symboliques. Ils ne sont donc pas vraiment histoire. S’ils proclament des choses lumineuses, nous ne pouvons dire qu’ils ne sont que lumière, car ce sont des hommes qui les ont mis par écrit, et ce sont par les hommes, de main en main, qu’ils ont été transmis jusqu’à nous. Alors, à ceux qui ne jurent que par les textes, je dis simplement: la seule chose qui n’est que lumière, c’est la lumière elle-même.
Et que dire de ces êtres qui sont venus éclairer les hommes; nous avons souvent fait d’eux des Dieux alors qu’ils n’étaient que des messagers. Nous avons idolisé le messager au lieu d’adorer celui qui l’envoyait. Jésus, contrairement à ce que l’Église proclame obscurément, était avant tout un homme: il souffrait, avait des besoins physiques, désespérait, désirait. Il le dit lui-même, il est envoyé par Dieu, il est son fils, non Dieu lui-même. Car il n’y a qu’une Totalité, et la Totalité ne peut se donner des limites dans de la chair. Jésus a laissé venir en lui l’âme du monde et ainsi, il a parlé aux hommes, mais c’est son lien avec Dieu qui était divin, non son corps et sa chair comme le veut le rituel sacré. Tout comme tous les hommes qui ont marché sur cette terre, il avait ses forces et ses faiblesses, ce que la mythologie a complètement anéanti. N’a-t-il pas souffert, comme tous les autres hommes? Ne clâme-t-il pas, alors qu’il est sur la croix: «Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?» Alors, s’il était lui-même Dieu, pourquoi aurait-il besoin d’appeler Dieu a sa rescousse? S’il était lui-même Dieu, comment pourrait-il être tenté par le Diable? Non, vraiment, Dieu, la Totalité, ne peut être tenté(e). Nous avons tous une part divine et une part de terre en nous. Or, Jésus est peut-être fils de Dieu, mais si Dieu est en chacun de nous, nous sommes tous les enfants de l’Unique.
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Références :
[1] Dialogues avec l’ange, édition intégrale, Un document recueilli par Gitta Mallasz (1990). France: Éditions Aubier, p. 176
[2] Dialogues avec l’ange, édition intégrale, Un document recueilli par Gitta Mallasz (1990). France: Éditions Aubier, p. 163
[3] Odon Vallet (2000). L’esprit des savoirs, Une autre histoire des religions V. Italie: Gallimard, p.10
[4] Petit Robert
[5] Emmanuel Anati (1999). La religion des origines. Paris: Bayard Éditions, p.95-106
[6] Emmanuel Anati (1999). La religion des origines. Paris: Bayard Éditions, p. 89-94.
[7] Emmanuel Anati (1999). La religion des origines. Paris: Bayard Éditions,
p.127-128.
[8] Lucien Jerphagnon (1989). Histoire de la pensée –Antiquité et moyen-âge. Saint-Amand-Montrond: Éditions Tallandier, p. 49.
[9] Emmanuel Anati (1999). La religion des origines. Paris: Bayard Éditions, p.17
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Partie I:
Une histoire de l’Unité
«LE CORPS N’EST RIEN D’AUTRE
QU’AMOUR DEVENU MATIÈRE[1].
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Le corps sacré
La croix est un symbole primitif de l’homme et représente également l’être humain accompli[2].
Ainsi qu’il y a cinq grandes religions, il y a cinq côtés à une croix. Ainsi que la croix, l’homme a aussi cinq extrêmités (la tête et les quatre membres), et cinq doigts x quatre mains/ pieds (qui au total, avec les cinq extrêmités encore additionnés, donne cinq x cinq).
Alors, si la croix est symbolique de l’homme, il est lui-même le reflet du corps de l’ordre divin. Donc, la croix, représente la qualité cosmique du corps humain, de l’homme dans son ensemble, mais peut aussi être mis en parallèle avec les cinq grandes religions, reflets des différentes composantes de la divinité.
La lumière est universelle. Ainsi Dieu, que l’on peut aussi appeler la Totalité, est Unicité et tous les messages révélés du monde ne sont que des facettes de la même réalité, qui a été donnée à différents peuples dans l’histoire de différentes façons afin de nous montrer le caractère multiple et infini de cette Unité, de cette réalité universelle à laquelle nous sommes tous soumis.
Alors, si on fait la croix du corps sacré:
Le front est le bouddhisme: la pensée (raison, clarté, pensée abstraite) étant centrale dans cette religion, les adeptes cherchant l’illumination de l’esprit.
Le ventre constitue l’hindouisme (et l’animisme): plexus solaire, foyer sexuel, nid de toutes les manifestations.
Le bras gauche constitue le judaïsme, lié à la mémoire et à la tradition.
Le bras droit constitue l’Islam, la foi par l’action concrète, Mahomet étant un homme qui a guerroyé pour défendre sa révélation.
Finalement, au centre, le coeur est le christiannisme, le christiannisme étant la religion du coeur, qui a donc la possibilité de tout intégrer et ainsi d’unir toutes les religions (le seul commandement chrétien étant: aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimé).
Ainsi, toutes les religions ne sont que différentes parties d’un Tout, de la même Vérité, comme les différentes parties de la croix, elle même symbolique du corps cosmique reflété dans l’homme.
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La «Grande Réalité»
«Tout peut être reconduit du domaine du visible à celui de l’invisible, du domaine du corporel à celui de l’incorporel et du domaine du manifeste à celui du caché[3].»
Origène
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Nous sommes un peu comme des courants souterrains. Notre partie consciente, bien sûr, est la surface, mais tant de choses sont en dessous de la surface, et nous influencent, nous touchent ou non, nous composent. Ces choses font partie de ce que j’appelle la «Grande Réalité», qui est en fait tout ce qui existe, même si cela est infininiment au delà de tout ce que nous connaissons. Il s’agit de la réalité cachée, qui peut être sentie ou non, vue ou non, perçue ou non, mais qui existe bel et bien, de la Réalité qui nous constitue ou qui est extérieure à nous, qui participe d’une façon ou d’une autre à la composition ou non-composition des choses (et je ne parle pas que de l’inconscient, dont la réalité même est remise en cause, mais bel et bien du Réel, dont l’existence peut continuer non seulement dans le temps et l’espace de façon infinie mais sûrement également dans les dimensions innombrables). Face à cette immensité, l’ampleur de la Réalité -et notre structure mentale en fait partie- tout ce que nous avons est notre petite lumière, notre conscience, notre esprit qui ne peut se concentrer que sur une chose à la fois à partir de données provenant de nos sens ou de notre intériorité, de même que notre expérience, pour nous guider à travers nos choix et essayer de percevoir des mouvements dans le courant sans fond.
Or, ainsi qu’il a été dit, la plupart des choses qui se passent en nous, autours de nous, dans l’ailleurs inconnu, ou même dans l’ici et le maintenant, nous ignorons presque intégralement. Et quelle est la provenance de cette réalité, même si nous faisons des recherches scientifiques pour essayer d’en trouver la cause, nous l’ignorons aussi tout à fait, et l’ignorerons peut-être toujours, malgré toutes ces recherches ou calculs. Mais pour que tout feu existe, il doit y avoir de l’air et du combustible, et une étincelle.
Pourtant, cette Grande Réalité, cette structure et essence universelle, existe bel et bien et nous lie ensemble, lie les univers ensemble, et toutes les dimensions. C’est ce que nous pouvons également appeler la Vérité car c’est la substance même des choses. C’est cette Réalité, cette Vérité qui vit en nous et au delà, que nous pouvons aussi appeler Dieu (et que j’appellerai ici souvent Unicité, Totalité, âme du monde, bien infini), et que des peuples nombreux ont nommé par toutes sortes de noms différents. Dieu étant loin de constituer une force solitaire qui vit dans le ciel, étant sans forme et sans couleur car les possédant toutes et aucune, Il est à la fois le zéro et le un, le tout infini, puissance au delà même des nombres et des formes car les transcendant tous et toutes, au delà de ce qu’on peut même imaginer.
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L’Alchimie des choses
«L’impermanence est aussi ce qui permet la transformation de nos illusions en Éveil. Son acceptation est en soi Éveil, le détachement qui inclut l’acceptation de l’attachement[4].»
Évelyne de Smedt et Catherine Mollet
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Tout dans notre monde est en constante transmutation, les choses périssables et impérissables. Les choses matérielles naissent et meurent, s’usent ou périssent, se fondent ou se mélangent à autre matière, se transforment sans cesse. Ainsi, les choses de l’esprit aussi connaissent un cycle éternel.
Comme l’’eau qui devient gas et glace, mais demeure toujours de l’eau, ainsi l’esprit doit sans cesse mourir et renaître, être sans cesse recyclé. Le corps vient du monde, est constitué d’atomes de différentes parties du monde, et retourne à lui; l’âme, invisible et abstraite, liée au corps de façon indissociable -depuis une dimension que nous ne connaissons que de l’intérieur- pendant le moment de la vie, se dissocie de lui à la mort pour, ainsi que l’eau, passer à une autre étape, devenir gas, bien sûr, de façon abstraite. Et ainsi de suite.
La vie est donc un processus constant, une alchimie incessante et sacrée. Chaque étape dans l’escalier du sens, étage que nous montons est importante pour nous emmener au but, que nul ne pourra pourtant jamais connaître de façon absolue et qui n’a peut-être même jamais de fin. Mais la chose que nous devons savoir est que chaque pensée, chaque geste, chaque mot dit a une importance infinie dans cette marche vers l’absolu, et tout ce qui se produit, est fait ou est dit, dans ses répercussions métaphysiques et spirituelles, a une dimension magique. Car la parole et l’acte sont porteurs de la semence d’un feu sacré.
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L’Ordre dans le désordre
«Le Bouddha Shâkyamuni a défini la loi de causalité, comme principe fondamental de l’ordre de l’univers. Selon cette loi, tout n’existe que par relation d’interdépendance entre les phénomènes, autrement dit par relation de cause à effet. Chaque effet a une cause et chaque cause, un effet[5]. »
Évelyne de Smedt et Catherine Mollet
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Beaucoup de gens pensent que si une chose se produit par hasard, c’est parce qu’elle n’obéit pas à un ordre donné. Or, ce n’est pas parce que nous ne comprenons pas l’ordre d’une chose que cette chose n’en a pas. Si nous ne comprenons pas l’ordre mathématique dans le hasard, ça ne veut pas dire qu’essentiellement, substantiellement, le hasard ne cache pas un ordre invisible à nos yeux ou nos cerveaux, qui obéit à des lois beaucoup plus fondamentales que la mathématique, mais plutôt à des lois d’ordre karmique, totalement étrangères à notre compréhension.
D’ailleurs, nous pourrions peut-être constater qu’il est impossible que le hasard seul puisse construire quelque chose à partir de rien. Rien ne peut venir du néant, sauf le néant. Rien ne peut exister, à moins d’avoir été guidé par une cause, ou une volonté. Rien ne peut exister sans avoir un sens et une direction, ou si vous préférez, sans être précipité par une force, quelle qu’elle soit, que cette dernière soit omnisciente ou non. Et cette force, même si elle est le Big Bang, est imprégnée d’amour. Ce hasard est donc tout à fait ordonné, structuré.
S’il n’y avait pas d’oxygène ou si nous n’avions pas de poumons, nous ne pourrions respirer. S’il n’y avait pas de lois matérielles, il y aurait chaos dans la nature, ce qui n’est pas le cas. Les choses matérielles suivent un ordre, et s’imbriquent les unes dans les autres. Les corps sont parfois symétriques asymétriquement, et les cellules sont ordonnées et chacune a un rôle à jouer. Le monde est d’une grande complexité, mais son apparent chaos est en réalité plutôt ordonné. On n’a qu’à regarder les structures de cristaux de glace pour le savoir (et si notre monde était en fait un peu comme un cristal de glace?).
Donc, le hasard est ce qui sculpte le monde, qui gère l’ordre «apparemment désordonné», mais il ne peut pourtant l’avoir créé, car sans cause première, il est impossible qu’il y ait un effet: une création. Ainsi que je l’ai déja entendu cité, «le hasard est la science des anges», les anges représentant les énergies abstraites qui composent l’essence de l’univers. Ces énergies sont le multiple par lequel se dévoile l’Unique et qui le composent, sans lequel le divin demeurerait «inconnaissable[6]».
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Une histoire de l’âme du monde
«La plupart des grands maîtres ont admis la validité des autres voies spirituelles, car, quand elles diffèrent, ou même s’opposent à la base, elles convergent à la cime, le retour de l’être à son unité originelle, la présence du divin en lui[7]. »
Jacques Brosse
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C’est depuis longtemps que nous percevons le lien entre la réalité intérieure et extérieure, le lien qui unit l’homme à l’univers, son environnement et à l’Au-Delà, la Grande Réalité comprenant la réalité visible et invisible. L’homme de cro-magnon, croit-on, pensant que toutes les choses étaient liées ensemble, a perçu cette intérieure magie des choses, dessinant des bêtes sur des parois rocheuses pour tisser un lien spirituel avec elles, ses dessins n’étant pas surtout d’ordre esthétique mais plutôt symbolique[8]. Ces gens comprenaient que tout acte, toute parole, a une dimension incantatoire et que tout l’univers est interrelié par l’esprit. Ce lien de l’homme avec son environnement (macro et micro) existe depuis le début de l’humanité, et même avant, quand nos ancêtres distants étaient en symbiose avec la nature dont ils faisaient partie, dans un jardin d’Éden. Nous croyons maintenant que nous en sommes séparés, mais il n’en est rien, nous sommes toujours des produits de la nature. Vues de haut, nos villes ressemblent en effet à de minuscules villes d’insectes.
De plus, si des experts ont pensé qu’il existait probablement, venant de la préhistoire, une religion des origines, ancêtre de toutes les religions, c’est parce que «les différents mythes et les différentes croyances peuvent être ramenés à des archétypes communs», donc un fond religieux « avec des principes, des concepts de base, des canons essentiels» qui sont partagés par toutes les religions[9] nées par la suite, et qui composent donc un peu notre conception spirituelle humaine fondamentale, malgré les changements de ces concepts effectués avec le temps et les régionnalismes. Un élément qui revient souvent dans les mythes des origines est le dualisme fondamental entre ce que nous percevons comme des contraires complémentaires: bien et le mal, le masculin et le féminin, le soleil et la lune, l’homme et l’animal, la terre et le ciel. À l’époque des fresques de l’homme de cro-magnon, il s’agissait du dualisme cheval-bison. Ce dualisme s’affirme en fait dès le début de la pensée humaine et du développement de l’art, des premières réflexions métaphysiques il y a de cela plusieurs dizaines de milliers d’années[10]. Ainsi, dans beaucoup de traditions religieuses, la terre est féminine et le ciel masculin. Nous pouvons retrouver des traces de cette dualité archétypale des contraires chez Héraclite[11] comme dans nombre de penseurs, dans le principe fondamental du yin-yang en Asie comme dans la religion mazdéenne, le Christiannisme, l’Islam, la gnose, les Esséniens, et cette dualité a pris des proportions excessives chez Mani ou les Cathares.
Or, depuis le début des civilisations, l’homme s’est mis à adorer ces esprits, perçus directement dans les énergies de la nature, et les a transformés en divinités, ces esprits représentant eux-mêmes des parties de ce qui forme un tout, comme des différentes énergies d’une roue -chaque chose de la réalité visible étant ainsi comprise comme ayant sa source ailleurs. Ainsi, nous avons vu l’apparition de divinités venant constituer un ensemble divin tout puissant, un Panthéon –Mésopotamie, Égypte, Inde, Grèce, Rome, etc. Plus tard ou en parallèle, des systèmes approfondis rassemblant ces différentes énergies de l’ensemble, comme l’astrologie, le Tarot, ou des écrits comme le Yi-King sont devenus des structures pour comprendre cette Totalité ou âme des choses, à travers toutes ces multiples facettes qui la composent dans notre univers. Si monothéisme et polythéisme ont souvent été opposés, ces panthéons pris dans l’ensemble de leurs parties –dont chacune représente une énergie parmi la Totalité, en constante métamorphose- constituent en réalité l’Unité, un ensemble tout puissant: l’âme du monde ou son esprit.
Malgré le fait que nous voyons souvent que ces systèmes polythéistes comme profondément différents des monothéismes dans la forme, ils contiennent de grandes ressemblances dans le fond. Alors que la plupart des religions animistes de l’Afrique, des Amériques et du monde entier parlent d’un «Père» et d’un «Grand Esprit» de l’Unité, le souffle primordial fut d’une autre part compris en Inde sous le nom de Brahman, «Seigneur de tout ce qui existe» et «Verbe[12]». Pour les Égyptiens, que l’on qualifie de polythéistes, cette âme du monde constituait, d’après Maspéro, l’«un, unique, celui qui existe par essence, le seul qui vive en substance, le seul générateur dans le Ciel et sur la Terre, qui ne soit pas engendré; le seul Dieu vivant en vérité, celui qui existe depuis le commencement, celui qui a tout fait et n’a pas été fait[13].» Les Juifs affirmèrent eux aussi un Dieu suprême, comme s’ils étaient les premiers à le proclamer. Le Mazdéisme, quant à lui, est un monothéisme car il développait une relation avec l’unicité de Dieu, croyant à ce Dieu tout-puissant mais infiniment bon et plein d’amour, à l’origine de Tout[14], les autres dieux représentant des démons intégrés comme énergies servantes du Tout. Le Mazdéisme a d’ailleurs développé l’idée de l’Esprit saint et de l’Esprit mauvais, dans une lutte qui sera un jour gagnée par Dieu dans une bataille ultime à la fin des temps, et mis de l’avant également l’idée de messies ou de sauveurs pour différentes ères, du jugement collectif à la fin des temps et du jugement individuel[15]. Tous ces elements, que nous associons profondément au christiannisme, comme l’Esprit Saint, le Diable, l’idée du messie, viennent donc du mazdéisme et auraient été des principes ramenés par les Juifs après la déportation à Babylone (voir partie II: Lettre au Chrétiens).
La Grèce et la Rome antique, que nous percevons également comme définitivement polythéistes, vénéraient souvent cette âme des choses, cette Unicité créatrice de Tout, et nous le voyons par nombre de philosophies pré-chrétiennes. L’orphisme, affirmant que la première création -née d’un oeuf cosmique ainsi que dans certains hymnes védiques- aurait été l’Amour, donne aussi à l’homme une propension au mal, mais également un élément divin, car l’homme serait constitué du Souffle de vie et de terre[16]. Pythagore, qui d’ailleurs se rappelait supposément de ses anciennes vies, révéla l’Unité de Dieu et le sens spirituel profond dans la mathématique du monde, affirmant que le monde lui-même était sacré. Anaxagore conçoit «un divin architecte du monde, distinct de ses oeuvres matérielles[17]»; Xénophane, de son côté, «proclama, le premier, l’unité du Divin», disant d’après Aristote que «L’un est Dieu»; Parménide soutenait que tout découle de l’Être, qui est nécessairement immortel et complet, identique au soi; Empédocle, qui croyait également avoir échappé au cycle des réincarnations, affirmait comment et pourquoi était née la multiplicité, de cette Unité primordiale[18]. Platon, quant à lui, exposait que «les proportions mathématiques du cosmos ne peuvent s’expliquer que par l’intervention d’un Être doué au plus haut degré de pensée, de beauté et d’amour[19]».
Les religions orientales cherchent aussi ce retour à l’Unité primordiale[20]. taoistes suivent donc «La Voie[21]» unique, et cherchent à se fondre en cette Unicité suprême et première, ce cosmos immuable dans son éternel changement. Les hindouistes ayant déja vu le soi (l’âtman) dans Dieu (Brahman)[22], les bouddhistes de toutes les traditions, quant à eux, dans une quête pour faire cesser la souffrance et se libérer, suivent toujours le Dharma (la Loi, la Vérité, la Réalité), pour atteindre le Nirvâna, en quelque sorte l’absolu qui se cache derrière toutes choses[23], le soi immuable ou «nature fondamentale de l’esprit» n’étant qu’un autre mot pour dire Dieu en nous ou première Volonté immuable de laquelle nous faisons tous partie.
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Plusieurs formes, un seul contenu
«Tous les textes sacrés,
toutes les saintes offrandes,
toutes les cérémonies,
tous les rites,
le passé, le présent, le futur, [...]
jusqu’au monde entier,
tout n’est que Ta projection
ô immortel Brahman[24].»
Shvetashvatara Upanishad
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Tout cela pour dire que quoique nom que l’on donne à cette chose immuable, elle demeure toujours cette première Volonté qui compose et unit les choses et les esprits. Longtemps avant notre ère, les Égyptiens, les Hindous, par des textes comme les Upanishads, de nombreux peuples animistes, les Taoistes et les Bouddhistes, les Juifs, et même les Grecs et les Romains, avaient donc déja développé une certaine -même si parfois non généralisée- relation avec l’Unicité ou l’âme du monde. Suivirent les Chrétiens avec Jésus, et Musulmans avec Mahomet, en ligne droite avec les écrits de l’Ancien Testament –quoique révolutionnant son message, dilué depuis. Vinrent ensuite toutes ces églises qui se divisèrent les unes par rapport aux autres en raison de leur propre compréhension du message que d’autres ont laissé.
Pourtant, il y a dans chaque religion deux composantes: la forme et le contenu. Le dogme et le rituel font partie de la forme d’une religion. La forme est la structure, donc, elle varie de religion en religion. La forme a souvent pétrifié, mythifié, organisé un contenu parfois au grand détriment, justement, de la source spirituelle, du message premier, qui a été transformé. Le message d’une religion, quant à lui, est son contenu, que l’on retrouve souvent dans plusieurs religions; c’est le fond. Ce «contenu» constitue la spiritualité d’une religion, même si la spiritualité englobe beaucoup plus de choses, et ultimement, le monde au grand complet. La plupart du temps, ce contenu d’une religion consiste, quelle que soit la religion, en des valeurs d’amour, d’ouverture, de tolérance, et vise l’harmonie universelle, par l’entremise de la paix avec le Grand Tout et avec l’autre.
Toutefois, un peu partout en dans le monde, comme d’ailleurs au Québec jusqu’à très récemment, l’Église catholique a pu abuser de son pouvoir, et malheureusement, elle fut trop souvent manipulatrice et obscurantiste, ce qui a causé souvent un détachement, à notre époque contemporaine, de ses dogmes et de son message, vus comme des éléments traditionnels néfastes à l’émancipation de l’individu et au développement de la société. Mais pourtant, si le dogme ne convient plus à beaucoup de gens, le contenu, soit le message d’amour et de paix de la religion catholique, ou de façon plus large, chrétienne -et là, je ne parle pas de la structure de l’Église mais bien du contenu spirituel- est toujours aussi puissant et nécessaire dans notre monde, et le sera toujours. Ce message d’amour et de sacrifice pour l’autre est très contemporain, dans une société dont les fondements sont souvent basés sur l’individualisme, la liberté, le profit. La religion, si elle sépare les peuples par des différentes formes, demeure dans ses fondements infiniment importante, une énorme source de sagesse, même si souvent, dans certaines de nos sociétés occidentales, elle est niée, taboue, incomprise et le plus souvent, trop rapidement balayée en raison de sa forme passée ou présente. Elle devrait plutôt être complètement réexaminée en ce qu’elle constitue vraiment, dans son essence, car elle récèle un des trésors les plus inestimables de l’humanité.
Or, même si beaucoup de personnes spirituelles suivent une religion, il n’est pas nécessaire de suivre une religion en particulier pour faire la volonté du Grand Tout, ou chercher à se fondre dans l’âme du monde. Alors, tel que nous l’avons déja vu plus tôt, le simple fait de reconnaître les valeurs véhiculées par les religions -ou plus tard, par l’humanisme- peut suffire, dans la vie, pour être sur une voie spirituelle. Car comme le dit Baso Dôitsu,
«Se vouer à un culte n’est d’aucune utilité pour atteindre la Voie. La seule chose que l’on puisse faire est d’être sans souillure. La souillure, c’est quand l’esprit est taché par les pensées de vie et de mort, ou par l’action délibérée. Saisir la vérité est la fonction d’un esprit tourné vers le quotidien. L’esprit tourné vers le quotidien est dépourvu d’intentions, dépourvu de concepts de bien et de mal, de prendre et de donner, de fini et d’infini. (...) Toutes nos activités quotidiennes –marcher, se tenir debout, êre assis, couché – toute réponse à des situations, nos manières d’aborder les circonstances quand elles surgissent, tout cela est la Voie[25].»
D’ailleurs, la véritable expérience spirituelle ne se fait pas grâce au contexte d’une religion, mais plutôt, malgré elle. La prière n’est donc pas nécessairement le fait de se recueillir; la prière est en réalité le simple fait de vivre; elle est agie, sentie, vécue, non seulement souhaitée ou pensée. Mais le fait de reconnaître cette Totalité -que cette dernière soit perçue comme unitaire ou plurielle- est aussi primordiale, car c’est à travers le fait de savoir que nous sommes partie intégrante d’une chose sacrée que nous développons le respect pour l’Ensemble du monde, des autres et de la nature, et que nous ne nous dualisons plus par rapport à ces choses. Cette relation que nous avons avec la Totalité est pourtant une chose bien personnelle; et il n’est pas nécessaire de faire partie d’une église pour faire le vouloir de l’Unité. Il est même souhaitable, afin de rester ouvert à tous les messages de l’Unité -qui sont en soi des aspects complémentaires de la même Lumière et Vérité- d’être plutôt ouverts à toutes les possibilités. Car l’ouverture au monde est selon moi la clé vers l’infini.
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Division de l’Unité
et l’Église du Monde
«Même si les paroles des mystiques ont cent formes différentes, étant donné que Dieu est Unique, que la Voie est unique, comment la parole pourrait-elle être deux? La diversité réside en la forme; dans le sens, tout s’accorde[26].»
Rûmî
Les hommes viennent tous de la même origine et retourneront également tous à cette source comme l’eau retourne un jour à la mer. Nous sommes donc tous de la même essence, sommes soumis aux mêmes lois de l’univers, sommes habités par le même amour des choses, réunis par les mêmes souffrances et par la (ou les) même(s) mort(s). Cela dit, le dogme divise les hommes plus qu’il ne les rassemble, alors que le message des religions devrait les unir. Un peu paradoxal, mais lorsque je suis allé au Saint-Sépulcre, j’ai vu les différentes églises s’arracher des lots de terrain dans l’église, et ceci me parut, plutôt que le lieu de rencontre que cela devait être, constituer plutôt une véritable cicatrice, et ce terrain épineux, lieu de toutes les disputes, me semblait aller même à l’encontre du message de Jésus. Est-il possible qu’en constituant des églises différentes, avec leurs messages respectifs, les gens n’aient pas réellement suivi le message du Christ? Et que dire de la vieille ville de Jérusalem, mère de trois grandes religions, divisé en ghettos juif, chrétien, arabe et arménien, un véritable champ de bataille depuis des centennaires?
Mais est-il nécessaire ou souhaitable d’abandonner les religions particulières pour prendre la religion du monde, qui comprend, toutes les religions et philosophies, sortir d’une église particulière pour joindre l’église du monde? Si la religion que nous suivons reste ouverte à 100 % aux différentes croyances, sans faire d’exclusion, je ne vois pas pourquoi ça le serait. Mais la réalité est qu’à part celle des Soufis ou des Baha’i, peu de fois accordent autant d’importance aux autres révélations qu’à la leur propre. Ils restent alors cloisonnés dans un seul messsage, alors que le monde leur en offre plusieurs, tous complémentaires et nécessaires pour comprendre l’Ensemble. Or, si chaque religion est seulement une différente facette de la même Réalité, il est donc préférable de voir la Grande Réalité avec le plus d’angles différents possibles, pour en avoir une meilleure compréhension.
La foi n’a pas besoin d’institution pour vivre. Je dirais même plus, la foi ne devrait avoir pour but que de se fondre en Dieu, quel que soit le nom que vous lui attribuez, et ceci ne nécessite qu’une relation de seul à seul avec lui, du moins de suivre nos propres choix, notre propre intuition et expérience, sans être nécessairement guidé par un chemin royal et droit, pavé de lois et de restrictions. Il s’agirait donc d’être guidé par la Vie elle-même, maître suprême, ainsi que toutes ses manifestations, toutes véritables. C’est la Vie, en réalité, dans toutes ses formes, donc de par toutes les leçons et canaux qu’elle peut transmettre ou emprunter, qui est notre seul et véritable enseignant, et auquel il convient véritablement de s’ouvrir pleinement. Car la Vie –qui est en soi l’essence même du Divin- est au dessus de la religion.
Ainsi, faire le vouloir de l’Unité, ou se donner à Dieu ou à la Totalité, concerne tous les gestes et paroles du quotidien, sans exception. Or, tous les chemins mènent à Rome, alors il n’y a pas de mauvais chemin. Mais l’institution est un outil politique, et social, -et peut-être mais- n’est pas nécessairement utile dans la création d’une relation personnelle avec l’infini. Cette relation personnelle se fait plutôt en faisant notre propre chemin, libre des recommandations ou leçons d’une institution, en suivant notre voix intérieure ou intuition, notre propre petite lumière, et bien sûr, avec les textes sacrés de tous les horizons. Et c’est en fait ce que l’insitution devrait promouvoir. Or, si une institution nous permet de faire notre propre chemin sans limites ou entraves, et le favorise même, cela est une très bonne chose, et ça suffit pour essayer de faire le bien et aller vers Dieu. Mais l’expérience spirituelle, la relation avec la Totalité, est en soi, par nature une expérience solitaire. S’il est donc vrai que tous les messages ne sont qu’une facette de l’Unité, et que l’âme du monde a livré ses messages, comme différents angles de vision qui constituent un Tout, à toute l’humanité, la meilleure église n’est donc aucune église, mais en réalité toutes les églises. La meilleure religion n’est aucune religion, mais est en fait toutes les religions. Car en réalité, la seule véritable religion qui a sa raison d’être -cette religion est sans institution- est la religion de l’amour[27] et cette religion a pour seule église le monde.
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Références :
[1] Dialogues avec l’ange, édition intégrale, Un document recueilli par Gitta Mallasz (1990). France: Éditions Aubier, p. 379
[2] Le grand livre de la Cabale Magique –Guide et applications pratiques fondamentales. Paris: Éditions Bussière, p. 193
[3] Origène, tiré de Collectif (2012, janvier-février). Le point –références: Les grandes mystiques: les textes fondamentaux, p. 21
[4] Évelyne de Smedt et Catherine Mollet (2004). Les patriarches du Zen –Une anthologie. Quercy: Les Éditions du Relié, p. 103
[5] Évelyne de Smedt et Catherine Mollet (2004). Les patriarches du Zen –Une anthologie. Quercy: Les Éditions du Relié, p.49
[6] Henry Corbin (1977). L’imagination créatrice dans le soufisme d’Ibn Arabî. Paris: Flammarion, tiré de Dante Alighieri, traduction de Jacqueline Risset (1992). La divine comédie: le Purgatoires. Paris: Flammarion, p. 9
[7] Jacques Brosse (1998). Les maîtres spirituels de l’humanité. Paris: Larousse, p. 7
[8] Jean-Pierre Mohen et Yves Taborin (1998). Les sociétés de la préhistoire. Paris: Hachette, p.74
[9] Emmanuel Anati (1999). La religion des origines. Paris: Bayard Éditions, p.106
[10] Emmanuel Anati (1999). La religion des origines. Paris: Bayard Éditions, p. 156
[11] Lucien Jerphagnon (1989). Histoire de la pensée –Antiquité et moyen-âge. Saint-Amand-Montrond: Éditions Tallandier, p. 58
[12] Rig Veda, tiré du livre Les Upanishads, commentaires par Alistair Shearer et Peter Russell, Traduction de l’anglais de Gilles Farcet (1991). Paris: Éditions A.L.T.E.S.S.,
-
30
[13] Jean Prieur (1997) Toi, le seul vrai Dieu –brève histoire du monothéisme. Chambéry: Éditions Exergue, p. 17
[14] Geoffrey Parrinder (1971). World Religions – From Ancient History to the Present. New York: The Hamlyn Publishing Group Limited, p. 179
[15] John R. Hinnells (1985). Persian Mythology. Yugoslavia: Newnes Books, p. 63-70
[16] Jacques Brosse (1998). Les maîtres spirituels de l’humanité. Paris: Larousse, p. 31
[17] Lucien Jerphagnon (1989). Histoire de la pensée –Antiquité et moyen-âge. Saint-Amand-Montrond: Éditions Tallandier, p. 62-74
[18] Jacques Brosse (1998). Les maîtres spirituels de l’humanité. Paris: Larousse,
-
34-35
[19] Jean Prieur (1997) Toi, le seul vrai Dieu –brève histoire du monothéisme. Chambéry: Éditions Exergue, p. 66-69
[20] Yves Thieffry (1976). Les secrets de l’astrologie du Yi King. Paris: Les éditions Elsevier Séquoia, p. 47-69
[21] Yves Thieffry (1976). Les secrets de l’astrologie du Yi King. Paris: Les éditions Elsevier Séquoia, p 66
[22] Jacques Brosse (1998). Les maîtres spirituels de l’humanité. Paris: Larousse, p. 39
[23] Charles R. Monroe (1995), World Religions – An Introduction. United States: Prometheus Books, p. 113
[24] Shvetashvatara Upanishad, tiré du livre Les Upanishads, commentaires par Alistair Shearer et Peter Russell, Traduction de l’anglais de Gilles Farcet (1991). Paris: Éditions A.L.T.E.S.S.,
[25] Baso Dôitsu, tiré du livre Évelyne de Smedt et Catherine Mollet (2004). Les patriarches du Zen –Une anthologie. Quercy: Les Éditions du Relié, p. 13
[26] Rûmî (1982). Le livre du dedans. France: Actes Sud, p. 72
[27] Rûmî, textes choisis et présentés par Leili Anvar, La religion de l’amour. France: Éditions Points, Q, LAI, n. 768, p. 53
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Partie II:
L’Église du Monde
Lettre aux Hindouistes
«Au commencement était le Silence.
Du sein du Silence est né le Son.
Le Son est l’Amour. (...)
Le Seigneur est le Silence.
Au sein du Silence reposait le Son.
Il est devenu corps. Il est né.
L’Amour est la première projection.
(...)
Ainsi est née la Vie. Sont nés, d’Un Son, les Sept.
De l’Un, les deux contraires
qui s’attirent et se repoussent.(...)
Les deux contraires et le Sept sont la clef de tout.
Les deux contraires concentrent et dispersent.
Mais sur le plan sacré, sur la ligne sacrée,
ils sont attraction, concentration[1].»
L’Unité est
Il est dit dans un hymne ancien du Rig Véda, qu’au commencement,
«il n’y avait qu’un chaos originel symbolisé par l’image d’une eau d’une profondeur insondable. À ce stade, il n’y avait ni temps, ni être, ni espace, ni jour, ni nuit (...). Seul «l’Un respirait de son propre élan sans qu’il y ait de souffle[2]»
Celà ne ressemble-t-il pas au premier paragraphe de la Genèse:
«Lorsque Dieu commença la création du ciel et de la terre, la terre était déserte et vide et la ténèbre à la surface de l’abîme; le souffle de Dieu planait à la surface des eaux[3]» ?
Astier continue en disant:
« Puis le passage de la non-existence à l’existence se produit sans qu’on sache pourquoi. L’Un accède à l’Être par le pouvoir de la chaleur et se différencie en force masculine et force féminine à l’origine de l’univers. (...) La formation de l’univers est due à une pensée devenue créatrice par désir. (...) Dans les Brâmana, cet acte créateur est précisé. »
L’être absolu que nous appelons Dieu, que les Juifs appellent Yahve, que les Amérindiens appellent Grand Manitou, que les Musulmans appellent Allah, et que finalement, les Hindous eux-mêmes appellent Brahman, «apparaît sous la forme d’un oeuf qui flotte sur la surface des eaux sans limites.» Il désire, étrangement, ainsi qu’une cellule primordiale se dédoubler, et dans une grande chaleur, il éclate[4]», créant ainsi le ciel et la terre, ressemblant par là-même étrangement à la théorie du Big Bang. Nous pouvons voir par ce mythe qu’à la question célèbre: que vient-il en premier, l’oeuf ou la poule, que la réponse à cette question est: l’oeuf et l’organisme, ainsi que celà est le cas d’organismes cellulaires, arrivent en fait ensemble, dans un même corps, car l’organisme est lui-même un oeuf. N’empêche que le monde et l’Univers au grand complet, viendrait, d’après les théories acceptées, d’un petit point très dense qui aurait connu un éclatement, alors qu’il n’existait ni temps ni espace, presque exactement comme dans le mythe. Cette idée d’un oeuf cosmique, qui brisé, donna le monde, ou l’ordre et le chaos primordial, est d’ailleurs présente chez de nombreux peuples, comme chez les Dogon d’Afrique[5]; en Chine, le dieu originel nommé Pan Gu naquit d’un oeuf primordial né du bien et du mal qui vint constituer le ciel et la terre[6].
Il est également dit dans dans d’autres versions, et cela est simplement une autre façon d’expliquer l’inexplicable, le mystère infini de la création, du Big Bang, mais également de mettre l’emphase sur la force créatrice de la parole, qui crée le jour: «il s’accouple avec une entité féminine émanée de lui, tantôt la Parole (Vâc), tantôt l’Aurore (Usas). De cet acte initial naissent tous les êtres et les choses[7]». Est-il nécessaire de mentionner que la Parole est également ce qui donne naissance à la lumière, dans la Bible (et donc au Jour et à l’Aurore): «Que la Lumière soit[8]!»? C’est de même la parole, dans les religions monothéistes, qui constitue l’essence de vérité des textes révélés, ainsi que le Nouveau Testament («Au commencement était le Verbe[9]») et le Coran, texte révélé de l’ange Gabriel, qui dit à Mahomet, par trois fois: «Récite![10]» . Les Védas, de la même façon que les autres textes considérés comme «révélés», sont vus comme une révélation émanant de l’Être Suprême et absolu et descendue sur terre en tant que sons[11]. C’est la nature divine, entre autres, du OM hindou, qui constituerait un son émané de Dieu lui-même. Donc c’est bien la parole qui est créatrice ou synonyme de Lumière dans toutes ces traditions, et la parole est acte, étant verbe, alors la création est quelque chose d’agi, d’accompli.
D’ailleurs, la parole est amour, et l’amour est sacrifice, tel qu’intégré par la pensée hindoue de création. Selon de nombreuses traditions religieuses, le monde serait d’ailleurs né d’un sacrifice cosmique. Souvent, c’est un être divin qui meurt, dont le corps donne naissance à toute la création[12]. Cet élément se retrouve de diverses façons chez les Indiens, en Afrique saharienne, en Mésopotamie, mais également plus près de nous, chez les Greco-romains, dans le sacrifice du taureau cosmique opéré par le dieu indo-iranien Mithra pour assurer un règne de prospérité et de fertilité[13], ou encore, dans le sacrifice chrétien, avec la mort de Jésus. Toutes ces traditions ne font que souligner que le sacrifice est en fait nécessaire à la Vie –et que sans sacrifice divin, toute la création ne serait pas.
Au tout début, comme dans la plupart des traditions, il y avait donc l’Être et le Non-Être, le Souffle et l’Abîme, le jour et la nuit. D’ailleurs, comme dans le mythe hindou, le Néant précède souvent le Tout, et le Non-Être précède l’Être. Le Non-Être contient tous les Êtres comme le Silence contient tous les sons. Le nirvâna, chez les bouddhistes, est le vide qui est en soi la plénitude. En autres mots, Dieu est à la fois Tout et Rien, vide et plein. D’ailleurs, dans le Christiannisme même, Dieu est souvent qualifié de Néant, ne pouvant être décrit de façon exacte et juste car dépassant toutes les qualificatifs ou attributs que nous pouvons lui donner:
«Paul se releva de terre et, les yeux ouverts, il vit le néant.
Il me semble que ce petit mot a quatre significations. L’une d’elles est: quand il se releva de terre, les yeux ouverts, il vit le néant et ce néant était Dieu, car lorsqu’il vit Dieu, il le nomme un Néant. La seconde signification: lorsqu’il se releva, il ne vit rien que Dieu. La troisième: en toutes choses, il ne vit rien que Dieu. La quatrième: quand il vit Dieu, il vit toutes choses comme un néant[14].»
Mais les correspondances avec les autres religions révélées, en particulier la Bible, ne s’arrêtent pas là. Dans plusieurs textes, cette première éclosion de l’Être Divin donne naissance «au Père de tous les êtres», Prajâpati, qui créée par la parole seule les trois mondes, soit la Terre, le Ciel et l’Espace qui les sépare, les saisons, les dieux, de même que les premiers humains, Yama et sa soeur Yamî. Mais de plus, ainsi que les premiers homme et femme biblique, Yama aurait engendré toute une race humaine, qui aurait supposément vécu dans un genre d’âge d’or ou de paradis terrestre dans lequel tous les animaux, dieux et hommes auraient parlé le même langage. Bien sûr, ceci ressemble étrangement au mythe du paradis terrestre de tradition judéo-chrétienne, et ainsi que dans la Bible, dans laquelle on voit l’apparition d’un déluge et de Noé, qui sera sauvé pour repeupler la terre, « les choses se dégradent, et les dieux créent un déluge pour anéantir tous les hommes. Un seul, Manu est sauvé des flots grâce à un poisson», qui lui demande de construire une arche. «Manu, par divers rites, obtient une femme avec qui il a des enfants pour repeupler la terre[15]». En fait, les correspondances avec la Bible sont si grandes qu’on a presque l’impression que les deux récits viennent de la même tradition, et comme nous l’avons vu déja, celà est peut-être même le cas. Les religions sont-elles si différentes que nous voulons le penser?
En fait, par cette lettre, je ne m’adresse bien sûr pas nécessairement aux Hindous. Je veux plutôt parler probablement plutôt aux Occidentaux de la façon que cette religion n’est pas si différente des autres religions révélées. On me répondra que l’Hindouisme est polythéiste, alors que la religion chrétienne, le judaïsme et l’Islam sont monothéistes, mais je soutiendrais que même le polythéisme, par tous ses dieux et ainsi qu’il a déja été démontré, constitue un panthéon qui représente, en finalité, un ensemble unique. Or, avec l’hindouisme, il y a un Être suprême, créateur de Tout:
«Il y a 30 ou 33 dieux selon le Rig-Veda. Mais dans un passage célèbre de la plus ancienne des Upanishad, la Brihad-Âranyaka-Upanishad, le maître, interrogé à partir de «trois et trois cents et trois mille» dieux, ramène par étapes ce nombre à un seul dieu. Il est donc aussi juste de parler de polythéisme que de monothéisme dans le Veda[16].»
Tous les dieux, qui sont représentatifs de différents aspects du monde et de la vie (un peu comme dans le christiannisme, on voit avec les saints, qui représentent tous des éléments différents, qualités de l’existence, et que l’on peut chacun prier) ont été créés par un Être suprême et tout-puissant (Brahman), qui est le Seigneur de tout ce qui existe et le Verbe, mais aussi le Soi Universel, duquel est né toute chose. Or, on peut voir que le polythéisme n’est ici, comme toujours, qu’une façon cosmique de voir l’Unité, la Divinité étant infinie et divisible en autant de parties qu’il y a de choses dans le monde et dans la vie humaine, exactement comme le fait le christiannisme avec le concept de Trinité ou la nuée des saints, qui divisent cette Unité en facettes de l’existence ou énergies. Ainsi, les divers Dieux ne font qu’illustrer des différentes parties de l’Être divin (un peu comme le feraient des anges ou les différentes énergies du Yi-King, par exemple, ou du cycle astrologique de tous les horizons) et en fait, »ils correspondent plutôt à une fonction qui consiste à protéger et organiser un type d’activité[17]».
Alors, on peut dire qu’il n’y a pas, à la lumière de ces quelques faits, un fossé infranchissable entre l’hindouisme et les religions monothéistes dans l’essence. En réalité, ne constituent-ils donc pas plutôt de simples façons différentes de voir la même et unique Lumière, la même Unité divine, même si cette Vérité est exposée différemment?
Car en principe, même dans l’hindouisme,
«Cela est le Tout
Ceci est le Tout
De la Totalité émerge la Totalité.
La Totalité étant issue de la Totalité,
La Totalité demeure[18].»
Car cela, nul ne peut le nier: l’Unité est.
*
Lettre aux bouddhistes
«Tout au long de l’histoire, les saints et les mystiques ont paré leurs réalisations de noms divers et leur ont donné des visages et des interprétations variés; mais fondamentalement, leur expérience est celle de la nature essentielle de l’esprit. Les chrétiens et les juifs l’appellent «Dieu», les hindous «le Soi», «Shiva», «Brahman», «Vishnou»; les mystiques soufis la nomment «l’Essence Cachée» et les bouddhistes «la Nature de Bouddha». Au coeur de toutes les religions se trouve la certitude qu’il existe une vérité fondamentale, et que cette vie offre une opportunité sacrée d’évoluer et de la réaliser[19]».
Sogyal Rinpoché
*
Et si Dieu ne pouvait être personnifié?
On peut affirmer qu’il n’y a en fait qu’une seule Vérité, c’est la réalité du Verbe, et pas n’importe quel Verbe: le verbre Être. L’Occident a très peu à enseigner aux bouddhistes en ce qui a trait au verbe Être. Ces derniers ont compris -une idée d’ailleurs présente dans le christiannisme, (ainsi que cela est mis de l’avant dans l’Apocalypse, qui signifie «voile soulevé») ou encore, par des traditions religieuses diverses, dont les Soufis, qui parlent tous de ce «voile» sur la Réalité- qu’un voile, celui du Samsâra, repose sur la Réalité et que pour voir derrière ce voile, il faut méditer, réfléchir, regarder à l’intérieur et s’abandonner à l’Unité auxquelles toutes choses sont liées.
C’est donc pour le bouddhiste alors que l’on cesse l’attachement aux choses que l’homme cesse de se perdre dans les désirs du monde, qui sont en fait un cycle infernal car ces derniers nous gardent attachés au monde matériel, qui est une illusion, car une création. En revanche, la Vérité (le divin) est contenue dans les choses mais continue bien au delà, dans l’Être et le Non-Être primordial, le Nirvâna. Ainsi, le bouddhiste regarde en lui même pour se détacher; le but de ce regard vers l’intérieur du bouddhiste est de parvenir à l’Éveil, soit simplement à la partie de Dieu que nous avons en chacun de nous; c’est la partie de divinité qui rayonne en toute chose. Et le Nirvâna, le paradis de l’anéantissement bouddhiste, est le Zéro et le Un, l’Être et le Non-Être, comme ce que nous pourrions dire est Dieu lui-même, conceptuellement. Car ainsi que le dit le taoisme,
«Le retour est le mouvement du Tao.
C’est par la faiblesse qu’il se manifeste.
Tous les êtres sont issus de l’Être;
l’Être est issu du Non-Être[20]. »
Alors, comme le suggère le bouddhisme ou les philosophies orientales, le bien et le mal, le côté féminin et le côté masculin, les opposés dépendent surtout de notre subjectivité, et n’existent en soi de façon objective, car l’homme peut être féminin et la femme masculine, et le mal dépend de la personne ou de la subjectivité. Les pôles existent dans la nature mais il n’existe pas de contraires de façon absolue, seulement de façon subjective, selon notre perspective humaine. Ainsi que le dit Rûmî, par rapport à Dieu ou à l’Absolu, il n’existe ni bien ni mal, car «toutes choses par rapport à Dieu sont bonnes et parfaites[21]», alors qu’il n’en est pas ainsi, le plus souvent, malheureusement, pour l’homme, à moins bien sûr de devenir Un avec le Tout. Ainsi, dans la religion chrétienne de même que dans l’Islam, Dieu décide également du mal car c’est Dieu qui décide de la Totalité des choses et des événements. D’ailleurs, c’est Dieu qui a créé le Diable, le Diable n’étant qu’un outil pour mettre à l’épreuve, endurcir, initier, trier l’ivraie du bon grain, un outil qui veut le mal, mais qui ne peut le faire qu’en accord avec Dieu, selon la loi de justice karmique (voir La dualité de la matière ou le Diable dans la Partie III). Donc, bien et mal ne sont qu’Un, et cela, pas que pour le bouddhiste, mais aussi pour le chrétien, non dans le point de vue dogmatique mais dans l’essence de la spiritualité.
Un autre point que j’aimerais amener est que toute l’idée du détachement de nos désirs, créateurs de souffrance, nécessaire pour rejoindre la Totalité par l’Éveil -que nous retrouvons dans le bouddhisme- se retrouve également dans l’Hindouisme, dans le Soufisme, et même dans le Christiniannisme. Justemment, dans le christiannisme, le détachement des désirs et des choses matérielles pour rejoindre le Divin, est aussi important que dans le bouddhisme, même s’il n’est pas toujours mis de l’avant dans ses versions modernes. Le soi immuable, présent dans le bouddhisme, est simplement la divinité en chacun de nous, le souffle divin auxquels nous appartenons tous. Mais le détachement, si cher aux bouddhistes, et l’anéantissement de soi (le soi matériel ou l’ego) pour rejoindre le soi divin, sont également discutés par de nombreux mystiques et ascètes chrétiens, dont entre autres Saint-Jean de la Croix, qui parle des nuits de l’âme: il suggère que l’homme doit passer à travers des nuits obscures pour finalement pouvoir communier avec Dieu, nuit qui doit s’opérer pour plusieurs raisons:
« La première se prend du terme d’où l’âme s’éloigne pour s’approcher de son Dieu: elle doit priver ses passions de la satisfaction des choses qui sont en sa possession; ce qu’elle ne peut faire qu’en y renonçant, et ce renoncement est une espèce de nuit à l’égard des passions et des sens de l’homme[22].»
Également, Maître Eckart, qui consacre au détachement un traité entier.
«Les maîtres louent aussi l’humilité avant bien d’autres vertus. Quant à moi, je loue le détachement avant toute humilité, et pour cette raison que l’humilité peut subsister sans détachement alors que le détachement parfait ne saurait subsister sans humilité parfaite, car l’humilité parfaite tend à un anéantissement de soi-même. Or le détachement est si proche du néant qu’entre le détachement parfait et le néant rien ne saurait être[23].»
Or, les bouddhistes sont peut-être plus près de l’essence des choses que les gens des religions du Livre, car c’est avec la vision claire de la non-personnification du divin qu’ils approchent l’Unité. Or, même si ceux-ci prétendent ne pas croire en Dieu, ce sont donc peut-être eux qui le comprennent le mieux de façon conceptuelle, car ils n’ont pas besoin de le personnifier. Après tout, Dieu n’est pas une personne, mais l’Unité, qui est en soi un absolu, qui ne peut donc pas être contenu et ne peut recevoir de qualification, si bien que certains ont déja clâmé que Dieu ne pouvait se décrire que par ce qu’il n’était pas. Mais les bouddhistes ne voient-ils pas un aspect de la même lumière, de la même Vérité que les Chrétiens ou les Musulmans? La lumière est aussi un terme très abstrait qui fait référence à la connaissance, souvent connaissance divine -et comment trouver une religion qui soit plus du savoir spirituel abstrait que le bouddhisme[24]?
Le Christiannisme et le Judaïsme, voire l’Islam, disent que nous sommes faits de terre (de mort) et de souffle divin (de Vie), et d’une certaine façon, c’est aussi ce que dit le bouddhiste, même si cela est exprimé différemment, car le bouddhiste croit que la destruction et la création, la vie et la mort, font partie d’une même chose. Il croit non seulement dans le nirvâna (idée bouddhiste du paradis, là ou l’éveillé se fond en la Totalité, comme un Chrétien voudrait se fondre en Dieu), et cherche à transcender l’illusion de notre monde, qui est en soi une réflexion du vrai[25](la Création n’est pas en soi divine mais constitue le reflet de la divinité); il croit dans le soi universel ou le soi immuable[26], qui est la partie divine en chacun de nous. Il dit: nous venons tous du minéral et de la plante, de l’animal, avant que d’avoir été des hommes. Si nous regardons seulement la science, nos atomes ont été toutes ces choses, dans le grand cycle de l’univers, alors comment nier que nous soyons en fait un grand recyclage de l’oeuvre cosmique que nous pouvons aussi appeler Vie ou Éternité?
Mais ce cycle de la nature auquel nous faisons partie n’est pas la communion, et la seule chose qui permette cette communion est le détachement de nos désirs, de nos racines enfoncées dans la terre, pour nous rendre libres, dans un bonheur parfait. Le soi individuel et le soi universel, que nous avons souvent tendance à dualiser, sont toutefois la même essence.
Comme exemple des parallèles entre les religions du livre et le bouddhisme, ce poème d’Al-Ansari Al-Harawi, musulman, réflète par contre totalement la pensée bouddhiste:
«Qu’est-ce que l’adoration?
Réaliser la réalité.
Qu’est-ce que la loi sacrée?
Ne pas faire le mal.
Qu’est-ce que la réalité?
L’absence du moi.
Le coeur demanda à l’âme:
Quel est le commencement de tout celà?
Quelle en est la fin et quel en est le fruit?
L’âme lui répondit:
Le commencement en est l’anéantissement du moi,
La fin en est la fidélité,
Et le fruit en est l’immortalité[27].»
Or, le bouddhiste, le pratiquant zen ou le taoiste auront compris une chose: les contraires ne sont que des angles différents de la même Réalité, soit le côté face ou pile de la même pièce. Ainsi, Non-Être et Être, bien et mal font partie de la même Unité indivisible. N’est-ce pas cela même l’Éveil, ou la Communion chère aux Chrétiens, de voir cette Unité en toutes choses, donc de voir ce qu’on appelle de façon péjorative «Dieu», ou encore, Vérité ou Amour, de façon claire et totale - or pas seulement de le voir, mais surtout, de l’être? Parce qu’en effet, Dieu, qui est la Totalité, comprend donc à la fois le bien et le mal, le saint et le profane, le bas et le haut, le masculin et le féminin, le malheur et le bonheur, l’ange et le diable. Car ainsi qu’il a déja été dit, le vide et le plein, le Tout et le Rien, ce ne sont que des façons différentes de dire la même chose, ou en fait, l’un est nécessaire pour que soit l’autre, dont ils constituent tous deux l’Unité. Or, le bouddhisme n’est donc qu’une façon différente (plus réaliste mais aussi moins dogmatique) de voir la même Réalité, une façon qui est simplement de voir les choses dans leur essence abstraite, car Dieu, au fond –la Vérité, la Lumière- ne peuvent tout simplement pas être personnifiés.
«Les Sunnites disent: «C’est le moment où Dieu se montre sous une seule couleur; mais à chaque instant Il se montre sous cent couleurs. » « Chaque jour, Dieu est dans un autre état.» Et s’il se manifeste de cent mile façons, jamais les unes ne ressemblent aux autres. Or, tu Le vois, Dieu, en ce moment, dans Ses signes et Ses actions; à chaque instant, tu Le vois différent. Aucune de Ses actions ne ressemble à une autre. Au moment de la joie, Il a une manifestation, au moment des larmes, Il en a une autre. (...) Comme les actions de Dieu, la manifestation de Ses actions et de Ses signes sont multiples et ne se ressemblent pas; et la manifestation de Son Essence est aussi multiple que changeante. (...) Tu es une partie de la puissance de Dieu: à chaque instant, tu te transformes de mille façons et ne restes jamais le même[28].»
*
Lettre aux Juifs
Le monde n’a pas de normes,
car le normal peut se faire anormal
et le bien peut se transformer en monstruosité[29].
Lao Tseu
*
Tous les peuples sont choisis
La Torah commence par ces mots, dans la traduction d’André Chouraqui:
«Elohîms dit: « Une lumière sera. »
Et c’est une lumière[30].»
Entête (Genèse)
C’est cette lumière que les Juifs ont perçue, mais que de nombreux autres peuples ont également perçue, de façon différente -parfois abstraite, parfois très imagée, parfois de façon très organisée ou disparate- car nous vivons tous sur la même terre, dans le même univers, et nous sommes tous soumis aux même lois de la nature et aux mêmes lois spirituelles. Ces lois ont été percées par de nombreux peuples et individus habitant la surface de la Terre, car la Vérité est en toute chose, et également dans la création des hommes et des peuples, soit les inventions, les idées, les savoirs, les philosophies différentes, les mythologies -et celles-ci sont présentes chez tous les peuples.
Les Juifs, comme beaucoup d’autres peuples ou cultures dans l’histoire, ont souvent eu, et ont parfois encore la prétention d’être le peuple choisi, alors qu’il est bien dit dans le Judaïsme que Dieu a créé tout homme (et femme) de façon égale devant lui. Il ne faut pas oublier qu’Adâm n’était pas Juif, mais tout simplement un homme (Adâm veut dire «homme»). Une révélation a été faite aux Juifs, et c’est en ce sens qu’il a été choisi, pour recevoir cette révélation, mais les autres peuples aussi ont reçu des révélations, qui sont d’autres aspects de l’Unité, de la Vérité, qu’ils viennent compléter -la Vérité, l’Unité ayant des dimensions infinies. Mais il ne faut pas nécessairement être Juif, ou Chrétien, ou Musulman pour être «sauvé». En fait, l’Évangile de Mathieu, «souligne, avec une note polémique, que beaucoup de païens participeront avec Abraham, Isaac et Jacob au banquet de la fin des temps, tandis que nombre d’Israélites» (comme en fait nombre de Chrétiens, de Musulmans, ou de gens de toutes religions) «de ceux qui étaient les premiers appelés, en seront exclus[31]».
Ainsi, Dieu parle (et en fait, a parlé) à tous les peuples, pas qu’aux Juifs, aux Chrétiens, ou aux Musulmans. Il parle même aux athées, même si ces derniers nient son existence. C’est un peu ce qu’essayait de dire Jésus et que les Pharisiens ne voulaient pas accepter: la lumière est universelle. Et Jésus a apporté quelque chose d’unique aux Juifs: la force du pardon et l’ouverture d’esprit et l’humilité devant le monde et devant tous, ce que que même les Chrétiens ne pratiquent pas toujours, malheureusement, en cherchant souvent à imposer leur vérité.
Mais je crois que les Juifs, qui ont souvent été mis à l’épreuve, pourront comprendre mon discours. Non seulement ils ont vécu des traumatismes dans les temps reculés, qui ont marqué leur histoire (40 ans dans le désert, déportation à Babylone, destruction du Temple de Jérusalem) mais ils ont également vécu un traumatisme, probablement le pire, très récemment: l’Holocauste. Et malheureusement, lorsque nous vivons des épreuves difficiles, nous avons tendance à devenir introspectif, voire rigide et se refermer sur soi-même. Dans le cas des Juifs, je crois que ce durcissement a eu lieu, malheureusement, avec l’État d’Israël, qui n’est plus toujours uniquement la victime.
Les Juifs ont été rudement mis à l’épreuve –mais Dieu met à l’épreuve ceux qu’il aime- et rappelons-nous, tout au long de l’histoire juive, dans les Écrits, les prophètes disent encore et encore au peuple juif d’arrêter d’avoir la nuque raide, soit d’être rigide dans ses croyances et ses actions, mais plutôt de s’ouvrir, se soumettre et écouter Dieu. Je crois que justemment, Dieu, par tout ce qui s’est produit dans l’histoire, a peut-être essayé de faire comprendre quelque chose au peuple juif et cela depuis un certain temps -mais lui, l’écoute-t-il? J’ai l’impression qu’au contraire, sa nuque devient encore plus raide, qu’il devient encore plus rigide.
Mais il est une réalité difficile à dire: les Juifs, ici je parle aux personnes religieuses et particulièrement aux Israélites religieux, sont présentement devant un mur. Ceci donc même pas une métaphore, ni de l’antisémitisme -il suffit de regarder le symbole juif le plus saint: un mur. La religion juive prise dans sa forme actuelle se trouve devant ce mur (métaphysique, spirituel, réel) simplement parce qu’elle est incapable de voir que ses «ennemis» sont en réalité des amis, ou simplement, de pardonner à ceux elle considère depuis belle lurette comme des ennemis.
Les Musulmans ont construit un temple, un temple qu’ils croyaient bon –et qui était bon car il incluait Juifs et Chrétiens- à l’endroit où se trouvait autrefois le Temple de Jérusalem. Mais les Juifs n’ont pas accepté le message de Mahomet, comme ils n’avaient auparavant pas accepté le message de Jésus, et donc ils n’ont pas accepté ce temple qui était pourtant dédié au même Dieu, simplement car il portait un autre nom. Ils se sont retranchés dans leurs traditions millénaires, étant rigides dans leurs croyances, sans accepter le nouveau, qui aurait été l’union, la tolérance, le pardon prôné par Jésus, ou l’unification des trois religions prônée par Mahomet. Mais non–absurdité spirituelle suprême- la religion juive préféra se retrancher et prier devant un mur, en espérant qu’un messie arrivera pour venger Israël de ses ennemis, et qui sait, détruire le Dôme au Rocher pour que ceux-ci puissent reconstruire un temple juif. Qu’est-ce que cela? Comme si l’amour de Dieu allait uniquement aux Juifs!
Mais le temple sera reconstruit. Pas par l’homme mais par la Totalité, car le temple est le monde. Et la religion, l’unique religion est «la religion de l’amour» (Rûmî), non celle de la haine. Alors le pardon est en réalité inévitable car il faut un jour revenir à Dieu.
*
Lettre aux Chrétiens
Le fanatisme et l’intolérance ont souvent accompagné, il est vrai, la foi dans l’unique Dieu. Et tandis que les religions mystiques de l’Inde, qui mettent l’accent sur l’unité du tout, cherchent plutôt à absorber purement et simplement les autres religions, à les relativiser comme des étapes préliminaires, à les inclure comme des aspects de la vérité une et unique (inclusivisme), le judaïsme, le christiniannisme et l’islam, religions prophétiques, qui croient dans le Dieu unique, tendent presque naturellement à exclure dès l’abord les autres religions (exclusivisme), à les combattre, à les éliminer finalement. Le mot d’ordre n’est pas la communion, mais l’exclusion et la conquête: au lieu de l’Unité, la scission de l’humanité. Cette tendance dangereusement destructrice, nous venons de le voir, est déja présente dans la Bible hébraïque: la concentration sur le Dieu unique se traduit souvent non seulement en confrontation avec les autres religions, mais en excommunication et en fin de compte en destruction de celui qui professe une autre foi –par des «guerres saintes[32]».
Hans Küng
Nous sommes tous
des enfants de l’Unique
Je tiens d’abord à dire que lorsque je parle de l’Église, je ne parle pas de l’ensemble des croyants, qui peuvent croire en ce qu’ils veulent, ultimement, et qui sont souvent très ouverts aux autres religions, mais plus précisément de l’Église du Vatican, car c’est l’Église qui a pris le rôle de berger des croyants, donc qui sert de modèle et de guide pour nombre de Chrétiens à travers le monde. Or, l’Église -et cela est une des raisons pour laquelle beaucoup de gens se sont récemment détournés d’elle, ou plus généralement, de la religion à travers l’ensemble de l’Occident- c’est un fait indéniable, a souvent été obscurantiste et dogmatique à travers son histoire, et elle a souvent transformé le message premier de son fondateur, au point où nous nous trouvons maintenant devant quelque chose qui n’est souvent plus le message de Jésus.
Or, le message de Jésus, principalement de tradition hébraïque -quoique ayant une portée internationale et ayant été influencé probablement par de nombreuses traditions- a été premièrement interprété et romanisé afin de l’adapter à la société romaine pour le rendre acceptable pour des gens qui étaient à prime abord polythéistes et ayant une culture religieuse et générale bien distincte. Pour opérer ce changement de culture et de mentalité du message de Jésus, en soi d’une grande pureté et ne contenant aucun dogme, nous lui avons superposé des lois et des canons, des crédos et des ordres, tel que les Romains aimaient bien le faire. Tout celà pourtant alors que Jésus n’en donnait aucun, lui pour qui ces choses bloquaient même l’accès réel au Divin -qui devait être libre de lois, d’ordres et de restrictions. Pour preuve, aux dix commandements, Jésus en oppose un seul: aimez-vous les uns les autres. Est-ce même un commandement? Au contraire, l’Amour semble même plutôt être inscrit dans nos gênes, dans notre nature vivante et spirituelle, et c’est à cela que nous aspirons tous naturellement. L’amour, donc, n’est pas un commandement, c’est une nécessité toute naturelle, un besoin, un fait indéniable. Or, au message de Jésus -qui nous demande simplement d’être notre propre nature- et pour qui il n’y avait aucune prescription, aucun ordre, aucun rituel nécessaire pour avoir l’accès à Dieu ou au Ciel de façon exclusive, aucune Église terrestre (sauf celle de Dieu) on a superposé des pilliers et des murs, des obligations, une forme rigide, statique, immuable, venant remplacer le Sacré de la Vie: la religion catholique romaine.
Ainsi, de nombreux événements dans l’histoire du christianisme ont complètement transformé celui-ci, souvent dans l’intérêt de quelques uns, ou afin de lui donner une forme, une structure plus sévère, rigide, prête à durer dans le temps, calqué sur le passé romain dont il était l’héritier. Le message de Jésus, afin de perdurer, a donc d’abord été romanisé par Saint-Paul et l’Église des débuts, à coups de conciles, il a reçu une structure, je dirais même, une politique. Ce qui était d’abord et avant tout un message d’amour, de don de soi, de tolérance et d’ouverture, de pauvreté, est devenu, progressivement, avec l’Église, richesse matérielle, autorité et manipulation de la masse, fermeture d’esprit, intolérance d’autres points de vue, dogmatisme.
Comme exemple de ces dogmes qui ont été formés de toutes pièces des paroles de Jésus, on sait que dans la Rome antique, on vénérait trois divinités qui trouvaient leur demeure dans le temple de la Triade capitoline, dans la ville même de Rome[33]: soit un Dieu père –Jupiter- un dieu fils -Mars- et un dieu ayant la fonction de production et de reproduction -Quirinus. Dieu le père, Dieu le fils et Dieu l’esprit (ou encore, le Divin féminin, Marie) ont donc été superposés à cette ancienne croyance romaine. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec les thèses de Georges Dumézil sur nos ancêtres indo-européens, je rappelle qu’ils sont ce peuple de «cavaliers migrateurs» qui ont envahi la majeure partie du continent européen, l’Iran, jusqu’en Inde vers la fin du IIIème millénaire et qui partagaient la même langue et la même vision du monde tripartite, et qui sont donc les ancêtres de toute la culture occidentale de même qu’Iranienne et hindoue. On retrouve dans les écrits fondateurs de ces peuples toujours d’idée d’une Triade, une notion trinitaire basée sur trois fonctions essentielles dans la société, soit le prêtre, le guerrier et le paysan. De façon plus complète, ces fonctions, qui «s’articulent selon un ordre hierarchique» sont «la souveraineté magique et juridique» (chez les Romains, Zeus ou plus tard Dieu le Père), «la force physique et principalement guerrière» (Mars, ou plus tard Minerve, à laquelle on opposa Jésus), et finalement, «la richesse tranquille et féconde[34]» (Quirinus, notion de fécondité et plus tard, Junon, femme de Zeus et patronne de la maison, à laquelle on surimposa Marie).
La croyance en une Trinité divine provient donc de cette croyance de la Rome antique, ou encore de la croyance Indo-Européenne plus générale, selon laquelle la divinité peut être divisée en trois fonctions principales soit la souveraineté, la force et la fécondité[35]. Or, la Trinité, que l’on ne retrouve nulle part dans les Évangiles, ne vient pas de la bouche de Jésus, du moins pas selon les textes que l’on a. Il a donc été formé de toutes pièces, ou librement interprété selon les paroles de Jésus afin de s’adapter à cette vision tripartite du monde Indo-européenne, qui n’est pas hébraïque. Mais examinons seulement ce qu’est la Trinité. A-t-elle sa raison d’être? Dieu n’est-il pas l’ensemble, donc l’Unité indivisible? Entendons-nous d’abord. Le Père, c’est l’Être et le non-Être, le Tout d’avant la création. Le Saint-Esprit, c’est la même chose que le Père, car le Père est esprit, essentiellement. Le fils, c’est la création, c’est le reflet de l’âme primordiale dont nous sommes tous imprégnés. Donc, le fils, c’est chacun d’entre nous. Une chose est sûre, tous les chiffres sont divins, pas seulement le trois, alors pourquoi trois et non pas sept ou douze? On peut diviser éternellement l’âme du monde en autant de parties que l’on veut mais il n’en reste pas moins qu’elle ne consiste qu’en une seule et unique chose. D’ailleurs, Dieu est autant, et peut-être même davantage sept, comme le démontre les anciens candélabres juifs représentant les «sept esprits de Dieu» ainsi que témoignés dans le livre de l’Apocalypse, et ainsi que démontré dans le livre Dialogues avec l’ange, que véritablement trinitaire.
Le culte de la Vierge a aussi été calqué sur le culte à la «Mère des Dieux» dans la Rome antique et vient donc, comme la croyance dans la Trinité, de l’ancienne religion romaine et non du message de Jésus. Ce culte qui fut donc rendu à la Vierge Marie transforme donc Marie, simple mère d’un homme s’étant fondu dans la divinité, presque en une divinité à part entière. Car nous ne pouvons le nier, Marie est adorée, dans le christiannisme, comme une entité le plus souvent presque divine, alors qu’elle était très humaine, avec des faiblesses et des doutes comme chacun d’entre nous et n’ayant rien de divin dans les faits bibliques.
Ainsi, elle ne devrait selon toute logique, dans un monothéisme, aucunement faire l’objet d’un culte, ou être la destinatrice de prières quelles qu’elles soient, à moins d’être en soi divine. Bien sûr, disons les choses comme elles sont: Marie remplit le rôle symbolique de l’énergie féminine divine tant nécessaire à chaque société, pour que de tout temps, il y ait vie –notion qui est franchement évacuée de tout le reste de la religion chrétienne alors qu’elle était présente à l’Antiquité avec Junon, Gaïa, Cybèle, Déméter[36] – principe fondamental féminin du monde et présent depuis la préhistoire dans les Vénus et «déesses mères[37]», et qui doit donc sortir à quelque part. Les Chrétiens auraient donc, encore une fois, purement et simplement, en niant d’un côté le culte polythéiste, superposé le personnage de la Vierge Marie, non divin en soi, au culte antique de la «Mère des Dieux». Car en effet, existait bel et bien à Rome ce culte à la «Mère des Dieux», Magna Mater en latin, venant de l’Asie et ayant même son sanctuaire sur le la colline du Vatican elle-même, dans le phrygianum[38]. Ce culte, donc, à la «Mère des Dieux», dont le sanctuaire fut dédié à Rome en 191 av. J.C., devint ensuite le culte général à la «Mère de Dieu», dans le Christiannisme, bien sûr, dans un autre sanctuaire: l’Église du Vatican. Par contre, cela, le plus souvent, n’est pas avoué par les Catholiques, et si c’était le cas, il s’agirait donc d’adorer une partie du Tout, soit la partie féminine de Dieu, qui en soi est une qualité polythéiste et non plus monothéiste –tout comme d’ailleurs l’adoration des saints, qui réflètent tous des parties de la Divinité. Mais cela n’est pas avoué, et en condamnant les polythéismes, on fait la même chose qu’eux en pratique.
Cette hypocrisie est d’ailleurs dénoncée par Léonard de Vinci dans ses Prophéties:
«Des chrétiens
Nombreux sont ceux qui professent la foi du Fils et se bornent à édifier des temples au nom de la Mère[39].»
Mais pour revenir à la perversion du message de Jésus, l’intolérance des premiers qui ont perverti son message est facile à démontrer. Nous n’avons qu’à regarder quelques années après sa mort: Saint-Paul, par exemple, s’en prend aux homosexuels, dans un de ses épitres. Est-ce donc là dans l’esprit d’ouverture de Jésus, celui-là qui accepte même les prostituées? Aime-t-on vraiment celui-là qu’on juge injustement? Mais là a été longtemps la position du Vatican, qui, pourtant, si elle écoutait le message du Christ, se ferait pauvre comme Job pour aider, ainsi qu’un François d’Assise, un Gandhi ou une mère Térésa, son prochain, en plus de permettre le passage au sacerdoce des femmes, être ouverte par rapport à toutes les religions et philosophies du monde et même, les intégrer dans son enseignement. Mais là est le principal problème: alors que le message de Jésus était vivant, infiniment ouvert et tolérant, la position de l’Église est souvent statique et fermée, et cela, malgré l’apparition d’un nouveau Pape qui semble vouloir proposer un nouveau modèle, ne faisant toutefois pas encore nécessairement école. Ainsi que Krishnamurti le dit, une religion est quelque chose qui n’évolue plus car la religion est incapable de renaissance et de renouvellement en profondeur. Il s’agit, au contraire, d’un monument souvent statique, un mastodonte que personne ne peut contredire, au risque de devenir soi-même un martyre ou un hérétique, comme l’a été par exemple Jésus, qui d’ailleurs, cherchait à réformer et internationaliser le judaïsme, ce que les Juifs eux-mêmes ne souhaitaient pas, pour la plupart. Mais Jésus est mort, et le Judaïsme a survécu, sans pourtant changer fondamentalement, et considère Jésus comme un imposteur, un hérétique.
Mais cet état statique, au point mort, ressemblait étrangement à l’état du Vatican en ce moment depuis au moins plusieurs décennies en Occident, bien sûr avant l’arrivée providentielle du Pape François. Car celui-ci détient une énorme tâche: de réformer une institution qui détient des dogmes millénaires, et qui est ultiment, en train de mourir, donc qui doit se renouveler. Mais quand je parle de transformation profonde, je veux dire profonde, fondamentale: d’ouverture à tous et à toutes, donc aussi à tous les messages sacrés. On sait que les premiers chrétiens croyaient d’ailleurs dans la réincarnation, et on en a quelques preuves dans les Évangiles, entre autres, lorsqu’on attend le retour d’Élie (Saint-Jean Baptiste). Or, si le bouddhisme ou le zen ne sont souvent pas acceptés par les Chrétiens, quelle ne serait pas leur surprise s’ils analysaient avec ouverture ce passage de l’Évangile de Mathieu, entre autres, où les adeptes de Jésus lui demandent si Élie doit venir, et celui-ci lui dit qu’il est déja revenu dans la personne de Jean le Baptiste:
«Et les disciples lui posèrent cette question : «Que disent donc les scribes, qu'Elie doit venir d'abord ? «11 Il répondit : «Oui, Elie doit venir et tout remettre en ordre ; or, je vous le dis, Elie est déjà venu, et ils ne l'ont pas reconnu, mais l'ont traité à leur guise. De même le Fils de l'homme aura lui aussi à souffrir d'eux.» Alors les disciples comprirent que ses paroles visaient Jean le Baptiste[40]».
Alors, il ne fait aucun doute selon ce passage, que Jean Le Baptiste était la réincarnation d’Élie. Cette croyance en la réincarnation a pourtant été rayée de la carte par l’Église des débuts. Il serait au contraire, d’après moi, plus cohérent d’intégrer le bouddhisme, ou au moins certains de ses éléments, dans la philosophie chrétienne, car cette première éclairicirait de nombreux points que la religion chrétienne explique difficilement, et que plutôt, elle a cherché à nier catégoriquement avec plus d’obscurantisme que de véritable connaissance. Car la Vérité est universelle; et mieux vaut être inclusif qu’exclusif; là était d’ailleurs une des principales qualités du Christ. La Résurrection est d’ailleurs une métaphore de la réincarnation, et du chemin pour devenir corps de lumière, ce vers quoi chaque homme doit tendre. D’ailleurs, le fait de devenir corps de lumière est une chose qu’ont réussi à faire nombre de saints hommes, entre autres dans la culture tibétaine[41].
Or, il y a une chose qui mine tout le christiannisme et c’est cette idée que Jésus est le Fils de Dieu, et qu’il est lui-même Dieu. En fait s’il était le Fils de Dieu, c’est comme nous tous, car nous sommes tous les enfants de l’Unique; ainsi que le dit un passage de la Bagavad Gita (c’est l’Unique qui parle), «ceux qui se tournent vers Moi avec amour et dévotion, ils sont en Moi et Je suis aussi en eux[42]». C’est le fait que Jésus était le seul fils de Dieu que les Juifs n’acceptaient pas, avec raison, et que les Musulmans reprochent également aux Chrétiens: de diviniser Jésus et de diviser le Père. Or, Jésus ne cherchait à dire que le fait que Dieu était en Lui comme il est en nous-même, ainsi qu’il est en Tout:
«Ne crois-tu pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi? Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même; mais le Père qui demeure en moi, c’est Lui qui fait les oeuvres. Croyez que je suis dans le Père et que le Père est en moi».
«Il a dit: Je suis dans le Père et non pas: je suis le Père.
Je suis le Fils de Dieu et non pas: je suis Dieu le Fils[43].»
D’ailleurs, Jésus le dit lui-même dans son sermon sur la montagne dans Saint-Matthieu, il n’y a pas qu’un fils de Dieu, car:
«Heureux ceux qui font oeuvre de paix:
ils seront appelés fils de Dieu[44]»
Ou encore, à un autre endroit dans le Nouveau Testament, Jésus dit:
«Vous avez appris qu’il a été dit: tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi. Et moi, je vous dis: Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d’être vraiment les fils de votre Père qui est aux cieux[45]».
Les fils de Dieu, ce sont donc chacun d’entre nous, si nous faisons Sa Volonté: donc les fils de Dieu sont Jésus, mais aussi Gandhi, Bouddha, Rûmî, Saint-François, ceux qui ont été assimilés à des saints dans toutes les religions, les yogis, boddhisattvas, chamanes, prophètes, poètes et mystiques, bref, tous les enfants de lumière. De toute façon, Jésus ne dit jamais qu’il est le fils de Dieu, mais bien le «Fils de l’Homme», et cela quelque 70 fois dans les Évangiles[46]. IL ne dit d’ailleurs jamais qu’il est le messie. C’est bien ainsi qu’il se décrit lui-même, quand il ne se définit pas comme simple homme («Vous cherchez à me faire mourir, moi un homme qui vous ai dit la vérité que j’ai entendue de Dieu[47]»). Par contre, la divinisation d’un homme est une chose courante dans l’histoire, surtout quand cette personnalité est exceptionnelle ou qu’elle se réclâme des dieux ou de la lumière. Nous n’avons, pour celà, qu’à regarder les mythologies. Krishna, Orphée, Thésée, et beaucoup de ces personnages mythologiques des histoires grecques ou des épopées hindoues n’étaient-ils pas peut-être des hommes qui ont été divinisés par le temps grâce à leur victoire sur les Ténèbres? Que dire de Bouddha, souvent divinisé, Gandhi (que certains pensent la réincarnation de Rama), et même Pythagore[48], Romulus devenu le dieu Quirinus, les Pharaons de l’Égypte, les empereurs Romains. Cette divinisation de l’homme n’est donc pas un phénomène nouveau[49], car nous divinisons à peu près tout ce en quoi nous croyons pour avoir un modèle divin à suivre.
Alors si nous sommes tous d’une certaine façons enfants de la Lumière; il n’y a donc pas qu’UN fils de Dieu, Jésus, comme le disait Gandhi, mais DES fils de Dieu, soit tous ceux qui s’abandonnent à l’Unicité pour véhiculer son ou ses messages. Le «Fils de Dieu», c’est chacun d’entre nous, car nous sommes tous des enfants de Dieu si nous faisons sa Volonté. Le fils de Dieu, c’est l’homme qui se donne et qui opère une communion avec Dieu, un simple homme qui «devient» lui-même l’Unicité en se fondant en elle; ceci relève de la communion spirituelle, telle que révélée par les Soufis.
Or, c’est maintenant un fait établi que les événements contenus dans la Bible, comme dans beaucoup de textes sacrés, ne relèvent pas de l’histoire exacte et contiennent plutôt des éléments de mythe nombreux, non seulement dans l’Ancien Testament, mais également dans le Nouveau, ou il y a bien sûr beaucoup de contradictions et ne sont pas des vérités «historiques» mais constituent plutôt des symboles. Mais cela n’enlève rien au texte, car le mythe, même s’il n’est pas la transcription exacte de la Réalité comme elle s’est produite «historiquement», est tout de même porteur de vérité, et d’une vérité peut-être bien plus grande, car symbolique et spirituelle; mais c’est par le symbole que cette vérité est transmise et non par les faits historiques, même si nous pouvons trouver des traces de faits historiques dans le mythe.
Pour illustrer mon propos, on dit dans la Genèse que le paradis terrestre, ou l’Éden, se trouve entre quatre fleuves, qui sont nommés: Pishôn, Guihôn, le Tigre et l’Euphrate. Bien sûr, le mythe ne donne pas l’emplacement du paradis terrestre, car le paradis terrestre constitue clairement un mythe qui retrace les origines de l’homme, et le passage nous montre simplement les lieux de l’origine de l’homme. Le Tigre et l’Euphrate entourant la Mésopotamie, nous indiquent seulement que la Mésopotamie fut le berceau de la civilisation. Les deux autres fleuves nous indiqueraient simplement le second berceau de la civilisation, l’Égypte, et le berceau de l’humanité, ce qui est l’Éthiopie ou en fait, l’Abyssinie, cette dernière étant le véritable berceau de l’humanité, donc paradis terrestre dans l’histoire de l’humanité[50].
Néanmoins, nous savons par la science moderne et par le simple bon sens de l’histoire contemporaine qu’il ne faut pas prendre ces mythes, que beaucoup croient être des «vérités» -et qui le sont pourtant néanmoins au niveau symbolique- à la lettre: le monde n’a certainement pas été créé en sept jours comme le clâment certains, au sens littéral. Pourtant, au sens figuré, un million d’années peut être un jour pour Dieu, qui est infini et éternel et pour qui le temps n’existe ultimement pas. D’ailleurs, le religion hindoue, dans la période brahmanique, dit que toute l’Histoire de l’Univers telle que nous la connaissons ne dure que 100 ans pour Dieu: c’est dans la religion hindoue, l’équivalent pour l’homme de millions ou milliards d’années, constituant toute la Création (et l’expansion de l’espace depuis le Big Bang tel que vu par les scientifiques) et après laquelle il y aura une rétraction et retour à Dieu, tout étant un processus de Création et de Destruction[51]. La Genèse, et ceci dit, toute la Bible, ou les Védas ou le Coran, parlant au niveau symbolique très souvent, sont alors très sensés. Or, on ne doit pas prendre le Livre saint comme la seule et la totale vérité, mais une vérité parmi beaucoup d’autres, dont les vérités historiques, scientifiques, philosophiques, etc.
Une chose est sûre: il n’y avait pas à l’époque de Moïse ou de Jésus de magnétophone ou de caméra pour capter les discours de ces derniers, et comme Jésus, par exemple, n’a rien écrit, et que les écrits que nous avons sur lui datent au plus tôt d’environ 30 ans après sa mort, nous ne pouvons certainement pas, pour des raisons évidentes, nous fier à ces documents d’ordre religieux en ce qui a trait à la vérité historique de Jésus (même si le personnage a indéniablement existé), car cette dernière a sûrement été faussée par de la mythologie et le jeu du téléphone. C’est un fait que ces livres ont d’ailleurs d’abord circulé au niveau purement oral pendant longtemps, et bien sûr, quand on écrit sur quelque chose d’ancien et de passé, surtout il y a très longtemps, il faut souvent se fier à la mémoire, et avec le bouche-à-oreille, indéniablement, les choses se retrouvent sûrement très transformées. Sans parler, même, de 2000 ans d’histoire et de traductions souvent inexactes. Ce qui fait qu’il n’y a pas qu’une façon de percevoir Jésus, mais des milliers de façons, mais il n’en demeure pas moins que ces façons de le percevoir, après tout ce qui a été dit sur lui, sont sûrement très loin des faits; pourtant, la vérité historique est pourtant souvent la vérité à laquelle nous pouvons le plus nous fier. Ainsi, il ne faut pas nécessairement prendre les personnages d’Abraham, le supposé «père» de trois grandes religions, ou de Moïse, comme des personnages nécessairement historiques. Ils le sont peut-être -car dans le mythe, il y a toujours un germe de vérité- mais nous pouvons voir en ces personnages qui ne nous sont connus que de la Bible, dans leur récit, de nombreuses contradictions, et des éléments de mythe certains. En fait, le personnage d’Abraham, et cela est indéniable, permet aux Juifs de fusionner deux traditions, soit une tradition mésopotamienne, de laquelle elle a été profondément inspirée[52], et sa propre tradition[53]. De plus, on retrouve souvent dans les mythes fondateurs des religions l’histoire d’«un patriarche qui est le père de tous les peuples ayant survécu au «grand déluge» ou à l’hiver primordial[54]», ce qui est simplement une façon mythique pour nous, à travers toutes les religions, d’expliquer les origines, et la montée des eaux d’un «déluge universel», qui a d’ailleurs eu lieu, ou l’ère glaciaire. Et ne parlons même pas de Moïse, car le personnage de Moïse n’apparaît nullement dans l’histoire égyptienne, même pas en mal, alors qu’il aurait supposément, dans la Bible, libéré les Juifs, englouti l’armée égyptienne, et joué un rôle épique qui est complètement passé sous silence en Égypte. Les Égyptiens, eux, ne semblent donc pas avoir connu du tout Moïse.
Les plus religieux, ceux qui prennent tout à la lettre, peuvent peut-être le nier, mais les religions, en dépit de venir probablement toutes d’une source primordiale avant la régionnalisation des traditions religieuses, sont par la suite devenus un produit influencé par de nombreuses influences. Ainsi, les Dieux mésopotamiens, qui ont inspiré le récit biblique de la Création et du Déluge, auraient créé l’homme avec de l’argile et le sang d’un dieu[55]; ou encore, Atrahasis, l’ancêtre mésopotamien de Noé, construisit une arche pour sauver l’humanité d’un déluge causé par les Dieux[56]. La Genèse est en fait un ramassis de mythes mésopotamiens (par exemple, comme je viens de le dire, le déluge ou le jardin d’Éden -Éden étant un mot sumérien[57]).
Ceci nous dirige au fait que les religions contemporaines proviendraient peut-être d’une religion originelle, commune à toute l’espèce humaine, étant le résultat d’une évolution de traditions religieuses de l’Homo Sapiens, mais provenant probablement d’avant la dispersion de l’homo sapiens il y a de cela 50 000 ans[58]. Les religions ayant un fond commun, elles ne seraient donc pas si différentes que certains voudraient bien le penser ou nous le faire croire. Ainsi, il y a de très grandes similarités, à travers le monde, dans les mythes de création, les mythes du «déluge universel», des mythe de l’Éden, qui reviennent dans beaucoup de cultures religieuses. Il y a donc de nombreuses ressemblances entre les mythes contenus dans la Bible et des mythes d’Amérique ou d’Afrique, chez les populations autochtones, qui pourtant, n’avaient aucun contact avec les Hébreux ou les Mésopotamiens qui ont constitué le modèle hébraïque[59]. Ceci peut être démontré par le fait que de nombreux peuples, de la Chine à l’Australie, jusqu’aux Amériques, ont dans leurs mythes des origines un épisode de déluge ou d’inondation[60]. À travers ce mythe du «déluge universel», présent chez les Mayas, les Indiens Hopi, jusqu’aux Juifs et Babyloniens, nous voyons probablement la mythification d’une mémoire collective se référant au temps, où «l’élévation du niveau des océans a séparé terres et continents[61]» car «avec la fonte des grands glaciers du quaternaire, à la fin du pléistocène, il y a plus de 12 000 ans, les mers montèrent d’environ 120 mètres[62]». Chez les Aborigènes d’Australie, chez qui se retrouve ce mythe du déluge universel (identifié à leurs origines et représenté comme un grand serpent dans les peintures rupestres de la Terre d’Arnhem occidentale), l’inondation aurait eu des causes réelles et eut un profond impact sur les sociétés d’Australie septentrionale et les auraient forcés à se relocaliser[63]. Aussi, le mythe des frères jumeaux comme Abel et Caïn, se retrouvent également dans les « mythes des populations sibériennes et des tribus amérindiennes, les frères Shun et Yao de la mythologie chinoise, Romulus et Rémus dans le mythe de la fondation de Rome[64]».
De plus, la structure des évangiles et les propos même de Jésus sont emplis d’influences de mythes courants à l’époque. Ceci dit, en ce qui a trait au discours de Jésus, quoique sa pensée ait été certainement originale dans son contexte hébraïque, avait été précédée dans son essence par de nombreuses philosophies orientales ou des idées déja en germe dans le taoisme, l’hindouisme, ou encore, dans la religion iranienne comme le zoroastrisme. Également, de nombreux cultes à mystères, dont les mystères d’Éleusis en Grèce, qui dès 1400 avant Jésus Christ, et celà jusqu’après l’époque de Jésus, comprenaient l’idée d’un sacrifice pour que pousse la graine (ou le mystère de la mort pour qu’il y a ait renaissance[65]) essence même de la vie et de l’enseignement de Jésus. Pour revenir à Zoroastre, ce dernier proclamait, au moins 500 ans avant Jésus, le Royaume de Dieu, un dieu bon et miséricordieux connu sous le nom d’Ahura-Mazda, qui veut dire «Seigneur sage»[66]. D’ailleurs, il prophétisait le jugement dernier et le jugement individuel, la venue de messies, l’idée de l’Esprit saint et de l’Esprit du mal, idées qu’ont repris le judaïsme (les Juifs ont emprunté ces idées aux Zoroastriens lors de leur déportation à Babylone), et qu’ont développé le christiannisme, l’Islam, entre autres. On a d’ailleurs souvent clamé que le mazdéisme ou le zoroastrisme était dualiste ou manichéen, mais en réalité, la dualité Ténèbres-Lumière, Vérité mensonge, Esprit Saint-Esprit destructeur, ne s’applique d’après eux que sur la Terre[67]
Mais la vérité, comme je l’ai dit, est contenue en toutes choses, et toutes ces influences sont également porteuses de vérité. La pureté est dans la pureté du message, non dans la pureté «de sang» d’une religion, car essentiellement, l’unique religion que l’homme est la religion du don de soi et de l’amour. Alors, que la Vérité ne vienne pas, à notre époque, d’une religion unique ou d’un savoir unique (la religion primordiale a créé de nombreuses traditions religieuses et philosophies), n’est pas très étonnant, car le monde lui-même, Création et reflet de Dieu, est un livre ouvert plein de diversité, et révèle la vérité, qui se manifeste de façon plurielle, quoique archétypale, à quiconque cherche à y lire la présence de l’Immuable. Alors donc, le fait que tous les peuples ont alors accès à l’Immuable et la Vérité, et l’ont perçu de façons différentes mais tout aussi véridiques à travers l’histoire et sur tous les continents, n’est aussi pas très surprenant.
Pour illustrer ce principe -que toutes les religions sont porteuses de vérité et ont sûrement été influencées, sinon du moins précédées par d’autres éléments provenant d’autres religions- prenons l’exemple christiannisme et de la ressemblance taoiste. Lao Tseu, un sage chinois contemporain de Confucius et fondateur du taoisme, dans son Tao-tö king, dit, dit un demi-millénaire avant Jésus:
«La voie du Ciel ne procède-t-elle pas
à la manière de celui qui tend l’arc?
Elle abaisse ce qui est en haut
et élève ce qui est en bas[68]»
Ces mots peuvent être mis en parallèle avec ce texte de l’Évangile de Luc, duquel il semble même s’inspirer, presque mot pour mot:
«Quand tu es invité par quelqu'un à une noce, ne t'installe pas à la première place, de peur qu'un homme plus honorable que toi ait été invité par lui. Celui qui vous a invités viendra et te dira : 'Donne-lui ce rang'. Et alors tu commenceras dans la honte à prendre le dernier rang. Mais quand tu as été invité, va t'étendre au dernier rang, pour que ton hôte vienne et te dise : 'Ami, monte plus haut !' Ce sera pour toi une gloire en face des autres convives. Qui s'élève sera humilié; qui s'humilie sera élevé[69]».
Nous retrouvons également dans cette pensée de Lao Tseu le reflet de l’humilité si chère à Jésus et aux Chrétiens:
«Qui se plie restera entier,
qui s’incline sera redressé,
Qui se tient creux sera rempli,
Qui subit l’usure se renouvellera,
Qui embrasse peu acquerra la connaissance sûre,
Qui embrasse beaucoup tombera dans le doute.
Ainsi le saint embrassant l’unité
deviendra le modèle du monde.
Il ne s’exhibe pas et il rayonnera.
Il ne s’affirme pas et s’imposera.
Il ne se glorifie pas et son mérite sera reconnu.
Il ne s’exalte pas et deviendra le chef[70].»
On peut également retrouver, dans les textes que nous avons, d’autres empreintes de cette relation qui existe entre les deux doctrines, dans le XLIème chapitre du Tao-tö king de Lao Tseu, par exemple, qui peut être mis en parallèle avec la parabole du semeur dans l’évangile de Mathieu:
«Lorsqu’un esprit supérieur entend le Tao,
il le pratique avec zèle.
Lorsqu’un esprit moyen entend le Tao,
tantôt il le conserve, tantôt il le perd.
Lorsqu’un esprit inférieur entend le Tao,
il en rit aux éclats;
s’il n’en riait pas
le Tao ne serait plus le Tao[71].»
« Vous, donc, entendez l’exemple du semeur.
Chez tout homme qui entend la parole du royaume sans la comprendre,
le criminel vient, arrache ce qui a été semé dans son coeur.
Tel est celui qui a été semé au bord de la route.
Celui qui a été semé sur les rocailles,
c’est l’entendeur de la parole, qui, vite, la reçoit avec joie.
Il n’a pas de racines en lui-même, mais il est éphémère.
Quand survient l’angoisse ou la persécution à cause de la parole,
vite, il trébuche.
Celui qui a été semé dans les épines, c’est l’entendeur de la parole
chez qui le souci de cette ère, la séduction de la richesse
asphyxient la parole; elle devient sans fruit.
Celui qui a été semé sur une belle terre,
c’est l’entendeur de la parole qui la pénètre.
Il porte du fruit, l’un cent, l’autre soixante, l’autre trente[72].»
Il y a aussi des parallèles entre un passage du Tao-tö king de Lao Tseu avec l’analogie du chemin étroit, retrouvé dans le Nouveau Testament:
«Car l’adage dit:
le chemin de la lumière paraît obscur,
Le chemin du progrès paraît rétrograde,
Le chemin uni paraît raboteux[73].»
Et les paroles rapportées de Jésus:
«» Entrez par la porte étroite. Large, en effet, et spacieux est le chemin qui mène à la perdition, et il en est beaucoup qui s'y engagent ;14 mais étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie, et il en est peu qui le trouvent[74].»
Sur le sujet du chemin étroit, voici également un extrait tiré de la Katha Upanishad, dans la tradition hindoue, une des plus anciennes Upanishad, composée entre 800 et 500 avant Jésus-Christ:
«Éveille-toi
Cherche la vérité ultime!
Dépasse l’ignorance!
Mets-toi en quête
des plus grands maîtres
et à travers eux
découvre l’ultime vérité.
Mais prends garde!
Le chemin est étroit,
le parcours difficile.
S’y engager, c’est marcher
sur le fil du rasoir.
Tel est l’avertissement des sages[75].»
Ceci dit, on peut dire qu’il y a en réalité de nombreuses correspondances entre la philosophie orientale (dont celui de Lao Tseu ou des Upanishads) et celui de Jésus, même si à prime abord, ils peuvent sembler distants pour un chrétien, un taoiste, ou hindou, surtout en raison de la façon que ces idéologies nous ont été présentées dans nos histoires respectives, mais ne le sont pas dans leur message et leur contenu. Mais il ne faut pas s’étonner de ces correspondances, car Lao Tseu parlait de la même Unité du monde que Jésus, le Tao étant la même chose que l’Unité spirituelle qui unit toutes choses. Ainsi, le Tao, concept abstrait peut être mis en parallèle avec le concept de Dieu –qui est Tout, existence comme inexistence- comme si Lao Tseu comprenait Dieu d’une façon purement abstraite et philosophique. Mais même si le Judaïsme existait avant Lao Tseu, ce dernier ne savait probablement pas ce que signifiait «Dieu» dans la définition hébraïque ou iranienne -ou à cette époque «Yahve» ou «Ahura-Mazda» (Seigneur sage)- il ne le comprend que conceptuellement (qui d’ailleurs semble d’autant plus pur) et il le définit le mieux par ce nom, le Tao, qui signifie, «La Voie» ou «le Chemin[76]», car il n’existe qu’un chemin, pour nous, les hommes et tous les êtres vivants, et c’est le chemin vers la Totalité. Le Christiannisme des origines se faisait d’ailleurs appeler la «Voie de Dieu», terme qui fut par la suite repris par Mahomet[77]. D’ailleurs, le nom même du Tao, chemin ou voie, peut être mis en parallèle avec un poème de Rûmi, «Présent à ta présence», dans lequel il dit:
«Ô Toi qui es avec moi et caché comme le coeur
Je te salue du fond du coeur
Ô Toi qui es mon pôle, où que j’aille
C’est vers Toi que je me tourne
Où que tu sois, tu es présent
Et de loin en nous, tu regardes[78]»
Mais revenons à Lao Tseu. le Tao, ainsi que je l’avançais, peut être associé au concept de Dieu. De même, ainsi que Dieu,
«Le Tao caché n’a pas de nom.
Et pourtant c’est lui seul
qui soutient et parachève tous les êtres[79].»
Ou encore:
«Il y avait quelque chose d’indéterminé
avant la naissance de l’univers.
Ce quelque chose est muet et vide.
Il est indépendant et inaltérable.
Il circule partout sans se lasser jamais.
Il doit être la Mère de l’univers.
Ne connaissant pas son nom,
Je le dénomme «Tao».
Je m’efforce de l’appeler «grandeur»[80].»
Cette dernière citation peut être mise en relation avec cette citation de la Genèse déja citée, car cette chose indéterminée, «muette et vide», ressemble à cette «terre déserte et vide», et pourtant, «il est indépendant et inaltérable» comme le souffle planant sur les eaux[81].
Dernièrement, cette citation met bien en relief la nature indéfinie du Tao, de l’Unité, de Dieu:
» Le tao est quelque chose de fuyant et d’insaisissable.
Fuyant et insaisissable, il présente cependant quelque image,
insaisissable et fuyant, il est cependant quelque chose.
Profond et obscur, il contient une sorte d’essence.
Cette sorte d’essence est très vraie
et comporte l’efficience.
Depuis l’antiquité, son essence n’a pas varié.
Pour le comprendre
il suffit d’observer le germe de tout être[82]. »
Or, que ce soit pour un bouddhiste, un taoiste, un chrétien ou un musulman, Dieu ou la Totalité, on parle donc de la même chose, du même chemin. On peut donc dire, par ces multiples exemples, que non seulement des éléments du Taoisme et du bouddhisme se retrouvent dans le Christiannisme, car toutes les religions témoignent de la même Vérité, qui est universelle, et qui se manifeste à, pour et par l’entremise de tous, et même par son contraire -car le mensonge ne fait que souligner la Vérité, comme une ombre souligne l’objet illuminé. D’ailleurs, Jésus ne serait-il pas déçu de voir que les valeurs qu’il cherchait à transmettre, soit l’Amour, le Pardon, l’Ouverture, la Tolérance (qui comme nous l’avons vu, viennent probablement tous d’une souche commune et d’une religion primordiale, et sont contenues dans toutes les religions) ont parfois, même souvent été perdues au profit d'une idéologie, une religion, un ego? Mais, si Jésus revenait à notre époque, les Chrétiens les plus religieux seraient probablement ses pires ennemis, car ils se seraient fait une idée si statique et éloignée de lui, fondée sur les mythologies et les dogmes chrétiens élaborés par la suite, qu’ils seraient les plus loins d’adhérer à son message, beaucoup trop pris dans un message transformé par une tradition vieille de deux mille ans et bourrée de dogmes vétustes.
Finalement, Saint-François a beaucoup critiqué le manque de pauvreté de l’Église. Il a par la suite été intégré par cette même église, sans par contre être écouté. Le Vatican est toujours aussi riche, et se trouve au dessus des pauvres qu’il devrait servir –ce que le Pape François a compris en changeant le cap du Vatican. Or, n’étant pas universelle car ne représentant pas l’ensemble de l’humanité, l’Église catholique ne peut conséquemment d’aucune façon se faire la porte-parole de Dieu, qui est en soi la Totalité. Elle devra s’ouvrir sur le monde pour que naisse la véritable église, celle qui ne sera pas une institution. Le Vatican devrait se comporter comme une simple ONG des humbles –et arrêter d’imposer aux autres sa vérité, qui n’est ultimement pas la seule. Elle écoutera alors enfin, comme se propose maintenant de faire le Pape François, le message du Christ.
*
Lettre aux Musulmans
«Être pieux ne signifie point tourner vos visages vers l’orient ou vers l’occident.
Est pieux l’homme qui croit en Dieu et au Dernier jour, aux anges, aux Écritures, aux prophètes; l’homme qui, pour l’amour de Dieu, donne ce qu’il possède à ses proches, aux orphelins, aux pauvres, aux voyageurs et aux mendiants ainsi que pour racheter les captifs; l’homme qui prie, donne l’aumône, observe la foi jurée, demeure constant dans l’adversité, le malheur et face à la violence.
Voilà l’homme sincère, voilà l’homme qui craint Dieu![83]»
Sourate II, Le Coran (ou son interprétation en français)
*
La seule véritable religion
les comprend toutes
D’abord, il est important d’affirmer la grande ouverture de l’Islam face aux autres religions révélées, ce qui n’est pas le cas de chacune d’entre elles, certaines religions n’acceptant souvent que leur propre message, rejettant tous les autres, comme si les autres peuples ne pouvaient avoir accès aussi à la Vérité, à moins d’adhérer à leur propre livre saint. Mais l’Islam a accepté de tout temps les religions du Livre, soit le Judaïsme et le Christiannisme, et parfois même davantage[84]; cela témoigne en sa faveur. Peut-on dire la même chose des Chrétiens, qui le plus souvent, rejettent Mahomet, et que dire des Juifs, qui ont rejetté tout ce qui était révélation nouvelle depuis Jésus, comme si Dieu avait cessé de leur parler. Or, Dieu n’a pas cessé de leur parler, et comme il n’a pas cessé de parler à tous ceux qui écoutent, ceux qui savent écouter. Alors si le Chrétien regrette que le Juif n’accepte pas Jésus, pensez comment peut se sentir un Musulman, dont la révélation n’est acceptée à la fois ni par les Juifs, ni par la plupart des Chrétiens, alors que celui-ci les accepte toutes les deux.
Si des événements récents ont fait en sorte que l’Occident méconnait et même, déforme l’Islam au profit d’un petit groupe de fondamentalistes qui pervertissent son message, la plupart des Musulmans sont des Musulmans mesurés, qui sont capables de reconnaître Dieu en toutes choses, qui aiment discuter philosophie, questionner, car ils savent que les questions sont la souche de la connaissance. Reconnaissant que le soufisme est le coeur de l’Islam, et le soufisme est probablement la branche de religion la plus tolérante que je connaisse, on peut également reconnaître que l’Islam a connu une fausse publicité de la part de l’Occident depuis les événements récents qui ont mené à une série de guerres contre l’Islamisme, et je pense que les Musulmans en général sont les victimes de jugement et d’incompréhension de la part des Occidentaux. Bien sûr, comme pour toutes les religions, je ne m’adresse pas ici aux fondamentalistes, à ceux qui croient que la violence peut régler des choses, ceux qu’on montre le plus souvent aux nouvelles occidentales, et qui sont souvent pris –à tort- pour la force principale de l’Islam -non, je me résigne: ces gens, personne ne peut les raisonner, sinon leur propre défaite. Ici, je m’adresse plutôt au grand corps des Musulmans, ceux qui savent réfléchir et qui reconnaissent que seul l’Amour de Dieu et des hommes, qui aiment par lui, peut sauver le monde.
Mais à ce moment dans l’histoire, nous, les pays occidentaux, faisons plutôt la morale aux pays musulmans ou même aux musulmans qui vivent dans nos propres sociétés. On semble les prendre parfois pour des gens non-civilisés ou barbares. A-t-on oublié la grande liberté religieuse dont bénéficiait l’Espagne musulmane, et l’essor culturel[85], scientifique, mathématique[86], philosophique, spirituel que connaissait le monde musulman, alors qu’à l’époque médiévale, l’Occident était obscurantiste et vivait essentiellement dans la boue? En toute honnêteté, sans même parler des chiffres arabes et du zéro, de l’algèbre, et de toutes ces inventions, qu’ils nous ont transmises, il n’est pas faux de dire que «les penseurs musulmans, en effet, n’ont pas seulement structuré leur société, ils ont aussi modelé la nôtre». Nous n’avons qu’à regarder du côté de la traduction des textes grecs opérés par les Abassides, qui a aussi ouvert la voie à la Renaissance, et Avicenne et Averroès, qui ont donné lieu à toute la scolastique médiévale[87]. Doit-on également rappeler que du temps des Croisades, alors que les Chrétiens, qui prêchaient l’Amour, la Tolérance et le Pardon, commettaient des massacres immondes envers les Musulmans et même les Juifs, tuant femmes et enfants[88], se livrant même au cannibalisme[89], les Musulmans, eux, se défendaient légitimement, et ce, souvent avec beaucoup de miséricorde[90], en épargnant souvent des prisonniers et la plupart du temps, les gens du Livre?
Et maintenant que le monde occidental est supposément dans une démocratie –ce qui n’est pas toujours vrai, en fait car nous chutons maintenant vers quelque chose d’autre- nous faisons des leçons aux autres, alors que les femmes n’ont connu la liberté et leurs droits fondamentaux qu’il y a quelque dizaines d’années dans la plupart des pays occidentaux (et la lutte n’est pas terminée) et les homosexuels viennent d’avoir, et pas dans tous les pays, le droit de se marier. Nous voulons interdire le port du voile dans les lieux publics, mais ne serait-ce pas là fermer la porte des institutions aux femmes musulmanes, prisonnières de leurs traditions, qui malheureusement, ont été dictées par des hommes? Je ne dis pas que la femme doit porter un voile; d’après moi, ceci est une loi qui a été imposée par l’homme, mais ce n’est pas au monde laïc à dicter comment les hommes et les femmes doivent s’habiller, ou ce qu’ils doivent porter dans les lieux publics, car il s’agit là de l’espace privé; l’espace public, c’est l’État, pas le corps des hommes et des femmes. Quoi, ensuite, on nous interdira de croire dans une religion ou une autre dans un lieu public, ou même d’en parler, parce que cela n’est pas neutre? La neutralité, en fait, n’est pas le fait de porter un voile ou non; la neutralité est intérieure, non extérieure. Et elle ne concerne pas nécessairement la religion.
Ceci dit, il y a une lutte fondamentale en Islam –et ceci est visible dans les «révolutions» qui ont éclaté dans les pays du Maghreb récemment- entre la Loi et la libre-pensée. Les fondamentalistes, qui pensent que nous devrions observer leur interprétation de la Loi, sans réflexion, à la lettre, en se réfugiant dans le passé, briment une des qualités fondamentales données par Dieu à l’homme, soit la réflexion -qui n’est d’ailleurs pas contraire à l’Islam dans l’essence. Ainsi, ils sclérosent la société, l’empêchent d’avancer par le fait d’imposer une vision unique et totalitaire des choses, qui est contraire à l’Amour, car l’Amour est ouverture et tolérance. Or, Dieu n’a pas donné à l’homme une Loi pour qu’il l’observe à la lettre, sans penser, tout simplement car Dieu ne veut pas que nous obéissions aveuglement, sans réfléchir, à tout ce qui nous est dit, que ce soit révélation ou non. Nous ne sommes pas des robots. Plutôt, nous sommes des homes et des femmes, et nous sommes faits pour questionner, et ainsi apprendre, et oui, parfois nous tromper, non obéir sans penser –ce qui est l’essence de la loi totalitaire. Alors, plutôt qu’obéir simplement, il s’agit plutôt de prendre des décisions éclairées, que ce soit par les lumières de notre coeur et de notre raison, fondées sur les prescriptions de notre Loi, bien sûr, mais également et même, surtout, de notre propre bonté d’âme, qui est la clé de notre relation avec le Divin. Et la bonté d’âme vient du libre arbitre et de la libre pensée, car il faut expérimenter, ainsi qu’un scientifique, avant de savoir. En fait, le Divin nous met constamment à l’épreuve de dépasser les règlements, et d’utiliser notre intuition, car la vie est beaucoup plus complexe qu’une simple formule.
De plus, le Divin a donné une Loi a chaque peuple, dépendamment de ce que ce dernier avait besoin, en des temps et lieux bien précis. Pour les bouddhistes, cette loi est le Dharma, à la fois «l’ordre cosmique et la loi morale, le devoir de maintenir l’harmonie universelle[91]», et qui veut dire, «la bonne loi», pour les hindouistes comme Gandhi, observateur de l’a-himsâ (principe de non-violence): «ne nuire à aucun être vivant[92]». Cette loi de non-violence est également présente dans le Nouveau Testament, avec l’enseignement de Jésus («mais qui te gifle sur la joue droite, tourne aussi vers lui l’autre joue[93]»), mais également dans le Coran, comme cité en début de chapitre: l’homme bon est «l’homme qui prie, donne l’aumône, observe la foie jurée, demeure constant dans l’adversité, le malheur et face à la violence[94]», ce qui insinue que face à la violence, il ne faut pas réagir avec violence, mais plutôt demeurer égal à soi même et rester constant.
Or, il n’y a pas qu’une Loi mais plusieurs Lois pour plusieurs peuples, même si nous trouvons entre elles souvent des similitudes. Et la Loi est le plus souvent symbole simplement d’équilibre avec les autres, nous-mêmes ou l’univers, mais la Loi peut pourtant changer selon les régions et les époques. Par exemple, la Loi juive demande aux Juifs de ne pas manger de porc, et ceci est vrai aussi en Islam. Pour les Musulmans, il y a également une interdiction de l’alcool, qui se trouve pourtant au paradis (donc qui n’est pas maudit comme certains peuvent le croire, mais plutôt béni) d’autant plus que certains des premiers princes musulmans buvaient souvent de la boisson[95]. L’alcool et le vin se trouvent parmi les thèmes préférés de nombre de poètes musulmans et signifie l’union avec le divin. Le vin, d’ailleurs est ce dont est constitué, dans le Coran, un des fleuves du paradis[96].
Mais nous savons que dans les régions plutôt désertiques, là ou habitaient à l’époque les Juifs et les Arabes, le porc développait des vers, et nous savons également que la boisson déshydrate -ce qui peut être très mauvais en l’absence d’eau. En ce sens, même si les religions adherent à ces Lois vétustes, par rigidité et traditionnalisme, la véritable Loi divine, elle, est très sensée, mais elle-même change avec les lieux, les peuples et les époques simplement car «la plupart des traditions religieuses de l’humanité est conditionnée par le contexte historique, culturel et ethnique», et également, géographique et temporel. Car non seulement «chaque prophète, afin d’être compris, a parlé le langage du peuple auquel il fut envoyé, en tenant compte de ses coutumes, de ses traditions, et de sa manière de penser[97]» mais il lui a donné la Loi qui était bonne pour lui en un temps et un lieu bien précis.
Or, en raison de la loi révélée interprétée à la lettre, la femme, dans l’Islam, n’est souvent pas considérée comme l’égale de l’homme, soit aux niveaux sexuel, social, spirituel, pratique et cela constitue tout de même un problème au niveau éthique et spirituel. Avons-nous oublié le texte de la création de l’homme et de la femme dans la Bible, est que «Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu, il le créa; mâle et femelle il les créa[98]», donc en même temps et de façon égale, et que tout texte qui rentre en contradiction avec cela a sûrement été écrit de façon postérieure ou aurait plutôt rapport à la vie imparfaite terrestre. Car en effet, cela est le cas dans plusieurs religions, l’homme, a travers l’histoire, a dominé la femme, mais la femme (et si cela est contredit par des textes sacrés, c’est par le désir de pouvoir de l’homme, qui a pu d’ailleurs les transformer) est l’égale de l’homme et ne doit pas lui être, de façon fondamentale, soumise. Car au paradis terrestre, l’homme et la femme étaient égaux, donc si on veut revenir à la perfection, il faut revenir à l’égalité. L’égalité veut dire que la femme n’a pas besoin de se couvrir pour contenir le Satan dans l’homme –et qu’elle a les mêmes droits que l’homme. Car ce n’est pas la beauté de la femme qui est diabolique mais bien le désir de pouvoir de l’homme.
Mais j’aimerais que chaque musulman pense au premier musulman qui a existé, et ce musulman n’est pas un musulman –c’est une musulmane. Il s’agit de Khadija[99]. Comment peut-on faire porter le voile (réducteur) à la première personne qui a accepté l’Islam, qui a protégé Mahomet, même qui l’a nourri? Le visage de la femme ne devrait-il pas donc pas plutôt être montré au grand jour, célébré pour ce qu’il est: lumière, vérité, douceur, tolérance, ouverture, beauté, qui témoigne de la beauté de Dieu? Et également, rappelons que tous les prophètes du monde ont été enfantés par une mère, et que l’apôtre la plus fidèle et la plus aimée de Jésus était Marie Magdeleine.
Alors, si beaucoup de Musulmans nient l’égalité de toutes les religions, et prétendent que l’Islam est la seule véritable religion, je dirais plutôt que Dieu s’est adressé à chaque peuple pour lui donner différentes versions de ce qu’Il était, car il y a des façons infinies de Le comprendre, pas qu’une seule façon totalitaire, meilleure que les autres, ou supérieure d’aucune façon. Ainsi, toutes les religions, pas que les religions révélées, sont vraies. Le Coran n’est pas le seul à avoir une Loi révélée, car il s’agit bien du Dieu de tous les hommes, non que le Dieu des Musulmans, des Juifs ou des Chrétiens, et il faut réfléchir et opposer des idées pour développer une véritable science du Divin, non simplement interpréter des «vérités» en les prenant à la lettre, de façon littérale, un enseignement mis de l’avant par les Soufis.
Sur le sujet, un sage soufi, Ibn ‘Arabî, dit:
«Celui qui professe une foi dogmatique loue uniquement la divinité incluse dans la profession de foi et à laquelle il se rattache. Les oeuvres qu’il accomplit lui reviennent, et en définitive, il ne fait que se louer lui-même (...) L’éloge qu’il adresse à ce qu’il professe est donc un éloge qu’il s’adresse à lui-même. C’est pourquoi il blâme ce que professe autrui, ce qu’il ne ferait pas s’il était équitable. Celui qui se limite à cet objet d’adoration particulier est de toute évidence un ignorant, du fait même qu’il s’oppose aux convictions d’autrui au sujet de Dieu. S’il connaissait, en effet, la parole de Junayd,: «La couleur de l’eau est celle de son récipient», il accepterait de chacun sa propre croyance; il connaîtrait Dieu en toute forme et en toute profession de foi. De lui n’émmane qu’une opinion, et non une science. C’est pour cela que Dieu a dit: «Je suis auprès de l’opinion que Mon serviteur a de moi»; Je ne Me manifeste à lui que dans la forme de sa croyance. Ainsi, la divinité des convictions dogmatiques est prisionnière des limitations; c’est donc la divinité que contient le coeur de Son serviteur. La Divinité absolue, quant à Elle, ne peut être contenue par rien, car Elle est l’essence des choses et l’essence d’’Elle-même[100].»
Or, l’Islam constitue, comme le Christiannisme ou le Judaïsme, la Voie de Dieu, car «il faut d’abord connaître Dieu en cheminant sur Sa voie[101]». Ainsi, on peut dire que «le vrai n’est pas contraire au vrai, mais s’accorde avec lui et lui porte témoignage[102]», et qu’ainsi, le Tao rend témoignage à la révélation de Mahomet, qui elle rend hommage au Christiannisme et au Judaïsme, et également à toutes les autres religions qui existent et qui ont existé, même le bouddhisme, ou le polythéisme. Car, ainsi que le dit Al-Farabî (dans les mots de Philippe Vallat) les
«religions parfaites, elles peuvent être polythéistes si cela convient mieux aux peuples auxquels elles s’adressent. La seule chose essentielle est qu’elles transposent toutes une même vérité, qui peut revêtir des formes diverses pour s’adapter à chaque peuple[103]».
Ainsi, certains saints musulmans ont donc professé
» l’unité transcendante des religions», thème auquel Ibn ‘Arabî a fourni un cadre doctrinal; toutes les croyances et donc toutes les religions sont vraies car chacune répond à la manifestation d’un Nom divin. Il y a ainsi une unité fondamentale de toutes les lois sacrées, et chacune détient une part de vérité. La diversité des religions est due à la diversité des «relations» que Dieu entretient avec le monde, et à la multicilicité des manifestations divines. Puisque Dieu est conforme à l’opinion que le fidèle se fait de Lui, Ibn ‘Arabî en conclut d’abord que les croyances sont conditionnées par les différentes manifestations de Dieu perçues par les êtres et par la conception fragmentaires que chacun se fait de Dieu; ensuite que Celui-ci accepte toutes les croyances –pas au même degré, bien sûr- car les conceptions humaines ne sauraient limiter l’être divin. Enfin, quel que soit le destinataire du culte (Dieu dans ses diverses dénominations, mais aussi la nature ou les idoles), c’est toujours Dieu que l’homme adore, même s’il n’en est pas conscient[104]».
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Lettre aux animistes
Contrairement à ce que beaucoup de gens croient, et comme on a pu le penser autrefois, «l’animisme n’est pourtant pas une religion sans dieu». Ce que l’animiste «révère, ce n’est ni l’animal, ni la pierre, ni la plante, mais «le principe vital qui leur est commun». L’animal, la pierre, la plante, ne sont pas des idoles, images identifiées à la divinité. Ils sont habités par une force qui, depuis toujours, est aussi celle que l’homme éprouve en lui[105]».
Albert Samuel
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Au rythme de la Vie
C’est une évidence que l’animisme a été mal compris de la part des Occidentaux tout au long de notre histoire récente, nous qui avons souvent cherché à imposer nos valeurs et notre foi sur les pratiquants de cette religion, quand nous n’avons pas tout simplement chercher à les éliminer. Nous pensions la foi animiste inférieure ou incorrecte, et donc, nous avions à nos yeux le droit d’imposer aux gens qui pratiquent ces religions diverses nos croyances. Mais est-ce bien là l’Amour mis de l’avant par Jésus, et le message de Mahomet que d’imposer à l’autre ses croyances sans d’abord chercher à le comprendre? Car si nous n’avions pas pris ses mythes et pratiques tant à la lettre, avec le simple effort de se mettre dans la peau de l’autre et ne plus chercher à le dominer, nous aurions en fait plutôt découvert que dans la plupart de ses formes, l’animisme comprend en fait déja la croyance dans un dieu unique et suprême, et il s’agit du même Dieu unique que nous avons vu dans les trois grandes religions monothéistes, dans l’Hindouisme, et qui peut également se comprendre de façon abstraite dans les religions orientales. Car dans l’animisme, «Ce dieu suprême demeure mystérieux, inconnaissable» comme il est dit dans le taoisme. Comme pour les Musulmans, qui vénèrent Dieu sans images: «il est même parfois resté longtemps inconnu des ethnologues à cause précisément de l’absence de statue et de culte visible[106]». Chez les Indiens d’Amérique, cet être absolu porte le nom de «Grand Esprit» ou «Grand Mystère», il se nomme Wakan Taka chez les Lakota; chez les Dogons, il s’appelle Amma[107]; chez les Incas, cette divinité créatrice immanente se nomme Viracocha[108]. Or, comme dans toutes les religions monothéistes, on appelle souvent ce Dieu suprême «Père» et même «Père de tous les pères», il est la cause et la raison d’être de tout, car tout vient de lui et tout retourne également à lui. Non seulement il est l’énergie présente en tout mais il est à l’origine de l’âme, il a tout créé, supervise toute la création et envoie les récompenses et les punitions[109] et c’est à lui que doivent être faits tous les remerciements. De plus,
«On le situe soit «en haut», sur une montagne (...), plus souvent «au ciel». Les récits de création diffèrent selon les ethnies. Il préexiste à toute création. Il est l’essence suprême de tout ce qui existe. Il a fait le ciel et la terre. Mais de lui aussi procèdent les autres dieux, le bien et le mal. Ainsi source de la loi morale, il est un dieu justicier, maître du futur, de ses récompenses et de ses punitions. Tout-puissant, il est celui qui voit tout, éternel et infini[110]».
Mais les correspondances ne s’arrêtent pas là. On retrouve également, chez les peuples animistes certains mythes qu’on retrouve aussi dans la Bible, ou le Coran, comme nous avons vu, le mythe universel du déluge, mais aussi du paradis terrestre, mythes qui sont souvent «la conséquence de la rupture d’un interdit[111]». Les ancêtres des Dogons auraient été expulsés du ciel «pour avoir mangé la graine défendue, (...) le premier couple s’étant laissé séduire par un dieu et par la fille des eaux», il «fut chassé du centre de la terre ou croissait l’arbre de vie». Est-ce donc nécessaire ici de parler d’Adam et Ève, ou encore du jardin d’Éden ou repose l’Arbre de la Connaissance, mais aussi l’Arbre de Vie, ou encore du serpent, «maître des eaux[112]», les eaux étant le fleuve du Temps et des renaissances dans lequel nous avons été projetés. Beaucoup de mythes des origines parlent d’ailleurs, au tout début, des Eaux primordiales qui étaient présentes avant la Création (ainsi que dans la Genèse ou les Vedas sur lesquelles repose le souffle de Dieu); elles sont «acqueuses et inertes[113]», parfois infiniment profondes, eaux que les Égyptiens appellent le Noun, et qui sont également présentes chez les Kuba du Zaïre[114]. Dans cette version, le créateur était présent mais les forces destructrices étaient incarnées par le serpent Apopis représentant le chaos. Selon de nombreux peuples africains, le monde et la vie auraient d’ailleurs été constitués avec le corps d’un long serpent[115]. Le symbole du serpent, en fait, et l’Arbre de Vie ou de Connaissance, sont intimement liés comme il est démontré par d’anciens vases sumériens montrant une déesse (l’ancêtre d’Ève?) et un Dieu serpent, avec l’arbre de Connaissance (ou de Vie), des symboles qui existent probablement depuis qu’il existe des croyances.
Or, si on prend l’exemple des Autochtones de l’Amérique,
«Strictement parlant, l’Amérindien ne croit pas en Dieu. Il connaît Dieu à travers son expérience relationnelle, tout englobante. Tous les êtres vivants de l’univers sont mystérieusement reliés et tirent leur substance de Dieu ou du Grand Mystère, qui constitue leur centre ou leur source d’énergie vitale[116]».
C’est donc par leur état même que les animistes vénèrent Dieu, eux qui n’ont pas besoin d’imposer leurs croyances car il s’agit pour eux d’une évidence impossible à nier, une vérité fondamentale, faisant partie même de la vie. Or, ils ne prêchent pas Dieu mais ils vivent Dieu, car ils savent qu’ils font partie, comme toutes les choses de l’Univers, de sa propre chair, et ainsi, respectent la nature de laquelle ils se savent un fragment. Pour les anciennes cultures animistes, il y a souvent une très grande interrelation entre la nature et le divin, ou encore, entre le profane et le sacré, comme s’il n’y avait pas de séparation, ou très maigre, entre elles[117]. Dans ce temps cyclique dans lequel il n’existe qu’un présent éternel, la vie est infiniment spirituelle, et non individuelle, mais collective: «elle manifeste la communion vitale entre l’homme, l’animal et le cosmos[118]» qui réflète le rythme sacré de la vie.
Or, ainsi que chez les religions du Livre et chez les Hindous, l’Esprit de Dieu est partout: c’est donc la raison pour laquelle on peut le vénérer en toute chose. Ceci est évidemment le cas pour des peuples qui vivent en un genre de symbiose et relation de dépendance avec la nature et ses forces, qui sont l’oeuvre de l’Unicité, et qui sont soit bénéfiques ou maléfiques selon les circonstances, ainsi qu’elles peuvent l’être dans n’importe quelle société, étant sûrement la réponse karmique à nos propres actes. Donc, la vie et la mort sont liées, et l’ancêtre joue après la mort un rôle toujours aussi important, et peut, tout comme dans le bouddhisme tibétain, se réincarner, même en insecte ou en animal et veiller ou nuire à la communauté[119].
Également, la parole si chère aux religions monothéistes est dans l’animisme tout aussi importante. Comme dans le Christiannisme ou l’Hindouisme, le Judaïsme ou l’Islam, la parole est chez l’animiste porteuse de sens réel, car elle est créatrice: «les mots engendrent ce qu’ils disent», car ils proviennent de la divinité. Seul le nom de Dieu, comme dans tout le mysticisme juif ou chrétien, est «inconnaissable et imprononçable[120]».
Donc, les mythes différents de chaque peuple animiste ne doivent pas être perçus comme des menaces à notre foi, quelle qu’elle soit, mais des histoires instructives et pleines de lumière, expliquant, de façon métaphorique, de la même façon que le font les mythes grecs ou bibliques, la création, l’origine des choses, le sens caché. Toutes des choses que même la science a et aura toujours toute la misère du monde à expliquer -et que la Bible ou le Coran, ou en fait tous les écrits n’expliquent eux aussi, que partiellement, étant eux aussi des créations incomplètes. Or, les animistes comprennent Dieu à leur façon, dans un environnement où ils côtoient la nature dans toutes ses formes, par toute l’oeuvre créée. Ainsi, puisque la Totalité nous parle par l’entremise de toute chose- et ainsi que nous devrions tous le faire, il ne suffit pas d’observer des dogmes figés et de croire en un crédo fixe et inchangeable; il s’agirait plutôt d’adhérer, avant tout, à la Vie, surprême, éternelle, infinie, et se rendre disponible pour percevoir l’action ou le vouloir de la divinité, en ce Tout, qui est lui-même son reflet et de communier avec lui, ainsi que le faisaient les Amérindiens ou le font les animistes de tous les continents dans la multiplicité de ses formes. D’ailleurs, n’est-il pas en premier important d’admirer et de louer tous les aspects de l’Unité, ainsi que le ferait tout bon animiste, ou comme le fait également François d’Assise dans son Cantique au frère soleil?
«Loué soit Dieu mon Seigneur pour toutes ses créatures, et spécialement pour notre frère glorieux le soleil; c’est lui qui produit le jour, et nous illumine de ses rayons; il est beau, il resplendit avec un éclat merveilleux; Seigneur, il est vraiment votre image.
Loué soit mon Seigneur pour notre soeur la lune et pour les étoiles; vous-même les avez formées dans le ciel avec leur éclat et leur beauté.
Loué soit mon Seigneur pour notre frère le vent, pour l’air, les nuages, la sérénité, et toutes les saisons au moyen desquelles vous sustentez toute créature.
Loué soit mon Seigneur pour notre soeur l’eau, qui est bien utile, humble, précieuse et pure.
Loué soit mon Seigneur pour notre frère le feu, dont vous vous servez pour éclairer la nuit. Il est beau, il est délicieux, il est puissant et fort.
Loué soit mon Seigneur pour notre mère la terre; elle nous donne les aliments, elle soutient nos pas, elle produit des fruits divers, des fleurs aux couleurs variées et des herbes[121].»
*
Lettre aux athées
«On ne vit pas seulement par et pour soi-même,
nous sommes aussi vécus par les autres,
nous sommes tous interdépendants.
(...)
Le ciel et la terre ont le même corps, toutes les existences ont la même racine. Pas la peine de créer une séparation entre moi et les autres.
Lorsqu’on abandonne les pensées coagulées, on peut alors trouver le satori, la Voie[122]»
Mokudô Taisen Deshimaru
*
Et si l’on regardait sous l’eau?
«Beaucoup de gens qui se disent athées sont en réalité plutôt des libre-penseurs qui réagissent plutôt aux dogmes et aux excès des religions organisées, et ce, avec raison, mais sans nécessairement nier le sens intrinsèque des choses. Ainsi, si vous êtes athée, je crois pouvoir vous convaincre que vous ne l’êtes pas vraiment. Car si vous êtes vivants, il est presque certain que vous croyez dans la vie. Si vous croyez dans la vie, vous croyez dans ce qui a constitué l'existence, qui est toutes les choses qui ont constitué l'univers et qui détenaient en elles la vie. Si vous croyez dans toutes ces choses qui ont constitué l'univers et la vie (que ce soit le Big Bang ou Dieu), alors vous croyez dans la Réalité. Si vous croyez dans la Réalité, qui est l'univers, le temps et l'espace, alors vous croyez dans la Totalité. Si vous croyez dans la Totalité, alors vous croyez en l'Unité des choses, que toutes les choses sont interreliées, en ce que certains appellent l'Univers, d'autres Dieu, d'autres Allah, d'autres le Soi immuable, d'autres l'Amour, d'autres la Vérité, mais qui est en soi la même et unique chose. Nous sommes tous des fragments de cet ordre des choses, des faisceaux de lumière dans le grand soleil du monde».
François Baril Pelletier
L’athéisme, qui représente une infime partie de la population terrestre, est pourtant, malgré ce que beaucoup de personnes croient, aussi une croyance. C’est la croyance selon laquelle il n’y a pas de sens intrinsèque à la vie. Les gens me répondront peut-être qu’en réalité, la définition de l’athéisme signifie plutôt de ne ne croire dans rien, mais je répondrais que c’est faux. Ils croient le plus souvent dans la raison, et d’ailleurs souvent aussi dans la science qui est aussi une croyance, (même si elle se base sur la pensée logique et tout ce qui matériel): c’est la croyance qu’existe seulement ce qui est observable par l’homme, ce que nous pouvons savoir qu’avec preuves matérielles ou logiques. Or, il est de nombreuses preuves logiques qui sont également spirituelles, qui ne sont pas prises en compte, et il est également véritable que le vrai contient la matière mais la dépasse. Si pourtant en revanche, vous croyez, étant athées, qu’il existe des choses immatérielles que la science ne peut expliquer encore ou qu’elle n’expliquera jamais, ou que très partiellement, ou que les choses ont un sens intrinsèque, peut-être que vous n’êtes tout simplement pas athée, mais agnostique, ou peut-être même spirituel, sans même le savoir. Car cette chose immatérielle que nous pouvons percevoir -d’abord matériellement, car elle emprunte comme canal la matière (par exemple, la Vie), mais surtout de façon spirituelle-existe de façon assurée, quoique supposément non scientifique, et inclue les valeurs, ou des états actifs, comme l’Amour, la Volonté, etc.
Or, l’athéisme a toutefois permis de contrebalancer les excès de la religion, souvent obscurantiste et dogmatique, et de prendre des distances par rapport à un lavage de cerveau opéré par les autorités ecclesiastiques depuis plusieurs millénaires. Malheureusement, elle a pris l’autre versant de la Réalité en ne croyant plus dans l’esprit, simplement car elle ne peut en avoir la preuve matérielle. Mais, je le répète, l’esprit n’est pas matériel alors il est complètement insensé d’en chercher la preuve! Pour celà, il faut changer la façon que nous considérons les preuves. Car l’esprit, même dans son mensonge, est toujours véridique dans son essence. Sa vérité est récélée dans sa simple présence, elle-même prouvée par le corps vivant, la force de vie.
«C’est le Soi, qui ne se révèle pas:
Il est caché dans tous les êtres.
Ceux qui perçoivent l’immatériel
Le voient par l’acuité d’une attentive intelligence[123].»
Ainsi, il est une chose très appréciable chez l’athée: celui de s’éloigner du dogme pour mettre des valeurs universelles, ayant été anciennement véhiculées par les religions, en premier plan, ou par l’humanisme qui en a découlé. En fait, n’était-ce pas les valeurs humanistes, dans les religions qui sont importantes, bien plus que la forme et la structure religieuse? Ces valeurs, dans le meilleur des cas, sont l’amour, la tolérance, l’ouverture d’esprit. Dans le pire des cas, ces valeurs sont la liberté absolue sans responsabilisation, l’amour excessif de soi, l’individualisme. Mais là est le danger de l’éloignement avec la spiritualité: nous perdons les valeurs mettant du sens et de l’équilibre dans l’Unité de la Vie, qui est en fait l’essence même du sacré. À moins, bien sûr, que le sacré ne soit retrouvé, chez l’athée, à travers ces mêmes valeurs d’amour et de tolérance, cas dans lequel nous parlons de la même chose.
Si la science ne considère donc que ce qui est observable, et si tout ce que nous savons par l’observation se base sur les sens –car nous devons utiliser nos sens pour calculer des données- toute la science se base donc elle aussi sur les sens, ce qui n’est absolument pas très complet, car n’incluant qu’une petite partie de ce que nous nommons Réalité. Car la véritable Réalité comprend, on le sait bien sûr depuis un certain temps, toutes sortes de dimensions invisibles pour les sens, et même pour la raison. La matière observable n’est qu’une partie infime de la Réalité, et je crois que les scientifiques eux-mêmes le soutiendraient, alors pourquoi nier les dimensions invisibles de l’Être Si la matière n’était qu’un voile qui masquait la véritable Réalité, à moins de regarder avec les yeux de l’esprit, alors, la science au grand complet ne serait que l’étude d’une illusion. En parlant d’illusion, des études scientifiques récentes affirment même que l’univers serait un hologramme. Un hologramme doit avoir une source.
L’athéisme est donc une idéologie qui n’est que très partiellement dans le vrai, car sa définition de la Réalité n’inclut que le vrai matériel et ne considère pas l’immatériel spirituel, même si cet immatériel spirituel peut être tout à fait justifié rationnellement. De plus, le matériel est dirigé par l’immatériel, comme nous pouvons le voir avec l’eau à la surface, dirigée par les courants souterrains. Également, le fait de ne considérer que ce qui est observable ne nous fait questionner que le comment: car la matière est le comment, et non la cause réelle des choses, qui est au delà de la matière et prend sa souche dans l’immatériel. Car le monde a été créé, non par la matière, mais par une force dépassant la matière (ex: le Big Bang). Les choses ont donc leur source dans un ailleurs, qui nous est voilé; la véritable réalité, appelée par les bouddhistes la claire vision, peut toutefois venir jusqu’à nous lorsque nous regardons avec les yeux de l’esprit.
Or, il est un problème: l’athée trouve souvent un but dans la vie par la simple idée de son bonheur, ce qui n’est pas fou, mais très limité. Car le bonheur constitue-il véritablement un bien acquis? À la fin de la vie, le fait d’avoir été heureux ou malheureux aura-t-il rien changé à notre vie si la vie à la base est absurde et sans sens, se terminant avec la mort? En fait, le malheur est aussi valable, pour l’esprit, que le bonheur; c’est simplement ce que nous en faisons qui a de l’importance. Alors pourquoi ne pas privilégier plutôt le courage, ou le sacrifice, ou autre valeur dans l’athéisme? Malheureusement, en privilégiant son propre petit bonheur, c’est notre propre petit ego, qui est important. Bien sûr, ce carpe diem, c’est donc dire: si nous mourons, pourquoi pas au moins avoir du plaisir pendant que nous sommes là? Ça semble donc être une pensée très sensée en apparence, mais c’est en soi une sournoise absurdité qui est réellement sans valeur, car sans réel sens, sans profondeur. Oui, la vie est chère, et personne ne veut souffrir, et personne ne mérite de souffrir, mais le désir (et particulièrement le désir du bonheur (du bonheur à gagner ou du bonheur perdu) nous fait, ultiment, souffrir –et le bonheur passé, s’il disparaît, peut être, et même je dirais, sera une énorme source de souffrance. Alors le bonheur (mais pas le vrai bonheur, le bonheur détaché) mais le bonheur attaché (attaché aux désirs), ne nous apporte en fait que de la souffrance.
Tout celà est ainsi car bonheur et souffrance sont intimement liés. La souffrance est également une chose extrêmement riche, et la mort participe à la vie: nous sommes des créatures en constante transformation, toujours reposant entre la Création et la Destruction. En fait, n’est-ce pas cela même l’idée de la spiritualité, de mettre un sens à la souffrance, au mal? Toute souffrance n’est pas nécessaire, mais elle n’est pas inutile; la souffrance nous apprend, nous enseigne, jusqu’à ce que nous soyons en mesure de cesser ce cycle infernal du désir et de la souffrance, démarche qui peut être perçue comme totalement folle, ou très sage, mais qui constitue en réalité la seule liberté et le seul véritable bonheur dans cette vie: se libérer totalement de la souffrance. Bien sûr que le sacrifice est alors important car c’est par le détachement du désir -plutôt que l’attachement à ce même désir- que l’on peut cesser ce cycle infernal de l’attachement. Et cela est une loi fondamentale dans presque toutes les religions, qui avec grande incompréhension, est niée aujourd’hui par le monde athée.
Or, il existe un équilibre intrinsèque dans la grande Unité du Cosmos, et c’est cette Totalité qui est sens. C’est de percevoir ce sens qui imprègne les choses qui constitue le fait d’être spirituel. Or, malheureusement, les athées réagissent, et cela avec un grand zèle, aux excès religieux du présent et du passé, mais ils ne savent pas nécessairement ce que veut dire Dieu, réellement (comme même beaucoup de «croyants» ne le savent pas non plus) ou même ce qu’est la spiritualité, enfouie profondément dans chaque être. Ils réagissent à la religion, excessive dans ses dogmes et son obscurantisme, non à la spiritualité, qui représente plutôt l’Amour de toute chose, et qui nous donne une fenêtre sur ce sens qui imprègne le monde. Car quiconque, s’il vient à connaître la Totalité, ne peut plus la nier, car cette Totalité est simplement, et très mathématiquement, l’Unicité sacrée. C’est ce qui constitue l’ensemble de la réalité, et qui comprend toutes les dimensions possibles, qui nous lie tous ensemble très naturellement.
Or, l’athée ne croit pas que les choses ont un sens intrinsèque et global. Il croit que le sens est une attribution de la pensée. Pour comprendre les choses, il suffit toutefois de regarder plus loin que la matière. Nous avons des preuves de ce mystère sacré, des preuves intérieures de ce sens qui imprègne toute chose: cette preuve est le l’architecture du grand tout. Car l’attraction des pôles, la rotation des planète, le Ciel infini, l’infiniment petit et l’infiment grand, ou plus simplement encore, la perfection d’un visage à la fois symétrique et asymétrique: tout cela nous prouve, hors de tout doute, que nous faisons partie d’un ordre plus grand que nous, qui est très organisé, et qui fait sens de façon totale et intrinsèque, et celà est source d’une grande extase. Le fait de faire partie de cet ordre des choses, de ce sens qui imprègne toute chose –et cela est très loin d’être inventé!- là est le véritable bonheur, et cela est la communion avec la Totalité; cette Totalité qui est souvent appelée Dieu ou Divinité ou quantité d’autres noms à laquelle nous pouvons choisir de ne pas croire, mais jamais en connaissance de cause, et toujours pour une raison qui demeure pour nous-mêmes du moins cachée en partie. Car à moins de mettre sa tête sous l’eau, nous ne voyons jamais que la partie sortie de l’iceberg.
*
Références :
[1] Dialogues avec l’ange, édition intégrale, Un document recueilli par Gitta Mallasz (1990). France: Éditions Aubier, p. 379-380
[2] tiré du Rig-Veda, verset 2, tiré du livre d’Alexandre Astier (2011). l’Hindouisme. Paris: Eyrolles, p. 58,
[3] La Genèse, Bible Tob (1988). Corée: Société biblique canadienne, 1: 1-3, p. 23
[4] Alexandre Astier (2011). l’Hindouisme. Paris: Eyrolles, p. 58
[5] Roy Willis (2006). Mythologies du monde. Thailande: Taschen, p. 18
[6] Roy Willis (2006). Mythologies du monde. Thailande: Taschen, p. 90.
[7] Alexandre Astier (2011). l’Hindouisme. Paris: Eyrolles, p.58
[8] La Genèse, 1: 3, Bible Tob (1988). Corée: Société biblique canadienne, p. 23
[9] Évangile de Jean, 1 :1, Bible Tob (1988). Corée: Société biblique canadienne,
-
1554
[10] Marianne Barrucand et Achim Bednorz (2002). Architecture Maure en Andalousie. Cologne : Taschen, p. 22
[11] Alexandre Astier (2011). l’Hindouisme. Paris: Eyrolles, p.38
[12] Roy Willis (2006). Mythologies du monde. Thailande: Taschen, p.19
[13] Roy Willis (2006). Mythologies du monde. Thailande: Taschen, p.67
[14] Maître Eckart (1979). Sermon 71, In Sermons, Vol. 3, Trad. J. Ancelet-Hustache, Éditions du Seuil, tiré de Collectif (2012, janvier-février). Le point –références: Les grandes mystiques: les textes fondamentaux, p. 49
[15] Alexandre Astier (2011). l’Hindouisme. Paris: Eyrolles, pp.58-59, 105
[16] Alexandre Astier (2011). l’Hindouisme. Paris: Eyrolles, p.46
[17] Alexandre Astier (2011). l’Hindouisme. Paris: Eyrolles, p. 46,
[18] Les Upanishads, commentaires par Alistair Shearer et Peter Russell, Traduction de l’anglais de Gilles Farcet (1991). Paris: Éditions A.L.T.E.S.S., p.23
[19] Sogyal Rinpoché (1993). Le livre tibétain de la vie et de la mort. Paris: Les Éditions de la table ronde, p. 79
[20] Lao Tseu (2007). Tao-tö king. Espagne: Gallimard, Collection Folio, p.61
[21] Rûmî (1982). Le livre du dedans. France: Actes Sud, p.56
[22] Jean de la Croix (1864). La montée du Carmel, I, 2, IN Oeuvres spirituelles, Ruffet, tiré de Collectif (2012, janvier-février). Le point –références: Les grandes mystiques: les textes fondamentaux, p. 65
[23] Maître Eckart (2011). Les traités et le poème. France: Éditions Albin Michel, p.178-179
[24] Charles R. Monroe (1995), World Religions – An Introduction. United States: Prometheus Books, p. 113
[25] Geoffrey Parrinder (1971). World Religions – From Ancient History to the Present. New York: The Hamlyn Publishing Group Limited, p. 275
[26] Yves Thieffry (1976). Les secrets de l’astrologie du Yi King. Paris: Les éditions Elsevier Séquoia, p. 48
[27] Al-Ansari Al-Harawi, tiré de Eknath Easwaran (1997). Les grandes textes spirituels du monde entier. Canada: Éditions Fidès, p. 81
[28] Rûmî (1982). Le livre du dedans. France: Actes Sud, p. 151
[29] Lao Tseu (2007). Tao-tö king. Espagne: Gallimard, Collection Folio, p.83
[30] Genèse, ou Entête, Bible Chouraqui en ligne, chapitre 1, 1-3, tirée de l’adresse http://nachouraqui.tripod.com/id91.htm à la date du 5 novembre 2013.
[31] Hans Küng, traduit de l’allemand par Joseph Feisthauer (1995). Le Judaïsme. Paris: Éditions du Seuil, p.36.
[32] Hans Küng, traduit de l’allemand par Joseph Feisthauer (1995). Le Judaïsme. Paris: Éditions du Seuil, p.61
[33] Jean-Noël Robert (2002). Rome. Paris: Éditions Les belles lettres,Rome, p.165
[34] Joël H. Grisward, tiré de Georges Dumézil (2002). Mythe et épopée I. II. III. Paris: Éditions Gallimard, p.9-10
[35] Joël H. Grisward, tiré de Georges Dumézil (2002). Mythe et épopée I. II. III. Paris: Éditions Gallimard,, p. 10
[36] Hugh Bowden (2010). Mystery Cults of the Ancient World. Princeton: Princeton University Press, p.84-85
[37] Geoffrey Parrinder (1971). World Religions – From Ancient History to the Present. New York: The Hamlyn Publishing Group Limited, p. 33-34
[38] Hugh Bowden (2010). Mystery Cults of the Ancient World. Princeton: Princeton University Press, p.95.
[39] Léonard de Vinci (2007). Prophéties. Barcelone : Gallimard, p. 78
[40] Évangile de Matthieu, Bible de Jérusalem en ligne, 17: 10-14, tirée de l’adresse http://bibleos.free.fr/php/lecture.php5 à la date du 5 novembre 2013.
[41] Sogyal Rinpoché (1993). Le livre tibétain de la vie et de la mort. Paris: Les Éditions de la table ronde, 574 p.
[42] Bagavad-Gitâ, tiré de Eknath Easwaran (1997). Les grandes textes spirituels du monde entier. Canada: Éditions Fidès, p. 117
[43] Jean Prieur (1997) Toi, le seul vrai Dieu –brève histoire du monothéisme. Chambéry: Éditions Exergue, p.114
[44] Évangile de Matthieu, Bible Tob (1988). Corée: Société biblique canadienne, 5:9, p. 1437
[45] Évantile de Matthieu, Bible Tob (1988). Corée: Société biblique canadienne, 5 :43-46p. 1439
[46] Charles R. Monroe (1995), World Religions – An Introduction. United States: Prometheus Books, p. 169
[47] Évangile de Jean (VIII: 40), tiré de Jean Prieur (1997) Toi, le seul vrai Dieu –brève histoire du monothéisme. Chambéry: Éditions Exergue, p. 178.
[48] Lucien Jerphagnon (1989). Histoire de la pensée –Antiquité et moyen-âge. Saint-Amand-Montrond: Éditions Tallandier, p. 65-66
[49] Roy Willis (2006). Mythologies du monde. Thailande: Taschen, p. 170
[50] Les deux autres fleuves réfèrent probablement, d’une part, le Pishôn, à un fleuve égyptien (le Pishôn est en Hawila, qui d’après la Genèse 25. 18 (Tob), constituerait une région proche de l’Égypte); le dernier fleuve, le Guihôn se trouvant au pays de Koush, désignant habituellement la Nubie ou l’Éthiopie, les Coptes égyptiens et éthiopiens référant au fleuve Nil sous le nom de «Geion» (David (1998). Legend –The Genesis of Civilisation. London: Century, p.46-47) *À noter seul ce détail de recherche est puisé dans ce livre, car les thèses de M. Rohl ne correspondent pas du tout aux miennes). Il ne serait donc pas fou d’associer, du moins le Guihôn au Nil, qui prend sa source en Éthiopie et et comme nous le savons tous, continue vers l’Égypte, en quelque sorte le «deuxième» berceau de la civilisation, l’Éthiopie étant celui de l’humanité entière, car s’y trouve en partie le Rift, et constitue donc le véritable paradis terrestre dans l’aventure humaine.
[51] Veronica Ions (1968). Indian Mythology. Verona: The Hamlyn Publishing Group Limited, p.24
[52] Stephanie Dalley (2008). Myths from Mesopotamia –Creation, the Flood, Gilgamesh, and Others. New York: Oxford University Press, p.1-8
[53] Hans Küng, traduit de l’allemand par Joseph Feisthauer (1995). Le Judaïsme. Paris: Éditions du Seuil, p.27-31
[54] Emmanuel Anati (1999). La religion des origines. Paris: Bayard Éditions, p. 31
[55] Stephanie Dalley (2008). Myths from Mesopotamia –Creation, the Flood, Gilgamesh, and Others. New York: Oxford University Press, p.4
[56] Stephanie Dalley (2008). Myths from Mesopotamia –Creation, the Flood, Gilgamesh, and Others. New York: Oxford University Press, p.1
[57] Hans Küng, traduit de l’allemand par Joseph Feisthauer (1995). Le Judaïsme. Paris: Éditions du Seuil, p. 27
[58] Emmanuel Anati (1999). La religion des origines. Paris: Bayard Éditions, p. 90.
[59] Stephanie Dalley (2008). Myths from Mesopotamia –Creation, the Flood, Gilgamesh, and Others. New York: Oxford University Press, p.1-8.
[60] Roy Willis (2006). Mythologies du monde. Thailande: Taschen, p.26
[61] Emmanuel Anati (1999). La religion des origines. Paris: Bayard Éditions, p.164
[62] Emmanuel Anati (1999). La religion des origines. Paris: Bayard Éditions, p.30
[63] Roy Willis (2006). Mythologies du monde. Thailande: Taschen, p. 280
[64] Emmanuel Anati (1999). La religion des origines. Paris: Bayard Éditions, p. 30
[65] Jacques Brosse (1998). Les maîtres spirituels de l’humanité. Paris: Larousse,
-
14-15.
[66] Odon Vallet (1999). Le Dieu du Croissant fertile, Une autre histoire des religions II, Italie: Gallimard, p.4
[67] Jean Prieur (1997) Toi, le seul vrai Dieu –brève histoire du monothéisme. Chambéry: Éditions Exergue, p. 75-100
[68] Lao Tseu (2007). Tao-tö king. Espagne: Gallimard, Collection Folio, p.105
[69] Évangile de Luc, 14, 8-11, Bible Chouraqui en ligne, tirée à la date du
5 novembre 2013.
[70] Lao Tseu (2007). Tao-tö king. Espagne: Gallimard, Collection Folio, p. 36
[71] Lao Tseu (2007). Tao-tö king. Espagne: Gallimard, Collection Folio, p.62
[72] Évangile de Mathieu, Bible Chouraqui en ligne, 13:18-23, tirée à la date du 5 novembre 2013.
[73] Lao Tseu (2007). Tao-tö king. Espagne: Gallimard, Collection Folio, p. 62
[74] Évangile de Matthieu, Bible de Jérusalem en ligne, 7:13-14, tirée à la date du 5 novembre 2013.
[75] Katha Upanishad, tiré du livre Les Upanishads, commentaires par Alistair Shearer et Peter Russell, Traduction de l’anglais de Gilles Farcet (1991). Paris: Éditions A.L.T.E.S.S., p.94
[76] Yves Thieffry (1976). Les secrets de l’astrologie du Yi King. Paris: Les éditions Elsevier Séquoia,, p. 66
[77] Jean Prieur (1997) Toi, le seul vrai Dieu –brève histoire du monothéisme. Chambéry: Éditions Exergue, p. 129
[78] Rûmî. textes choisis et présentés par Leili Anvar, La religion de l’amour. France: Éditions Points, LAI, n. 1377, p. 45
[79] Lao Tseu (2007). Tao-tö king. Espagne: Gallimard, Collection Folio, p.63
[80] Lao Tseu (2007). Tao-tö king. Espagne: Gallimard, Collection Folio, p.39
[81] La Genèse, 1:1-3, Bible Tob (1988). Corée: Société biblique canadienne, p. 23
[82] Lao Tseu (2007). Tao-tö king. Espagne: Gallimard, Collection Folio, p. 35
[83] Le Coran (1995). trad. Denise Masson, 2 tômes, Galllimard, Sourate II:177
[84] Anne-Marie Eddé et Françoise Micheau (2002). L’Orient au temps des croisades. Paris: Flammarion, p. 7
[85] Marianne Barrucand et Achim Bednorz (2002). Architecture Maure en Andalousie. Cologne : Taschen, p. 181
[86] Seyyed Hossein Nasr (2003). Islam –Religion, History and Civilization. New York: HarperCollins Publishers, p. xxi-xxii
[87] Catherine Golliau, (2005). L’Islam –Avicenne, Averroès, Al-Ghazâlî, Ibn Khaldoun... Les textes fondamentaux commentés. Paris: Éditions Tallandier. p. 6
[88] Amin Maalouf (2002). Les croisades vues par les Arabes –La barbarie franque en Terre sainte. Paris: Éditions J’ai lu, pp. 8-9, 241-242, 196
[89] Amin Maalouf (2002). Les croisades vues par les Arabes –La barbarie franque en Terre sainte. Paris: Éditions J’ai lu, p. 56
[90] Amin Maalouf (2002). Les croisades vues par les Arabes –La barbarie franque en Terre sainte. Paris: Éditions J’ai lu, p. 225
[91] Albert Samuel (1996). Les religions aujourd’hui. Lyon: Les Éditions Chronique sociale, p. 111
[92] Albert Samuel (1996). Les religions aujourd’hui. Lyon: Les Éditions Chronique sociale, p.108
[93] Matyah (Matthieu), Bible Chouraqui en ligne, 5 :39
[94] Le Coran (I et II), traduction de Denise Masson (1998). Saint-Amand: Galllimard, Sourate II:177
[95] Oleg Grabar (2000), traduction d’Yves Thoraval. La formation de l’art islamique. Paris: Flammarion, p. 220
[96] Le Coran (I et II), traduction de Denise Masson (1998). Saint-Amand: Galllimard, Sourate XLVII: Muhammad, 15, p. 630
[97] Daniel de Smet, tiré de Catherine Golliau (2005). L’Islam –Avicenne, Averroès, Al-Ghazâlî, Ibn Khaldoun... Les textes fondamentaux commentés. Paris: Éditions Tallandier, p.92
[98] Genèse, 1:27, Bible Tob (1988). Corée: Société biblique canadienne, p. 24
[99] Islam, p. 31
[100] Ibn ‘Arabï, Les Chatons de la sagesse, tiré de Catherine Golliau (2005). L’Islam –Avicenne, Averroès, Al-Ghazâlî, Ibn Khaldoun... Les textes fondamentaux commentés. Paris: Éditions Tallandier, p. 81
[101] Ghazâlî, Revivification des sciences de la religion, I, 22-23, tiré de Catherine Golliau (2005). L’Islam –Avicenne, Averroès, Al-Ghazâlî, Ibn Khaldoun... Les textes fondamentaux commentés. Paris: Éditions Tallandier, p. 79
[102] Averroès, Discours décisif, traduction originale de Pierre Vallat, tiré de Catherine Golliau (2005). L’Islam –Avicenne, Averroès, Al-Ghazâlî, Ibn Khaldoun... Les textes fondamentaux commentés. Paris: Éditions Tallandier, p. 67
[103] Philippe Vallat, tiré de Catherine Golliau (2005). L’Islam –Avicenne, Averroès, Al-Ghazâlî, Ibn Khaldoun... Les textes fondamentaux commentés. Paris: Éditions Tallandier, p. 62
[104] Éric Geoffroy, tiré de tiré de Catherine Golliau (2005). L’Islam –Avicenne, Averroès, Al-Ghazâlî, Ibn Khaldoun... Les textes fondamentaux commentés. Paris: Éditions Tallandier, p. 80
[105] Albert Samuel (1996). Les religions aujourd’hui. Lyon: Les Éditions Chronique sociale, p.43
[106] Albert Samuel (1996). Les religions aujourd’hui. Lyon: Les Éditions Chronique sociale, p.43
[107] Roy Willis (2006). Mythologies du monde. Thailande: Taschen, p. 24
[108] Roy Willis (2006). Mythologies du monde. Thailande: Taschen, p. 257
[109] Geoffrey Parrinder (1971). World Religions – From Ancient History to the Present. New York: The Hamlyn Publishing Group Limited, p. 62
[110] Albert Samuel (1996). Les religions aujourd’hui. Lyon: Les Éditions Chronique sociale, p.43- 46
[111] Albert Samuel (1996). Les religions aujourd’hui. Lyon: Les Éditions Chronique sociale, p.57
[112] Joseph Campbell (1976). The Masks of God: Occidental Mythology. Virginia: Penguin Books, p.10
[113] Roy Willis (2006). Mythologies du monde. Thailande: Taschen, p. 38
[114] Roy Willis (2006). Mythologies du monde. Thailande: Taschen, p. 269
[115] Roy Willis (2006). Mythologies du monde. Thailande: Taschen, p. 266
[116] Achiel Peelman, tiré de Jacques Languirand et Jean Proulx (2009). L’Héritage spirituel amérindien. Montréal: Le Jour Éditeur, p. 49
[117] Geoffrey Parrinder (1971). World Religions – From Ancient History to the Present. New York: The Hamlyn Publishing Group Limited, p. 49-53
[118] Albert Samuel (1996). Les religions aujourd’hui. Lyon: Les Éditions Chronique sociale, p.51-54
[119] Albert Samuel (1996). Les religions aujourd’hui. Lyon: Les Éditions Chronique sociale, p. 52-57.
[120] Albert Samuel (1996). Les religions aujourd’hui. Lyon: Les Éditions Chronique sociale, p.65
[121] François D’Assise, tiré de Collectif (2012, janvier-février). Le point –références: Les grandes mystiques: les textes fondamentaux, 130 p.
[122] Mokudô Taisen Deshimaru, tiré de Évelyne de Smedt et Catherine Mollet (2004). Les patriarches du Zen –Une anthologie. Quercy: Les Éditions du Relié, p.51
[123] Katha Upanishad, tiré de Eknath Easwaran (1997). Les grandes textes spirituels du monde entier. Canada: Éditions Fidès, p. 61
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Partie III:
Mythes et concepts des religions
«...toutes les religions des quarante derniers millénaires proviennent d’une même et unique matrice primitive que, précisément, l’on qualifiera de «religion des origines».
Il y a des traces antérieures à l’Homo sapiens, de croyances, de comportements ritualistes et même de culte des morts. Ce furent les prémices de cette faculté d’articuler des concepts élaborés, de cette «conceptualité» complexe de l’Homo sapiens, qui prit forme il y a plus de 40 000 ans. Depuis ses débuts, l’Homo sapiens a en effet développé un ensemble de capacités intellectuelles très particulières et n’appartenant qu’à lui. Les trois facteurs fondamentaux que nous parvenons aujourd’hui à identifier sont la création de l’art visuel, le développement d’un langage articulé et la structuration d’une religion, avec des archétypes et des paradigmes qui se répètent depuis dans toutes les religions[1].»
Emmanuel Anati
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Le détachement et la dépossession
«La plupart des hommes courent de désir en désir dans une perpétuelle insatisfaction et n’en tirent que souffrance. Prisonnier de ses illusions et de son attachement excessif à l’ego et aux choses matérielles, l’être humain ère dans l’océan de la vie et de la mort. Fonder son bonheur sur un objet extérieur n’apporte pas le véritable bonheur. L’ego veut pour lui-même, pour grandir, sans réaliser que donner est plus important que prendre.
Avoir peu de désirs évite donc bien des souffrances. Toutefois, il ne s’agit pas d’annihiler tout désir mais de savoir les observer et les sublimer, de ne plus y être attaché afin de parvenir à la vraie liberté. Un homme qui connaît cette liberté ne peut être attaqué par personne ni perturbé ou influencé par quoi que ce soit, car il suit naturellement l’ordre cosmique[2].»
Évelyne de Smedt, Catherine Mollet
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Au cours d’un voyage en Tunisie, une chose me marqua profondément dans la façon que certaines personnes nous souhaitaient la bienvenue; ils nous disaient amicalement, d’une façon toute fraternelle: «Soyez les bienvenus! Cette terre est à vous! Elle appartient à tout le monde!». La raison que cette phrase me surprit est le contraste qu’il y avait entre la générosité toute naturelle de me souhaiter la bienvenue (et d’offrir, du moins en promesse orale, ce qu’on a tendance à vouloir garder collectivement, soit la terre nationale) et le fait que la Tunisie est un des pays qui a été le plus conquis à travers son histoire (elle fut conquise d’abord par les Phéniciens, puis par les Romains, les Vandales, les Byzantins, les Arabes, l’Espagne de Charles Quint, l’Empire Ottoman, puis finalement par la France).
Il y a dans cet exemple une leçon profonde de détachement et de dépossession -même si il ne s’agit que le détachement du concept de territoire. En fait, beaucoup de traditions religieuses nous disent que rien de la matière n’est à nous en soi, mais que tout en revanche est à Dieu. Nous sommes constitués de cellules du monde, d’un corps, mais «rien de ce qui nous constitue nous appartient en propre: ce sont des éléments de l’univers qui s’assemblent un certain temps tout en se transformant sans cesse[3]» et qui sont venus à se constituer pour faire une Terre, un objet, un corps. Le désir des choses matérielles constitue surtout des attachements, qui peuvent se faire lourds dans l’escalier de la vie, et trop gros pour passer par le trou de l’aiguille de l’Au-Delà. C’est pour cette raison que Jésus dit ces mots:
«Heureux les pauvres de coeur:
le royaume des cieux est à eux[4]».
Les riches ne peuvent pas entrer au Royaume, tout simplement car il convient de se détacher des choses terrestres pour passer par le chemin étroit, qui est le trou de l’aiguille. Or, rien de ce qui est matériel ne pourra nous suivre dans la tombe, alors pourquoi ne pas simplement nous en détacher maintenant, car de toute façon, nous aurons à le faire à notre mort? Ce n’est pourtant que par ce détachement que la liberté, la vraie, qui est fait par l’amour parfait, peut être atteinte.
Si on regarde les conflits entre Palestiniens et Israéliens ou encore les colonisations modernes, cette lutte et désir de possession du monde, de territoires et de ses ressources matérielles, n’a qu’une raison matérielle, et jamais spirituelle, même s’il s’agit de la notion de «Terre promise» qui est souvent en jeu. Le mythe de la Terre promise est un élément important de l’histoire humaine et de la psychée, qui nous garde malheureusement attachés à la Terre. Car la Grande Diaspora n’est pas seulement un phénomène impliquant le peuple Juif. En réalité, le mythe de l’Exode et du retour à la Terre promise, idéalisée, est un phénomène, devenu un mythe, qui touche toute la famille humaine. Car le véritable exode, et la véritable Diaspora a eu lieu il y a de cela 50 000 ans, alors que l’Homo Sapiens a émigré de son lieu de naissance, soit la région du Rift en Afrique, pour peupler, progressivement l’Europe, le Moyen-Orient, l’Asie, les Amériques, jusqu’aux conquêtes très récentes des colonisations au Nouveau Monde et le peuplement de pratiquement toutes les îles terrestres[5]. Or le mythe de la Terre promise est un mythe que nous vivons encore aujourd’hui de façon très profonde.
Or, si nous avons conquis la Terre, il faut aussi savoir la rendre car elle ne nous est pas donnée; elle ne nous est que prêtée. Cela, les peuples primitifs et nomades le savaient mais non nos nations modernes occidentales. Mieux vaut pourtant écouter Pieds nus sur la terre sacrée, un Amérindien, qui nous dit, même si ce qu’il pourrait considérer comme son propre territoire a été occupé, envahi, volé par les Blancs: «Nous ne pouvons vendre notre terre. Elle fut placée ici par le Grand Esprit et nous ne pouvons la vendre parce qu’elle ne nous appartient pas... C’est nous qui lui appartenons[6]».
Il est donc indispensable, sur le chemin spirituel, d’abandonner nos terres respectives pour rejoindre la Véritable Terre promise, celle qui n’est pas composée d’humus et de roc, mais de Lumière et de Vérité. Alors, on peut dire, comme David:
«À Yahvé la terre et sa plénitude,
le monde et tout son peuplement[7]»
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Le paradis terrestre et le Samsâra
«DANS LE TEMPS, IL N’Y A PAS DE PLACE POUR L’HOMME.
IL Y EST DÉPLACÉ.
Un pas – le courant le happe-,
le courant du temps,
le courant dont le signe est l’eau.
Vous n’êtes pas des grenouilles, -
encore moins des poissons! (...)
Passé – présent – futur.
Tous les trois ne font qu’un seul fleuve.
Inséparablement de la matière fine.
Quelle différence entre regarder le fleuve
et être dedans![8]»
Dialogues avec l’ange
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Beaucoup de mythes anciens proviennent, comme il a été dit, sûrement d’une source commune, universelle, que nous avons peut-être tous partagée aux débuts. C’est le cas du mythe du déluge, comme nous l’avons vu, mais également des mythes des origines, comme de la Création, ou de l’Éden primordial, qui semble suggérer avec l’aide du symbole que tous les hommes viennent d’une même origine. Toujours est-il que les différents peuples et civilisations se sont fait une différente idée, avec le temps, des débuts, mais la réalité est que ces mythes que nous associons au paradis terrestre constituent seulement le temps où l’homme primitif, non encore pleinement formé, un peu dans l’état savoureux de son enfance, était en parfaite union avec la Nature, ainsi que l’ancêtre de l’homme aura été, même dans ses pulsions, en symbiose avec Dieu.
Dans la Grèce ancienne, il y a également un mythe concernant un jardin divin, celui du Jardin des Hespérides, où se serait trouvé un arbre, en fait un pommier donnant des pommes en or, gardées par un dragon ou un serpent enroulé au tronc de l’arbre. D’ailleurs, dans ce mythe, les Hespérides sont parfois associées au jardin d’Éden des origines de l’homme, l’Éthiopie, près de laquelle se trouve le Rift, car elles auraient peut-être vécu «dans deux îles près du promontoire appelé Cap Occidental qui se trouve près des Hespéries éthiopiennes, aux frontières de l’Afrique[9]».
Ceci dit, les mythes judéo-chrétiens qui parlent de l’Arbre de Connaissance, au paradis terrestre, d’où l’homme -et la femme- auraient supposément mangé le fruit sacré, viennent du Moyen-Orient, et d’abord et peut-être de la Mésopotamie, mais des mythes semblables se retrouvent également dans d’autres traditions religieuses. Or, le Serpent, que l’on retrouve dans le mythe d’Adam et Ève, est une divinité moyen-orientale qui a été vénérée au Levant 7 000 ans avant le mythe de la Genèse. Le serpent, aurait été une divinité représentant le «Seigneur de l’Arbre de Vérité», comme d’ailleurs il est inscrit, ainsi que deux vipères enroulées ensemble à la manière du caducée d’Hermès (représentant la renaissance et la connaissance mystique) sur un vase datant de 2025 av. J.C., dans le Louvre[10]. Le serpent, animal qui perd sa peau et la regénère, a donc depuis longtemps été associé au phénomène de la renaissance[11] et pouvait même être un symbole positif pour les premiers Chrétiens.
Pourtant, le serpent, qui peut être mis en parallèle avec l’Ourobouros ou l’idée du Samsâra bouddhiste, qui est le cycle des réincarnations, représente pour les Chrétiens, les Juifs et les Musulmans d’aujourd’hui, le Diable. Mais n’oublions pas que le Diable est pour ces trois religions le prince de ce monde, et également le prince du mensonge, qui est en soi un peu la même chose que le Samsâra, car d’après le bouddhiste, le Samsâra représente justement le mensonge: l’illusion de ce monde et le cycle infernal du désir et de la souffrance dans lesquels nous sommes tous pris sur la Terre -étant loins de Dieu (Dieu ne se manifestant sur la Terre que subtilement, même s’Il le fait à travers toutes choses). Pour les Chrétiens, il s’agirait davantage du monde non divin, celui de la matière, que nous avons choisi par le désir de la pomme. Selon eux, la matière est donc en quelque sorte maudite depuis Adam; elle a été rachetée par Jésus, mais elle sera seulement pleinement de nouveau bénie au moment de la résurrection et de la descente du nouveau ciel et nouvelle terre providentielles.
Quoi qu’il en soit, il semble que dans plusieurs cultures religieuses, l’homme se soit trouvé ou se trouve encore dans un éloignement avec le Divin, ici-bas sur la Terre, ayant été projeté, depuis la proximité qu’il avait avec l’Éternel, dans le fleuve du temps qu’est la vie terrestre. Ce fleuve de la matière peut être illustré par l’idée du Samsâra, qui symbolise cette réalité illusoire du monde physique, cette cage du corps, ce dragon de la matière, représenté primitivement par un serpent se mordant la queue. Donc c’est un peu le règne de l’Enfer existentiel, car nous sommes pris dans le cycle des renaissances. Nous nous trouvons, de façon quotidienne, parmi la boue du mensonge et nous devons travailler pour arriver à la vérité cachée derrière l’illusion de la création.
Mais le serpent qui s’enroule au tronc de l’arbre pour former la dualité de la matière (ou les deux serpents enroulés ensemble), sont aussi ceux, l’un rouge (force active associée au feu, et parfois à la Force et au principe masculin), l’autre bleu (force passive associée à l’eau et parfois à la Création et au principe féminin), qui forment les filaments de l’ADN, donc qui sont profondément enracinés jusque dans nos gênes, eux mêmes liés à notre esprit. C’est ce serpent de la matière qui est enroulé à l’arbre de la connaissance du bien et du mal. C’est d’ailleurs de cette Réalité matérielle, ce grand Serpent du Fleuve du Temps lié à l’atome, que nous devons nous libérer pour rejoindre la véritable Réalité, contenue derrière le «voile», qui nous appelle à elle. Ceci est démontré par le caducée d’Hermès, également symbole de la médecine et qui nous conduit en ligne droite vers le haut -vers le véritable Arbre de l’Univers, l’Arbre de Vie, qui est le Royaume de la Lumière elle-même.
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Le karma ou le cycle des réincarnations
«Il y a des cieux dans le royaume de l’âme
qui gouvernent les cieux de ce monde[12]».
Sanâ’i
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Il est une vérité spirituelle, qui a déja été nommée: chaque effet a une cause. Cette cause est toujours d’ordre spirituel. Toute maladie, par exemple, vient de cette cause non matérielle. Ceci peut être démontré par le simple fait que chacune de nos actions dans la vie quotidienne a une cause intérieure, et donc, les maladies qui naissent de nos mauvaises habitudes viennent donc également d’états spirituels comme le manque, la volonté, etc. De toute façon, la matière n’est qu’un reflet de la véritable Réalité qu’elle cache. Chacune de nos actions a donc un sens, une cause et des répercussions. Ces répercussions sont ce que les bouddhistes appellent le karma, en soi la Loi de justice spirituelle qui régit le monde; l’énergie positive ou négative accumulée par nos actions. Or, il est tout à fait ironique de chercher à guérir matériellement ce qui est plus profond, car de toute façon, l’énergie du karma doit être un jour pleinement vécue.
Nous provenons donc tous de la même souche; toutes les créatures, nous sommes tous de la même essence. Récoltés de boue et insufflés de souffle, nous sommes de matière divine. Nous sommes en fait une partie de Dieu et notre quête est d’évoluer vers notre nature parfaite, à travers un cycle incessant de mort et de renaissance, jusqu’à ce que nous nous libérions du cycle des existences pour rejoindre l’Unique ou la Lumière. Ainsi que le dit Jacques Brosse, parlant de la philosophie de Pythagore, qui fit école par l’intermédiaire de Platon:
«Le salut ne peut consister que dans le détachement des liens créés par les incarnarnations successives qui ont livré l’âme à la corruption, grâce à une conversion radicale à l’incorruptible divin[13].»
Or, la loi karmique, qui constitue l’effet de nos actions, sur nous-mêmes en premier mais en fait, sur Tout, nous donne une grande responsabilité. Nous pouvons en réalité profondément changer le monde, et nous portons tous le monde sur notre dos, poids tout à fait insupportable. Tout celà car nous avons, bien sûr, dans l’absolu, la responsabilité d’aimer, de sauver chaque être vivant de la souffrance et du mal. Mais ce poids, cette responsabilité, qui semble presque être une malédiction, surtout si elle n’est pas assumée, est aussi une bénédiction, car c’est elle qui nous donne notre nature divine. Car nous sommes plus grands que nous voulons le penser. Et dans notre nature profonde et fondamentale, nous sommes tous parfaits.
Nous pouvons penser qu’il n’y a qu’une Terre, mais l’espace est infini, de même que la Réalité, ce qui veut dire que dans l’infini, il ne PEUT y avoir qu’une infinitié de mondes possibles, de même qu’une infinité de dimensions, même si nous n’en connaissons qu’une dans le premier cas et que quelques unes dans le deuxième. Ainsi, dans le cycle des réincarnations, nous passons du minéral à l’ange[14], car le mal est simplement « LE BIEN EN FORMATION[15]»:
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Le voile sur les choses
«Dans notre façon de concevoir l’univers, il est un endroit, que nous appelons le monde de la forme idéale ou Ungawi, où se trouve tout ce qui existe, tout ce que nous connaissons, dans une forme lumineuse parfaite. Le monde physique est le reflet de ce lieu, un peu comme une image dans un miroir[16]».
Aigle Bleu
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Inutile de dire, ce qui aura été répété à travers cet essai, que le monde spirituel (Divin) et le monde matériel sont séparés par un voile, un écran, une frontière poreuse -ainsi qu’une cellule entre deux mondes. La réalité matérielle n’est donc qu’un reflet de la véritable Réalité, qui est la Vérité cachée par le voile. Cette croyance est partagée par de nombreuses religions ou cultures religieuses, telles que le bouddhisme, car «le voile des illusions» empêche l’homme«de voir le véritable aspect des phénomènes qu’il rencontre. Son esprit est alors dissocié de la vraie lumière et se pose en dualité par rapport à l’ordre de l’univers[17]»
Dans la tradition hindouiste, on appelle ce voile sur les choses Mayâ, l’illusion de toute chose, soit «par quoi Dieu se manifeste, mais qui est aussi le voile magnifique qui le dissimule[18]». D’ailleurs, les Hindous, qui mettent de l’avant l’idée de trois mondes, le Ciel, la Terre, et l’air ou l’espace entre les deux, met peut-être l’emphase sur cette séparation spirituelle entre ces lieux symboliques que nous appelons «Le Ciel», et la «Terre», ou le Paradis et notre monde terrestre.
Cette idée est également mise de l’avant par l’allégorie de la caverne de Platon, symbolique du corps physique et de la matière, dans laquelle nous sommes enchaînés, ne pouvant voir que « les ombres du réel. Seul celui qui parvient à se libérer de ses liens peut sortir de la caverne afin de contempler les choses en leur vérité, ainsi que le soleil qui les éclaire[19]». Cette idée que Dieu ou la Vérité est caché par les choses de ce monde est également présente dans le soufisme, en particulier dans la pensée de Rûmî, et répété dans de nombreux poèmes, car «Dieu, «ce trésor caché qui voulut être connu» (Hadîth prophétique) (...) «ne peut se révéler que dans l’homme et se manifester que dans cette image de Lui-même», image qui pourtant «n’a au fond pas de réalité propre ni d’autonomie réelle (...).
Et elle est aussi ténue, dénuée de lumière propre, limitée et éphémère que l’ombre[20]».
Comme nous l’avons vu en introduction de ce chapitre, par la citation d’Aigle Bleu, ce concept est également présent dans la culture amérindienne, qui voit toute la création, comme un simple reflet physique d’un principe qui réside en fait dans le monde spirituel, donc un «reflet de la vérité intégrale, ou archétypale de cette chose[21]». De même, les Celtes connaissent ce voile qui repose sur les choses, et selon eux, pour accéder au monde de l’Au-delà, les voyageurs, qui sont les initiés «doivent traverser le voile des apparences qui recouvre la réalité quotidienne[22]» et qui peut prendre la forme d’une couche de brume, d’un portail devant une grotte, de la surface de l’eau derrière laquelle se cache un pays fantastique.
Il faut donc se rappeler que
«Les images dans le miroir sont une partie de nous-mêmes. Nous existons, donc il y a un reflet, mais ce reflet n’est pas notre nature profonde, originelle. Le reflet nous suit et n’existe que par interdépendance avec la forme. Il est nous, mais nous ne sommes pas seulemement lui. Il est simplement le reflet de notre karma, non pas de notre vraie nature, non pas le visage originel de la nature de Bouddha.» Pourtant, «le point de rencontre entre ce qui est temporel et éternel existe ici et maintenant[23].»
Or, par l’expérience mystique, mais aussi par la folie, qui permet une communication avec le monde de la Grande Réalité, que nous ne voyons pas habituellement dans la «normalité du quotidien», il est possible de voir derrière le voile, la Réalité cachée derrière les choses. Ce qui veut dire que la folie est en réalité le don de voir par delà la Réalité dite normale, vers le monde de l’au-delà, qui malheureusement, concentre aussi les démons et les esprits, qui représentent des projections mentales d’énergies négatives réelles, et peut chambarder tout notre équilibre spirituel, mental et social.
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L’Arbre de Vie ou de l’Éveil
Le symbole de l’Arbre de vie, à ne pas confondre avec l’Arbre de la Connaissance dans la culture judéo-chrétienne, est peut-être un de ces mythes communs à toute l’humanité, venant peut-être de la culture religieuse des origines et constituant des archétypes fondamentaux, car il existe depuis les débuts de l’histoire et il est présent dans pratiquement toutes les cultures religieuses. Nous pouvons le voir, des peuples Babyloniens ou Égyptiens aux Sassanides, Musulmans, Chrétiens, Juifs, jusqu’aux confins de la Terre. Il semble symboliser la Vie, dans son abondance, le principe de renaissance continue ou d’Éternité, ou encore l’Éveil divin.
Comme nous l’avons vu avec l’Arbre de la Connaissance, ou l’Arbre de la Vérité gardé par un serpent, l’Arbre de Vie est quant à lui représenté dans la culture mésopotamienne Syro-Hittite, par une colonne de deux filaments (ou deux serpents) enroulés, et tout au haut, un soleil, symbole représentant l’axis mundi, le centre du monde, et accompagné de l’image de quatre fleuves qui coulent aux quatre coins du monde[24]. Ceci nous rappelle d’ailleurs les quatre fleuves que l’on retrouve dans le Livre de la Genèse quand on parle du Jardin d’Éden. Mais l’arbre de vie, qui est un arbre gardé par les anges d’une épée tranchante, apparaît au début de la Genèse, comme l’arbre donnant l’immortalité[25]. Dans la Cabale, l’Arbre de vie revêt même une dimension cosmique, et concernant la Création du macrocosme (avec toutes les planètes et les entités angéliques) et le microcosme (l’Homme). Il est composé de dix «tourbillons de vie» que l’on nomme Séphirah et qui se trouvent parmi trois colonnes: celle de la Bonté, Celle de la Rigueur, et celle de l’Équilibre, toutes les Séphiras provenant de la Source de la Vie et de la Volonté, Kéther, la Couronne et premier des dix:
«L’arbre séphirotique de la Cabale, ou Arbre cabalistique de la Vie, est l’Arbre du Paradis. Cet arbre met en lumière le mystère de l’émanation de la vie et dans certaines gravures, les Sphères (tourbillons de vie ou Séphiras) apparaissent sous la forme de calices, d’où débordent les énergies primordiales, comme dans ces fontaines et jeux d’eaux de nos jardins, où l’eau qui émane du récipient le plus élevé, déborde pour remplir progressivement ceux qui se trouvent à des niveaux inférieurs[26].»
Cet Arbre de Vie peut-être associé, toujours dans la culture juive, à un ménorah, le chandelier à sept branches qui représente les sept différents esprits de Dieu -un ménorah géant se trouvant dans le Temple même de Jérusalem dans l’Antiquité. J’aimerais d’ailleurs noter que le chifffre sept, le chiffre même de la divinité et du cycle parfait, se retrouve dans beaucoup de mythes concernant l’Arbre de vie. D’ailleurs, dans la culture religieuse bouddhiste, l’Arbre de l’Éveil, la bodhi, est l’arbre sous lequel Bouddha a connu l’éveil ou l’illumination, après sept ans de privation, et quatre fois sept jours de méditation sous l’arbre, triomphant alors de la tentation du mal et devenant un Bouddha, un éveillé[27], puisque comprenant qu’il faisait partie de toutes choses. Au terme de son éveil, alors qu’une tempête commença à faire rage, un énorme roi serpent représentant la sagesse se serait enroulé autours de son corps sept fois, et le saluant comme «Celui qui est béni», et le protégeant pendant sept jours[28].
Dans les croyances hindoues, l’Arbre de Vie pourrait être représenté par le serpent de la Kundalini (la référence au serpent est-elle aléatoire?), qui encore une fois, nous amène à l’idée de tourbillons ou cercles de Vie ou à la notion d’Éveil. La kundalini se situerait le long de la colonne vertébrale et s’éveillerait pour harmoniser chacun des six chakras et conduire à l’éveil de la plus haute conscience du pratiquant, au «lotus» situé au haut de la tête[29] et que nous identifions au septième chakra.
Finalement, dans la religion chrétienne, l’Arbre de Vie est symbolisé par la Croix, aussi symbole de l’homme, la croix représentant la Vie et la Résurrection, mais aussi, dans sa forme, l’union des contraires: du haut et du bas et du gauche et du droit, ou en fait, le point central de toutes les directions. Le simple fait de prier est également une union du haut et du bas et du gauche et du bas, en unissant les mains opposées à la mi-corps. La Terre et le Ciel sont donc unis, de même que le bien et le mal, par le simple fait de prier. C’est ainsi que le Chrétien s’unit à Dieu ou à l’Arbre de Vie, en étant le pont entre les couples d’opposés et les énergies spirituelles, qui se trouvent réunis en Lui. La Croix est donc aussi un signe de Libération.
D’ailleurs, l’Arbre du Jardin des Hespérides, dans la culture grecque, que nous avons déja vu plus tôt, est l’arbre dont lequel Héraklès doit voler les pommes, dans son onzième travail, avant de vaincre la mort par son douzième (capturer le gardien des enfers Cerbère) et ainsi gagner le Ciel.
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La dualité de la matière ou le Diable
«Le second IsaÏe se demanda s’il n’existait pas quelque part dans l’infini un principe de haine et de désintégration, un Autre, un Anti-Dieu, comme le croyaient les Perses. Il posa la question à Yahve et s’attira cette réponse: «Moi, je suis l’Éternel, il n’y en a pas d’Autre. C’est Moi qui ai conçu la lumière et créé les ténèbres; qui forme le bonheur et qui crée le malheur! Oui, c’est moi l’Éternel, qui fais toutes ces choses. (XLV, 7)[30]»
Jean Prieur
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«Si on observe bien les variétés du monde, on constate qu’elles sont toutes au service de Dieu: le pécheur comme le juste, le rebelle comme le fidèle soumis à Dieu, le démon comme l’ange. Tel roi veut mettre ses pages à l’épreuve afin de distinguer celui qui est sûr de celui qui est douteux, le loyal du perfide, le fidèle du félon. Pour parvenir à cette fin, il faut un tentateur et un provocateur. (...) Aussi le tentateur rend-il service au roi et lui permet-il de discerner parmi ses proches ceux qui lui sont vraiment dévoués. Dieu a envoyé le vent afin de séparer le précaire du persistant: le vent pousse le moustique hors l’arbre, loin du jardin; le moustique s’en va, l’arbre demeure[31].
Rûmî
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Il est beaucoup plus facile de prendre que de donner, beaucoup plus facile de suivre ses instincts, de calmer ses pulsions que de les maîtriser, de faire son propre bien que de faire le bien des autres. Pourquoi? Car l’une, soit prendre, est l’instinct animal; l’autre instinct, soit donner, est l’instinct de lumière, l’instinct angélique, et donc l’instinct réellement et proprement humain, qui doit toutefois être gagné.
«Dès le VIème sièce avant notre ère, Théognis de Mégare écrivait: «le mal est facile, le bien demande beaucoup d’efforts». Et Bion de Boristhène: «La route des enfers est facile à suivre et l’on y va les yeux fermés[32]».
Bref, on a beaucoup parlé du Diable depuis deux millénaires et même avant. Or, loin d’être une véritable créature, Satan signifie en hébreux «adversaire». L’Adversaire est un concept, une force vivante, centrée sur la matière (d’où la ressemblance avec une bête, qui obéit surtout à ses instincts matériels plutôt qu’à la conscience) qui nous éprouve, et ainsi nous fait avancer. C’est également l’attachement et le désir de ce monde et il n’est mauvais qu’en ce sens où il nous garde attaché à des illusions. Car l’adversité est présente ici-bas et souvent, il faut passer par elle pour avancer. En labourant la terre, nous permettons le début d’une nouvelle création. S’il n’y avait pas d’adversité, il n’y aurait aucune façon de se perfectionner, de passer de quelque chose de brut jusqu’à quelque chose de poli et de lisse. Ainsi, le mal fait donc partie de la perfection de la vie et sert à nous élever, à nous faire évoluer dans quelque chose de meilleur encore.
Mais lorsque nous souffrons, nous nous posons des questions sur l’utilité réelle de celle-ci, car elle semble toujours incroyablement injuste. Dans la souffrance, comme nous sommes concentrés sur notre ego, nous ne voyons plus les choses dans leur ensemble; nous nous apitoyons alors sur notre sort. Ce n’est pourtant que l’ego qui cause la souffrance et le cycle des désirs dans lequel il est pris, raison pour laquelle pour se rapprocher de l’Unité, il convient de se défaire, lentement, progressivement de l’ego: s’abandonner au flot des choses plutôt que s’agripper à soi-même, à ses besoins et à sa petite sécurité, à ses dogmes et ses croyances. Il s’agit plutôt d’accepter que tout est périssable et que nous faisons partie de ce cycle d’impermanence, qui est pourtant éternel. La véritable gloire est la mort de soi-même. Et c’est en mourant à soi-même qu’on naît véritablement au monde:
«Devant Dieu, deux «Moi» n’ont pas de place. Tu dis «Moi» et Il dit «Moi»; ou bien meurs, toi devant Lui, ou bien c’est lui qui mourra devant toi, afin que toute dualité disparaisse[33].»
Ainsi, notre conscience a une double nature, nous pouvons constamment, ayant voulu connaître le bien et le mal, en faire l’expérience, de choisir, donc, entre le bien et le mal. Le Manuel de Discipline des Esséniens dit que «Dieu plaça auprès de l’homme deux esprits, l’esprit de vérité et l’esprit d’erreur[34].» (...) On est donc, soit fils de Lumière, si on écoute la voix intérieure d’en haut, soit un fils des Tènèbres, si on écoute notre intérieure d’en bas. La vocation et la quête de l’homme est de remporter, non seulement en tant qu’individu mais en tant que collectivité, cette guerre contre les Ténèbres qui se cachent dans la matière et dans l’esprit. Nous pouvons donc, soit suivre la voie difficile, qui est en fait de faire le Bien et de revenir ainsi vers Dieu, soit faire le mal et se diriger plutôt vers l’instinct (et conséquemment, le désir), et donc rester dans le cycle des réincarnation et de la souffrance. Mais la plupart d’entre nous faisons les deux à la fois, faisant un peu du surplace dans le Samsâra. En fait, faire le bien constitue un peu marcher sur le fil du rasoir, afin de passer par le trou de l’aiguille; car le Ciel n’est pas donné facilement; bien au contraire. En réalité, seul celui qui se libère de tout, y compris son propre corps et de ses propres désirs, même celui, suprême, de s’unir à la Totalité, devra faire l’expérience de la communion suprême:
«Sois enivré d’amour, car l’amour est tout ce qui existe;
Sans amour, nul n’a le droit d’entrer chez le Bien-Aimé.
Ils disent: «Qu’est-ce que l’amour»? Réponds: «Le renoncement à la volonté propre».
Celui qui n’a pas renoncé à sa volonté n’est pas élu.
L’amoureux est un monarque, les deux mondes sont à ses pieds;
Le roi ne fait pas attention à ce que l’on jette devant ses pas.
C’est l’amour et l’amoureux qui vivent éternellement[35]».
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L’idée de la Trinité
ou le pont hors de la Dualité
«Il n’y a pas d’obscurité sans lumière,
Ne voyez pas que l’obscurité,
Dans la lumière existe l’obscur,
Ne voyez pas que la lumière.
Lumière et ténèbres paraissent opposées,
En fait, elles dépendent l’une de l’autre,
Comme un pas en avant et un pas en arrière[36].»
Sekitô Kisen
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Le Un est l’âme des choses. La Dualité (Le Diable ou Adversaire) est le deux. La Trinité, bien sûr, est le pont qui unit les contraires à travers une plus grande Unité. L’exemple du yin-yang, encore une fois, est un bon exemple: le yin et le yang constituent les contraires. On peut dire, de façon non aléatoire, que le bien représente le 1 (l’Unité), et que le mal représente le 2 (la dualité). Le 3, qui procède par un retour à l’Unité, est l’ensemble de ces deux choses, c’est le symbole pris dans son ensemble, comme Unité plus grande que la dualité, la dualité elle-même étant en réalité une chose qui n’existe que subjectivement, donc qui est une illusion.
Également, l’exemple du triangle permet de comprendre encore davantage, car le triangle a trois points. Le triangle, a donc deux points au sol (dualité de la matière) et le troisième point ascende vers le ciel. Ainsi que le disent les bouddhistes, nous sommes tous en enfer, c’est à dire dans un cycle de désir et de souffrance (le Samsâra), car l’ego est pris dans la dualité de la matière. Le moteur de ce cycle incessant est justement l’ego, qui croit dans les illusions du monde et désire, d’où la souffrance. C’est par le détachement de l’ego, la transcendance de la dualité que l’on arrive à se fondre dans l’Unité. En autres mots, c’est en comprenant la dualité des contraires, du bien et du mal, comme en soi faisant partie elle-même de l’Unité, que l’on réussit à les transcender par cette trinité: car le bien et le mal constituent un bien plus grand, qui est l’Âme du monde.
Ainsi, pour l’âme des choses, il n’y a pas de bien et de mal, tout n’est qu’Amour ou son absence, car la haine, l’horreur et la violence ne sont-elles pas au fond simplement manque profond d’amour? Mais dans la réalité, le bien et le mal constituent seulement des perceptions humaines. Il ne s’agit en fait que des parties du même Tout; il n’y a en réalité aucune dualité, sauf dans l’esprit, et le mal sert en réalité le bien au bout du compte. Alors il n’y a donc en fait que le Bien, qui est même dans la souffrance et contenue dans les choses les plus horribles, qui, qu’on le veuille ou non, finissent par créer une situation meilleure éventuellement d’une manière ou d’une autre. Les plus belles fleurs croissent dans le fumier.
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L’enfer, le purgatoire, le paradis
«La volonté est ce qui a toute-puissance, elle fait le ciel et elle fait l’enfer: car il n’y a d’autre enfer que là où la volonté de la créature est détournée de Dieu, ni d’autre ciel que là où la volonté de la créature oeuvre avec Dieu[37]».
William Law
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Dante nous parle de l’enfer constitué de cercles pavés de feu et de glace, comme pour l’enfer shintoïste, où les hommes souffrent, étant loin de Dieu, pris dans les désirs charnels, la luxure, la colère, l’avarice, et tous les vices possibles. L’enfer, le purgatoire, le paradis, ont malheureusement servi à contrôler par la peur pendant des centennaires. Si l’enfer est présent dans de nombreuses cultures religieuses (par exemple, la Grèce, les religions orientales, le mazdéisme, le judéo-christiannisme, l’Islam) ce ne sont pourtant pas des lieux en soi, ce sont des non-lieux; et ils sont en fait mêlés aux choses de cette Terre. En réfléchissant vraiment à notre condition humaine: l’Enfer n’est-il pas le cycle des désirs et de souffrance, ou l’homme est emprisonné sur la Terre? Le purgatoire ne constitue-t-il pas le fait de se libérer de l’orgueil, de prendre la voie de la douceur, d’être éprouvé pour se purifier? Le fait de faire la connexion avec l’infini, de suivre la Voie et d’en sentir une joie immense ne constitue-t-il pas la porte du paradis? Car qu’est-ce que le Ciel sinon le partage et le don de soi?
«Laisse ton amour couler et sillonner l’univers,
Dans toute sa hauteur, sa profondeur et sa grandeur,
Un amour sans limites, sans haine et sans hostilité.
Puis, debout ou en mouvement,
Assis ou couché,
Tant que tu es éveillé,
Lutte pour cela en fixant ton esprit sur un point;
Ta vie apportera le paradis sur la terre[38].»
C’est par le détachement que l’on accède aux portes du ciel. Le corps n’est pas mauvais en soi mais n’écouter que lui-seul revient à ne croire qu’en la matière, qui n’est qu’un reflet illusoire. Mourir dans sa chair nous fait naître au monde.
Les hommes spirituels connaissent l’enfer comme la paume de leur main. Tous les hommes qui cherchent la lumière passent par là en premier. L’oeuvre au noir précède l’oeuvre au blanc et l’oeuvre au rouge, métaphores de l’enfer, du purgatoire et du paradis. Or, l’enfer, s’il est éternel dans la souffrance que l’on peut éprouver, il existe la possibilité d’en sortir, comme d’un labyrinthe: cette porte de sortie est le purgatoire. Comme Dieu est infiniment bon, nul n’est damné éternellement, car nous sommes une partie de Sa chair. Alors, peu importe la gravité de nos actions passées, c’est par le purgatoire que l’on peut se purger afin de réparer karmiquement l’effet de ces actions passées. À la manière d’Héraklès par ses douze travaux. ce sacrifice de soi volontairement choisi et accepté est l’épreuve de la montée au haut de la colline terrestre, point de jonction entre le ciel et la terre, de laquelle nous pouvons entreprendre, ainsi que Dante, le voyage vers le Royaume du Ciel.
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Les outils de divination
« Tenter de réduire l’astrologie à des pratiques de bas étage est par trop déshonnête. Les hommes qui en toute chose ne remuent que la boue devraient toujours inspirer la plus profonde méfiance. (...) Les coups bas ne sont en définitive révélateurs que des préférences de ceux qui les portent.; les esprits élevés ont d‘autres visées[39].»
Yves Thieffry
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Si les outils de divination, comme le tarot ou l’astrologie, ont souvent été condamnés et traités de sorcellerie par le christiannisme, ou de sottises (car non-scientifiques et totalement aléatoires) par les scientifiques, je soutiens que c’est par profonde ignorance et obscurantisme. Ainsi que nous l’avons vu, la Vérité parle par le hasard, et ces outils de divination comme le tarot ou le Yi-King utilisent le plus souvent le hasard, et une structure de l’univers infiniment profonde pour nous éclairer sur notre route. Alors, loin d’être des outils de sorcellerie ou des trappes pour les naïfs (bien sûr, à part le zodiaque dans les journaux ou commercialisé, qui ne sont pas le plus souvent authentiques), l’astrologie, le Yi-King, le tarot, constituent de vastes explorations de la structure des choses, l’énergie du monde et de l’esprit dans toutes ses différentes facettes mystiques et numérologiques, par la voie du symbole. Il s’agit, ainsi que le pensait Jung, d’outils magistraux pour comprendre la psychée, et qui obéit aux lois karmiques, de la mathématique du monde.
Or, «Si une part importante du monde scientifique boude encore l’astrologie, c’est nous voulons le croire, plutôt par manque d’information sur sa véritable nature que par malice[40]».
Certaines personnes argumenteraient, comme je l’ai souvent entendu, que l’astrologie se base sur l’énergie complémentaire ou contradictoire des étoiles et des planètes, alors que ces énergies n’opérent aucune (ou une très mince) force gravitationnelle sur nous, et que le ciel a changé depuis la formation de l’astrologie, de sorte qu’elle ne correspond plus maintenant, dans ce ciel transformé. En réalité, je crois qu’il faille plutôt comprendre les planètes et les étoiles comme des symboles, en ce sens ou ils ont permis de constituer le système, en nous faisant comprendre l’énergie du monde présente en tout, mais que le cycle n’est pas dépendant des étoiles et des planètes. Au contraire, c’est le cycle (résumé dans l’astrologie) qui a formé les planètes et les étoiles et non le contraire.
Le Yi-King, qui est la connaissance de l’Ordre du Ciel et de la Terre, vieux de trois à sept mille ans[41], se base sur les énergies constituant le flux éternel du présent[42] en toutes choses, des principes universels découverts de façon purement mathématique. Quant au tarot, il s’agit aussi d’un Livre divinatoire fondé sur des archétypes ancestraux. Ces deux systèmes constituent donc le reflet du monde et de l’Esprit, car ils contiennnent tous les cycles de l’Esprit, constitués par des archétypes et des symboles ayant une signification numérologique, donc basée sur la mathématique[43]. Leur demander conseil est, somme toute, comme se regarder dans un grand miroir.
Les outils de divination sont donc des façons privilégiées de parler au divin, car ces livres de connaissance divine peuvent nous éclairer sur les différentes énergies qui composent le monde et l’esprit, et peuvent nous faire le reflet de nous-mêmes. Par contre, ils ne doivent pas être les seuls, car le divin ou l’âme des choses nous parle de plusieurs façons, et surtout, à travers la vie-même. Ce n’est que lorsque nous avons réellement besoin d’être guidés que nous devrions consulter ces oracles, et c’est une occasion d’être humble et ouvert devant l’infini. Ils ne constituent donc qu’une façon de converser avec l’âme du monde, le soi immuable, la Volonté. Pas étonnant que cela puisse menacer les religions organisées.
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Références :
[1] Emmanuel Anati (1999). La religion des origines. Paris: Bayard Éditions, p. 9
[2] Évelyne de Smedt et Catherine Mollet (2004). Les patriarches du Zen –Une anthologie. Quercy: Les Éditions du Relié, p. 41
[3] Évelyne de Smedt et Catherine Mollet (2004). Les patriarches du Zen –Une anthologie. Quercy: Les Éditions du Relié, p. 53
[4] Évangile de Matthieu, Bible Tob, 5 :3, p. 1437
[5] Emmanuel Anati (1999). La religion des origines. Paris: Bayard Éditions, p.29
[6] Pieds nus sur la terre sacrée, tiré de Jacques Languirand et Jean Proulx (2009). L’Héritage spirituel amérindien. Montréal: Le Jour Éditeur, p. 133
[7] Psaumes : Psaume 24, tiré de Eknath Easwaran (1997). Les grandes textes spirituels du monde entier. Canada: Éditions Fidès, p. 92
[8] Dialogues avec l’ange, édition intégrale, Un document recueilli par Gitta Mallasz (1990). France: Éditions Aubier, p. 232
[9] Robert Graves, traduit de l’anglais par Mounir Hafez (2002). Les mythes grecs. Espagne: Éditions Fayard, p. 771
[10] Joseph Campbell (1976). The Masks of God: Occidental Mythology. Virginia: Penguin Books, p. 9
[11] Joseph Campbell (1976). The Masks of God: Occidental Mythology. Virginia: Penguin Books, p. 10
[12] Sanâ’i, citation tirée de l’introduction de Vitray-Meyerovitch dans Rûmî (1982). Le livre du dedans. France: Actes Sud, p. 19
[13] Jacques Brosse (1998). Les maîtres spirituels de l’humanité. Paris: Larousse, p. 34-35
[14] Rûmî (1982). Le livre du dedans. France: Actes Sud, p. 44
[15] Dialogues avec l’ange, édition intégrale, Un document recueilli par Gitta Mallasz (1990). France: Éditions Aubier, p. 173
[16] Aigle Bleu, tiré de Jacques Languirand et Jean Proulx (2009). L’Héritage spirituel amérindien. Montréal: Le Jour Éditeur, p.33
[17] Évelyne de Smedt et Catherine Mollet (2004). Les patriarches du Zen –Une anthologie. Quercy: Les Éditions du Relié, p. 33
[18] Jacques Brosse (1998). Les maîtres spirituels de l’humanité. Paris: Larousse,
-
22-23
[19] Jacques Brosse (1998). Les maîtres spirituels de l’humanité. Paris: Larousse,
-
48
[20] Leili Anvar, Tiré de Rûmî. textes choisis et présentés par Leili Anvar, La religion de l’amour. France: Éditions Points, p. 119
[21] Jacques Languirand et Jean Proulx (2009). L’Héritage spirituel amérindien. Montréal: Le Jour Éditeur, p. 133
[22] Juliette Wood (2001). Le Livre de la sagesse celte. Paris: Éditions Gründ, p. 50
[23] Évelyne de Smedt et Catherine Mollet (2004). Les patriarches du Zen –Une anthologie. Quercy: Les Éditions du Relié, p. 44
[24] Joseph Campbell (1976). The Masks of God: Occidental Mythology. Virginia: Penguin Books, p. 12
[25] Genèse, 3:24 p. 26
[26] Le grand livre de la Cabale Magique –Guide et applications pratiques fondamentales. Paris: Éditions Bussière, p.115-116
[27] Indian Mythology, p. 133
[28] Joseph Campbell (1976). The Masks of God: Occidental Mythology. Virginia: Penguin Books, p. 15-16
[29] Geoffrey Parrinder (1971). World Religions – From Ancient History to the Present. New York: The Hamlyn Publishing Group Limited, p. 215
[30] Jean Prieur (1997) Toi, le seul vrai Dieu –brève histoire du monothéisme. Chambéry: Éditions Exergue, p. 97
[31] Rûmî (1982). Le livre du dedans. France: Actes Sud, p.72
[32] Jean Prieur (1997) Toi, le seul vrai Dieu –brève histoire du monothéisme. Chambéry: Éditions Exergue, p. 94
[33] Rûmî (1982). Le livre du dedans. France: Actes Sud, p. 49
[34] Jean Prieur (1997) Toi, le seul vrai Dieu –brève histoire du monothéisme. Chambéry: Éditions Exergue, p.82-83
[35] Rûmî (2003). Odes mystiques –Divan-E Shams-E Tabrîzî. Paris: Éditions du Seuil/ Éditions UNESCO, chapitre 455, p. 244
[36] Sekitô Kisen, tiré de Évelyne de Smedt et Catherine Mollet (2004). Les patriarches du Zen –Une anthologie. Quercy: Les Éditions du Relié, p.50
[37] William Law, tiré de Yves Thieffry (1976). Les secrets de l’astrologie du Yi King. Paris: Les éditions Elsevier Séquoia, p. 48
[38] Salomon Ibn Gabirol, tiré de Eknath Easwaran (1997). Les grandes textes spirituels du monde entier. Canada: Éditions Fidès, p. 64
[39] Yves Thieffry (1976). Les secrets de l’astrologie du Yi King. Paris: Les éditions Elsevier Séquoia, p. 17
[40] Yves Thieffry (1976). Les secrets de l’astrologie du Yi King. Paris: Les éditions Elsevier Séquoia, p. 17
[41] Rufus C. Camphausen (1992). The Divine Library. United States: Inner Traditions International, p. 30
[42] Zéno Bianu, tiré de Sam Reifler (1997). Yi King –Pratiques et interprétations. Saint-Amand-Montrond: Éditions Albin Michel, p. 7-9
[43] Stuart R. Kaplan, (1972). Tarot Classic. New York: Laffont, Tarot Classic, p. 1-127
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Partie IV:
Le bien infini
«En me regardant avec mes yeux,
je me suis vu plus nettement.
Mais en me regardant avec les yeux de Dieu,
je n’ai vu que Dieu.
Je me suis éteint et je suis entré dans le néant,
j’ai disparu,
Et c’est alors que je suis devenu le Tout-vivant;
je n’ai vu que Dieu[1].»
Baba Kuhi de Shiraz
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Le bien infini
Ainsi, nous pouvons dire que le bien infini s’est manifesté à l’homme de différentes formes et moyens aux différents peuples constituant l’humanité. Aux Juifs, il a montré l’importance de l’ouverture à Dieu et de la tradition, aux Chrétiens, l’humilité, l’ouverture d’esprit et la tolérance, aux Musulmans, l’action fidèle devant Dieu, aux Bouddhistes, la façon de libérer l’esprit, aux Hindous ou animistes, la multiplicité des facettes de Dieu. De toutes ces façons de percevoir la Vérité, aucune n’est plus véritable que l’autre; elles sont toutes véritables car venant chacune de l’Unité, de la partie divine en nous et du monde. L’ensemble créé par ces parties représente le bien infini, mais je dis bien représente, car toutes ces facettes ne sont que la façon de le comprendre, pour nous, les hommes, sur la Terre. Ce bien infini, pourtant, est bien au dela de toute notre compréhension. Toutes les sciences et les sources de savoir proviennent aussi de l’âme du monde, car elles sont des réflexions de la lumière. Elles servent tous un dessein: celui d’éclairer l’homme.
Pour revenir aux religions, nous avons souvent refusé d’écouter, à travers notre histoire, les messages qui venaient complémenter le message de notre religion. Le message de Jésus était en directe continuité avec tous les messages de l’Ancien testament mais lui apportait une universalité toute espérée. Suite à l’avènement de Jésus, les Juifs auraient, d’après moi, pu écouter son message et l’intégrer à leurs livres saints, car son message apportait une dimension nouvelle, synthétique et messianique. À la place, ils n’ont plus voulu, même avant l’avènement de Jésus, intégrer quoi que ce soit de neuf à leur canon. Ce dernier était clos, complet alors que Dieu est infini. Pourquoi refuser un message d’ouverture, de tolérance et de pardon? N’est-ce pas ce même pardon qui pourrait être salvateur dans les conflits qui les opposent à nombreux peuples et nations?
Quelques Juifs, pourtant l’ont intégré, comme beaucoup d’autres peuples, et c’est ce qui a donné le Christiannisme. Les Chrétiens, quant à eux, auraient pu intégrer la leçon de Mahomet, qui était un autre prophète de la Vérité qui est venu après Jésus. Est-ce donc différents Dieux qui ont faites toutes ces révélations à différents peuples? La réponse à cette question est simplement que ce sont des révélations qui ont toutes été données par le bien infini, l’âme du monde.
Ceci dit, toutes auraient également pu, et le pourraient toujours, intégrer les leçons de Bouddha et des sages de l’Inde, ou encore, les sagesses autochtones, car il s’agit d’une autre façon, tout aussi véridique, de comprendre la Divinité, seulement des façons plurielles de voir la même Unicité des choses, le même Grand Esprit. Car l’idée de Dieu est présente dans toutes les cultures religieuses ou presque. Le reste, ce sont simplement des angles différents sur une même réalité, la Grande Réalité.
Mais ce n’est pas le dogme et la rigidité des croyances singulières qui peuvent unir le monde, mais bien le contenu des religions, soit la spiritualité ouverte à tous les horizons, à tous les aspects de la Réalité, ce qui comprend toutes les religions et tous les textes sacrés, mais même les autres aspects de l’homme, comme la psychologie, les arts, la mathématique ou la science. Bref, la spiritualité, contrairement à la science ou à la religion, mais contenue dans le fond de cette dernière, comprend tous les aspects de la Vie; elle forme une compréhension de l’essence des choses, du monde, de la Réalité, qui est bien plus grande qu’un de ces aspects pris de façon individuelle, comme la religion ou la science prises de façon séparée. L’homme, le plus souvent, a cherché à imposer ses croyances, dominer, vaincre, et c’est ainsi que s’est opérée la division religieuse entre les hommes. Mais au fond, nous sommes tous unis par la beauté, cette même beauté du monde qui est l’amour qui nous contient, tous et chacun d’entre nous.
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Les messagers de la Totalité
«Certains hommes ont obéi à la raison au point de devenir anges parfaits et lumière pure; ce sont les prophètes et les saints[2].»
Rûmî
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C’est dans cet éternel cycle que nous vivons et mourons, mais certains éléments que d’autres ont nommé synchronicités, que nous pouvons qualifier de signes, apparaissent à quiconque s’ouvre à cette Réalité. Ces signes peuvent apparaître aléatoires, ou très vifs et parlants, dépendamment de l’angle avec lesquels on les regarde, mais ils sont présents pour tous, même ceux qui attribuent leur apparition au soi-disant hasard. Ces signes viennent de cette première Volonté –que l’on peut appeler le soi immuable, le Nirvâna, Brahman, Grand Manitou, absolu, Dieu, Allah, Vérité, Amour, Dharma, qui est l’Âme du monde.
Lorsque nous nous ouvrons à cette force d’amour qui est contenue dans toute chose, c’est alors que cette force se met à nous parler. On veut nous faire croire que la vie est une chose qui peut se produire sans raison, sans cause et sans but. Pourtant, chaque chose a une cause, sinon cette chose ne serait pas. Il faut beaucoup d’humilité pour comprendre que nous ne pouvons pas tout savoir, et que nous ne sommes pas tout-puissants, pour s’ouvrir à la Grande Réalité, à la Vérité, qui nous dépasse infiniment, c’est à dire, à l’univers au grand complet et à l’au-delà, savoir que l’on est petit; mais l’humilité est la première chose dans cette compréhension de l’Âme de la Totalité. Et quand on voit les choses ainsi, on réalise que tout est possible. La preuve en est: nous sommes là, et nous sommes, tout ce qui existe, en soi l’impossible.
Nous sommes donc, si nous sommes des parties du Tout, de Dieu, que nous le voulions ou non, des messagers de la Totalité, car La Totalité parle à travers toutes choses. Ainsi, nous avons tous une vision différente des choses qui est valable et vraie d’une façon, selon une certaine réalité, et nous transmettons tous des messages qui viennent du monde et de l’au delà. Or, certains messagers nous sont plus connus car ils ont donné leur vie à la Totalité, qui leur a soufflé la Vérité dans le corps.
L’unité des choses a parfois été confondue avec le messager, au point où le messager est devenu lui-même l’Unité. Pourtant, dans le cas de Jésus, Jésus était en effet, comme nous le savons tous, un homme. Toute la théorie chrétienne sur la nature divine et humaine de Jésus n’a, selon moi –qui suis une personne plutôt simple- aucun sens. Nous avons tous une dimension divine et humaine, et l’humain a toujours une part de Ciel en lui, c’est le souffle divin qui nous constitue. Nous sommes tous le Logos. Nous sommes tous une partie de l’immuable, une part de Dieu, son fils ou sa fille. Nous avons tous une mission divine, que nous le sachions ou non.
«Ce mystère, indivis,
immobile, apaisé, c’est là le But suprême,
vers quoi l’adepte se dirige;
il l’a atteint quand il peut dire:
«Ce brahman, je Le suis![3]».
Ainsi, Jésus a été un messager, comme tous les messagers avant lui, un grand messager, mais un messager tout de même. Il ne peut être confondu avec l’Unité. Il est éternel, mais nous sommes tous éternels car nous appartenons tous à un cycle éternel. Or, Jésus ne doit pas être intégré à la divinité toute-puissante, à laquelle il s’est pourtant fondu,mais comme nous le pouvons tous, pour transmettre son message. Mais si nous sommes tous des parties de la divinité, et que nous en sommes des composantes, personne n’est Dieu, pas même Jésus.
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Devenir l’épouse
«L’eau pure que l’on verse dans l’eau pure se mélange à cette dernière et ne fait qu’un avec elle. C’est ainsi que pour le sage qui connaît la vérité Suprême, le soi individuel s’unit au Soi Universel et devient un avec lui[4].»
Swami Madhevananda
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«Il est survenu, l’Amour
Comme le sang, il coule dans mes veines
Il m’a vidé de moi
Il m’a rempli de l’Aimé
L’Aimé a envahi
Chaque parcelle de mon être
De moi ne reste qu’un nom
Tout le reste, c’est Lui[5].»
Rûmî
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Nous les avons vus, ces poètes, prophètes, chamanes, artistes, mystiques, amoureux, qui ont chanté par des hymnes à la Vie la gloire de l’Unité. David en est un qui, par ses psaumes, s’est donné dans un dévouement total; mais il n’est pas le seul. On peut également retrouver, parmi ces amoureux mystiques, Salomon, Jésus, Gandhi, Tagore, Saint-François, Jean de la Croix, pour n’en nommer que quelques uns. La Totalité étant comprise dans toutes les religions, le défi ultime de l’être humain est de s’abandonner à ce bien infini, de se livrer complètement à Lui. C’est ainsi que l’amoureux cherche à se fondre en son Aimé, comme nous le voyons dans le Cantique des Cantiques, puis le dialogue entre l’Épouse et l’Époux dans le Cantique spirituel de Jean de la Croix, tous deux symboliques de la communion divine, et donc de la Libération spirituelle totale. Ainsi, l’état amoureux devient une métaphore de l’union entre l’âme et Dieu:
«Qu'il me baise des baisers de sa bouche. Tes amours sont plus délicieuses que le vin ; l'arôme de tes parfums est exquis ; ton nom est une huile qui s'épanche, c'est pourquoi les jeunes filles t'aiment. Entraîne-moi sur tes pas, courons ! Le roi m'a introduite en ses appartements ; tu seras notre joie et notre allégresse. Nous célébrerons tes amours plus que le vin ; comme on a raison de t'aimer ! (...) Mon bien-aimé est un sachet de myrrhe, qui repose entre mes seins. Mon bien-aimé est une grappe de cypre, dans les vignes d'En-Gaddi. Que tu es belle, ma bien-aimée, que tu es belle ! Tes yeux sont des colombes. Que tu es beau, mon bien-aimé, combien délicieux ! Notre lit n'est que verdure. Les poutres de notre maison sont de cèdre, nos lambris de cyprès[6].»
_______________________________
L’ÉPOUSE
Jouissons de nous, mon Aimé,
Et allons nous voir en ta beauté
Sur la montagne ou la colline,
Où l’eau pure jaillit,
Entrons plus avant dans l’épaisseur.
Puis aux très hautes
Cavernes de la pierre nous irons,
Elles sont bien cachées,
Et là nous entrerons
Et le moû des grenades goûterons[7].
C’est cette communion dont parlent ces deux textes que des messagers, les saints de toutes les traditions, ont été en mesure de faire. Bien sûr, la plupart d’entre nous ne sont pas nécessairement destinés, dans notre vie présente, à se fondre dans la Totalité, et se contenteront d’essayer de faire le bien que nous pouvons. Mais faire le bien, justement, qu’est-ce que ça implique? Ce n’est certes pas, je crois que l’on pourrait s’entendre à ce sujet, de penser juste à soi. Si on suit ce raisonnement, faire le bien, ce serait plutôt faire ce qui profite à tous, à l’ensemble -même si faire le bien personnel et le bien de tous peuvent être conciliables, et l’est même très souvent, car faire le bien de tous apporte un très grand bonheur personnel. Une personne bonne serait donc une personne qui fait le bien de l’Ensemble, en pensant au bonheur de tous, et une personne mauvaise, conséquemment, serait plutôt une personne qui ne fait que selon ses propres intérêts au détriment de l’intérêt des autres ou du monde –les autres que nous devons aimer comme nous-mêmes si on veut vivre dans un monde de bonheur, de paix et d’équilibre.
Ainsi, les messagers comme Jésus, dans son abandon à la totalité, a fait non son propre vouloir mais le vouloir de l’infini, du bien commun, de l’âme universelle. Il ne pensait pas à son propre petit ego; au contraire, il se donnait entièrement, corps et âme, à l’âme du monde. Ainsi, dans son abandon, Jésus s’est livré: il s’est laissé devenir une partie de l’âme du monde, ce que nous sommes tous profondément. Et à travers lui, Dieu a parlé. C’est le bien infini qui a dit, par cet abandon du Christ: «Je suis le chemin et la vérité et la vie[8]». Ceci s’appelle la communion avec le bien infini, qui s’opère par un abandon de l’ego au vouloir de la Totalité. Mais Jésus n’est pas le seul qui doive vivre cette communion avec Dieu: nous sommes tous destinés à devenir l’épouse de l’époux et à nous fondre en lui, comme la rivière se fond dans la mer, goutte d’eau dans la mer infinie.
«Ne joue pas une autre mélodie que celle de notre Bien-Aimé,
Celui qui est mille et mille doux Josephs aux oeuvres suaves. (...)
Notre âme est devenue pareille aux chiens affamés de son quartier.
Dieu soit mille fois loué pour cette âme déchirée!
Le chant de son amour évoque les temples d’idoles éternelles
Et des milliers de rossignols chantent parmi les fleurs de notre roseraie[9].»
*
L’initiation ou le chemin étroit
«Je connais le sentier. Il est étroit et sans détours, comparable au fil d’une épée[10].»
Mahatma Gandhi
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Pourtant, Jésus, Bouddha, Mahomet, et même Zoroastre, mais également beaucoup de saints et d’apôtres, de boddhisvattas, ont tous passé par des épreuves ou des initiations pour les conduire sur la Voie du Ciel, après avoir choisi la Voie du bien. Ceci dit, pour être fils de lumière, il faut passer par le chemin étroit et être éprouvé.
C’est ainsi que d’après les textes des évangiles, lorque Jésus commença sa mission après que l’Esprit soit descendu sur lui par son baptême, il se retira dans le désert, où il fut tenté par le Diable qui voulut le faire changer d’avis[11]; et ne parlons même pas de la Passion. C’est le même cas pour Bouddha, qui s’étant retiré sous l’arbre de la bodhi, fut tenté par Mara, qui effrayé par le fait que celui-ci allait atteindre l’illumination et libérer une quantité d’hommes, relâcha contre lui tous ses démons. Mahomet, après avoir reçu les premières révélations de l’Ange Gabriel, fut également attaqué par les forces du mal, et fut ravagé par le doute, le désespoir, et cru même qu’il était fou et voulut se suicider[12]. Dans la religion Zoroastrienne, Zoroastre, qui prédisait le même Dieu que les Juifs ou les Hindous, soit un Dieu bon, tout-puissant, mais infiniment sage ayant tout créé, aurait été tenté par Ahriman, un autre nom du Diable, l’Esprit du mal, le «Destructeur».
Ceci dit, chaque épreuve, même si elle est causée par l’esprit du mal, est une initiation. Notre monde est l’un des mondes mais il n’est pas le seul; en réalité, il y a des mondes infinis, et nous avons chacun un monde à guider, qu’il soit microcosmique (notre corps) ou macrocosmique (l’univers).
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Références :
[1] Baba Kuhi de Shiraz, tiré de Eknath Easwaran (1997). Les grandes textes spirituels du monde entier. Canada: Éditions Fidès, p. 53
[2] Rûmî (1982). Le livre du dedans. France: Actes Sud, p.109
[3] Amritabindu Upanishad, tiré de Eknath Easwaran (1997). Les grandes textes spirituels du monde entier. Canada: Éditions Fidès,, p. 110-111
[4] Swami Madhevananda, tiré du livre d’Yves Thieffry (1976). Les secrets de l’astrologie du Yi King. Paris: Les éditions Elsevier Séquoia,
[5] Rûmî. textes choisis et présentés par Leili Anvar, La religion de l’amour. France: Éditions Points, Quatrain 325, p. 7
[6] Cantique des Cantiques. Bible de Jérusalem en ligne, I:2-17, tirée à la date du 5 novembre 2013.
[7] Saint Jean de la Croix (2001). Dans une nuit obscure, Poésie mystique complète. Pössneck: Librio, p. 39
[8] Évangile de Jean, Bible Tob (1988). Corée: Société biblique canadienne, 14:6,
-
1576
[9] Rûmî (2003). Odes mystiques –Divan-E Shams-E Tabrîzî. Paris: Éditions du Seuil/ Éditions UNESCO, p. 153
[10] Mahamtma Gandhi, tiré de Eknath Easwaran (1997). Les grandes textes spirituels du monde entier. Canada: Éditions Fidès p. 127
[11] Ainsi que relaté par les trois évangiles synoptiques, le Diable l’aurait tenté trois fois, la première, de changer des pierres en pain pour ainsi arrêter son jeûne, la deuxième, se jeter au bas du Temple de Jérusalem pour voir si Dieu le sauverait de sa chute, et la troisième, de se prosterner devant le prince du monde afin d’obtenir tous les royaumes de la Terre. Toutes les fois, Jésus refuse, en citant des passages de la Bible, dont le fait qu’il n’y a qu’un seul Dieu (Mathieu 4, 1-11, Bible Tob).
[12] Islam, p. 31
*
Partie V:
Le Grand Oeuvre
«Le seuil de la Réalité
est recouvert d’un voile
de lumière dorée.
Dévoile-le, ô Seigneur,
car mon dharma consiste
à vivre la Vérité[13].»
Isha Upanishad
*
L’âge de l’obscurité
«Les hommes doivent prendre conscience qu’ils sont les membres d’une planète vivante. Car la terre est efffectivement considérée comme un être vivant, un organisme, une totalité dynamique et créatrice. Son nom est Terre-Mère et tous ceux qui l’habitent sont ses enfants[14]. »
Jacques Languirand, Jean Proulx
*
Le 21 décembre 2012, il s’est passé quelque chose de plutôt curieux et de très représentatif de notre époque souvent ignorante des questions spirituelles générales ou spécifiques, ou tournant le sacré en superstition ou en commercialisation quelconque. Alors que toute la planète, du moins l’Occident américain, avait médiatisé que les Mayas prédisaient la fin du monde pour cette date (les Mayas n’ont jamais prédit la fin du monde pour cette date ou en fait, pour aucune date), l’ignorance de la réalité spirituelle des Mayas faisait des petits.
En effet, ceci n’est bien sûr qu’un fait divers mais il illustre toutefois de façon assez claire comment nous vivons encore dans l’âge de l’obscurité. Pas que nous ne soyons pas connaissants de nombre de choses, non, cela, bien au contraire: de savoirs (pratiques, théoriques, faits), notre tête est pleine. Mais nous sommes bien en arrière en ce qui a trait à notre connaissance de la vie et de la mort; nous ignorons presque tout de la Totalité et de la vie spirituelle plus générale, du sacré équilibre entre toutes choses, que nos sociétés occidentales nient constamment par l’action irresponsable, au profit d’une liberté sans fondements et même parfois, sans morale.
De plus, nous avons tout ce qu’il nous faut pour faire du monde un monde meilleur –nous avons la technologie nécessaire, sûrement, pour ne plus utiliser d’énergie sale, nous pourrions nous investir, avec un peu d’efforts matériels de tous, dans l’élimination de la pauvreté dans le monde entre autres et à la création d’un monde plus juste- mais nous pensons le plus souvent à notre petit nombril, à l’argent, à notre carrière plus que tout et nous ne faisons rien de tout cela de façon très significative, et encore moins en ce qui a trait à des mouvements réels et sincères de sociétés. On m’a déja dit que si nous étions tous végétariens, ou encore, si on dépensait plutôt l’argent investi pour nos animaux de compagnie envers les pauvres de ce monde, on pourrait nourrir l’ensemble de l’humanité. Est-ce bien étonnant?
Il y a mille ans, et même quelques centaines d’années, personne n’aurait pu prédire à part quelques visionnaires- qu’on volerait en avion un jour de pays en pays, et qu’on pourrait survoler la planète en quelques heures, qu’on guérirait même nombre de maladies, qu’on ferait des opérations pour remplacer des organes. Personne n’aurait pu prédire qu’on irait sur la lune et qu’on s’apprêterait à aller sur mars, et que des touristes, même, iraient dans l’espace. Et pour aller encore plus en arrière, l’homme primitif n’aurait pu prédire qu’on s’organiserait un jour en pays et que ces pays auraient une politique. Toutes ces choses, on aurait alors dit qu’elles relèvent de l’impossible car elles ne correspondraient pas à la réalité du moment présent. L’idéal nous semble impossible tant qu’il n’est pas devenu une réalité. De la même façon, il est difficile d’imaginer pour la plupart des personnes que dans plusieurs centaines d’années, ce pourrait être une ère de grande paix pour l’humanité, et d’équilibre entre les hommes et avec notre environnement, un genre d’âge d’or ou l’humanité connaîtrait une époque profondément spirituelle.
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Le point noir de la Nuit
«L’histoire ne se répète pas à l’identique mais le passé est à l’intérieur de nous. C’est avec les expériences, les conquêtes et aussi les blessures que s’enrichit notre patrimoine conceptuel. Les déductions qui en dérivent font partie de notre héritage spirituel inaliénable[15]».
Emmanuel Anati
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L’être humain a déja connu son enfance: l’homme primitif, nomade; sa jeunesse: Babylone, Rome, la Grèce; son âge d’adulte, ou nous nous trouvons maintenant. Bientôt, l’être humain passera définitivement à l’âge mûr, période faste durant laquelle apparaîtra ce qui a gravement fait défaut jusqu’ici: la sagesse –non seulement pour réparer les erreurs que nous avons commises par le passé mais pour tout simplement agir avec beaucoup plus d’équilibre, sans excès, d’une façon plus responsable, mûre, et en définitif, humaine, car nous ne sommes pas encore devenus les grands humains que nous sommes appelés à devenir.
Si je vous disais que dans quelques centaines d’années, la plupart des guerres ne seront plus, la pauvreté aura été éradiquée, et avec ceci, une grande partie de la souffrance et de l’injustice dans le monde? Les gens se soucieront des autres, même s’ils ne sont pas dans leur famille, et l’homme et la femme seront de nouveau en symbiose avec leur environnement. L’homme recherchera de nouveau la beauté, mais aussi l’équilibre et l’harmonie avec les êtres et le monde.
Scepticisme. Et pourtant, c’est bien ce qui arrivera dans bien peu de temps, mais toutefois, après que nous aurons connu une certaine épreuve. Ce n’est pas que les gènes de la violence, de l’injustice ou de la pauvreté seront enlevées de notre code génétique, c’est que nous serons simplement plus efficaces, grâce à un autre système, pour les éradiquer. Bien sûr, ce n’est pas aussi beau que cela paraît, car cette période sera précédée d’une des périodes les plus noires de l’histoire de l’humanité et comme le dernier moment avant l’aube est aussi la période la plus noire de la nuit, c’est justement en raison de cette noirceur qu’il y aura possibilité de changement.
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La mort
«La grande question –la mort- n’est que vibration.
Entre la naissance et la mort, un écran fausse notre vue.
Naissance et mort ne sont que vibrations.
La vie n’est pas donnée par pitié,
la vie est éternelle,
mais à travers cet écran,
vos yeux ne voient pas[16].»
Dialogues avec l’ange
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Quoi qu’il en soit, si nous avons déja de la misère à accepter la Vie, combien avons-nous plus de souffrance à accepter la mort qui lui est intimement liée. Ainsi, inutile de dire que la mort, que nous vivons au quotidien -car la vie est une série de vies et de morts- et que nous aurons à vivre dans notre vie, est une chose très taboue dans notre société occidentale. Quand quelqu’un meure, nous l’habillons, le maquillons, et ne savons que faire devant le cercueil. Nos rites spirituels se sont beaucoup effrités, de sorte que même si nous sommes pratiquants dans une religion ou une autre, la plupart d’entre nous ne comprenons plus la signification derrière ces rites, et notre vie spirituelle en tant que société est souvent très pauvre, et donc beaucoup d’entre nous se retrouvent sans ressources devant la mort de quelqu’un ou la nôtre. Beaucoup d’Occidentaux ne se confient de toute façon plus à la Totalité, par la prière ou la méditation, dans ces situations de mort, de perte ou d’accablement. Nous sommes aveuglés par le concret et ne voyons plus les Lois invisibles et immuables.
Chez les Bouddhistes tibétains, le moment de la mort est le moment ultime de la dissolution de tous les éléments qui composent notre corps (terre, eau, feu, air et espace[17]) et le gardent en vie tout au long de notre existence. Or, d’après Sogyal Rinpoché, le processus réel du détachement, et combien plus de la mort peut être douloureux, même pour l’initié,
«car perdre son corps et sa vie peut s’avérer une expérience très difficile. Pourtant, si nous avons reçu des instructions sur la signification de la mort, nous savons qu’il existe un espoir immense lorsque l’aube de la Luminosité fondamentale se lève à ce moment ultime[18]».
Dans plusieurs traditions religieuses à travers l’histoire, et nous trouvons des traces de cette croyance dans la religion judéo-chrétienne, l’âme subit un genre de jugement, à la mort, avant d’arriver à la Lumière. Cette croyance était présente chez les Égyptiens, dans le Livre égyptien des morts, le jugement étant opéré par le dieu de la Mort elle-même, Osiris. L’âme, après être ressuscitée, descendait au Royaume des Morts, où avait lieu ce jugement devant Osiris, «au cours duquel le mort adjurait son propre coeur de ne pas témoigner contre lui. (...) c’est en somme devant lui-même que le mort se justifie, le jugement d’Osiris n’étant que la sanction de celui porté par son coeur[19]». Dans le bouddhisme tibétain, il y a également une scène de jugement du défunt, ou la bonne conscience, blanche, rappelle le bien que nous avons fait, et la mauvaise conscience, une sorte de démon noir, nous rappelle tout le mal que nous avons perpétré. Le juge, le Seigneur de la mort, lit ensuite la réponse dans le miroir du karma avant de rendre son jugement[20]. Dans les expériences de proximité avec la mort, la personne voit sa vie se dérouler devant elle, alors que des questions lui sont posées, du style: «qu’as-tu fait pour aider les autres?», ou «peux-tu te pardonner? ». En fin de compte, le jugement ne proviendrait pas de l’Être de lumière, qui manifesterait un amour inconditonnel pour la personne jugée, mais de la personne même: « le jugement tout entier se déroule au sein de notre propre esprit. Nous sommes à la fois le juge et la personne jugée[21]» et notre rôle est de savoir si nous sommes en mesure de nous pardonner nous-mêmes.
Dans la religion zoroastrienne, après avoir passé trois nuits dans le haut de la tête, l’âme prête à se libérer
« abandonne définitivement le corps physique et commence son voyage à travers l’infini. Elle s’apprête à franchir le pont Shinvatt, le passage du Trieur, que l’on retrouvera en islam et dont l’arche s’élance d’un seul bond au dessus de l’Abîme. Si elle a vécu selon les lois du Seigneur Dieu, elle franchira sans difficulté le pont Shinvatt, lequel est mince comme la lame d’un rasoir. Si elle est criminelle, elle perdra aussitôt l’équilibre et sombrera dans le gouffre des enfers[22]», les enfers étant le cycle des réincarnations.
Pourtant, toujours dans la tradition zoroastrienne, l’âme n’ayant pas accompli le bien n’opère même pas ce voyage, et tourne plutôt autours du corps, ne sachant où aller, prise de panique. Elle sentira l’odeur de son âme, une odeur méchante et pleine de puanteurs, alors que l’âme du juste sentira une odeur agréable. Or, toujours dans le bouddhisme tibétain, à la mort, seul l’être détaché, connaissant la nature fondamentale de l’Esprit (sachant voir sa propre lumière), sera en mesure de se libérer du processus de réincarnation:
«nous ne pouvons échapper à ce que nous sommes réellement. Que cela nous plaise ou non, notre vraie nature est dévoilée. Mais il est important de savoir que le moment de la mort révèle deux aspects de nous-mêmes: notre nature absolue, et notre nature relative –ce que nous sommes et ce que nous avons été dans cette vie[23]».
Ceux qui sont incapables de reconnaître cette nature de l’esprit, soit la plupart d’entre nous, continueront à errer dans le bardo de la mort, soit l’enfer des désirs et de la souffrance, jusqu’à la prochaine réincarnation, opérée par l’attachement et le désir de revenir.
Alors, que nous reconnaissions la véritable nature de l’esprit, la lumière, ou Dieu, que nous soyons ou non capable de nous pardonner au moment de la mort, malgré tout cela, nous devrions par contre reconnaître que la mort est une partie intégrante de l’impermanence de la vie, et une partie de nous-même meure à chaque jour, et même à chaque instant. La vie est parsemée de petites morts, et c’est ce qui soutient la vie, et ce qui permet sa renaissance. Dans la religion hindoue, Shiva est le Dieu de la destruction, et cette destruction est nécessaire, fait partie de la vie, afin qu’il puisse y avoir, justement, renaissance et changement. Toute la Réalité physique est constituée de sens. Or, il y a un voile sur les choses, qui nous empêche de voir la Grande Réalité et cet amour dont les choses sont toutes imprégnées. Pourtant, au moment de la mort, comme il est possible de le faire dans notre vie en changeant de bardo (d’état spirituel), nous passons de l’autre côté de l’«écran» pour soit se réincarner, soit aller vers la Lumière.
Mais s’il ne s’agissait plus d’une mort singulière, et s’il s’agissait de la mort de toute une société, alors ce ne serait qu’en acceptant cette mort, en la chérissant comme si elle était notre bien le plus cher, que nous pourrions nous diriger vers le changement qui devra s’opérer pour nous conduire sur la voie de l’équilibre.
*
Le présent éternel
«Ce qui maintenant m’apparaît comme clair et évident, c’est que ni le futur, ni le passé, ne sont. C’est donc improprement que l’on dit: «Il y a trois temps, le passé, le présent et le futur». Plus exactement, dirait-on peut-être: «Il y a trois temps: «Le présent du passé, le présent du présent, le présent du futur[24]».»
Saint Augustin
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Ainsi que le dit Saint-Augustin, il y n’y a pas trois temps -le passé, le présent, le futur- mais plutôt, qu’un seul temps, soit le Présent, qui peut pourtant s’accorder au passé, au présent et au futur (soit «le présent du passé, le présent du présent, le présent du futur»). En autres mots, le passé et le futur ne sont possibles que dans le temps présent, que par son entremise, que par rapport au Présent. Dans la perspective de notre monde et du bien infini, les choses n’existent donc que dans le Présent: Il est ce qui constitue les choses, et les choses sont, pour Dieu, éternelles dans le temps présent (et conséquemment, dans le passé et dans le futur), et c’est cette présence qui constitue la Totalité.
Donc, chaque chose qui se déroule dans le présent découle des événements, des informations contenues dans les corps et les esprits de la précédente réalité actuelle, jusqu’à la formation des choses, s’il y a eu formation. Or, tant d'événements, d’informations contenues dans les choses déterminent notre présent, mais il y a une logique parfaite dans les événements, et le présent d’hier donne donc le présent d’aujourd’hui, qui donnera le présent futur. Toute l'information qui permet de déterminer une chose est dans le Réel, et le monde de ce jour était contenu en germe au début du monde, et toutes les métamorphoses qui ont eu lieu étaient logiques. Il y a donc prédestination des choses car si nous connaissions toutes les données de la Réalité contenues dans le monde et les esprits, nous pourrions donc prédire le temps.
Cette idée de prédestination est déja contenue dans de nombreuses religions, car si Dieu ou le Divin sait Tout et existe hors du temps, il a parfaite connaissance de ce que sera aussi le futur. Les prophètes, donc ceux qui disent le vouloir de Dieu, prédisent aussi ce qui arrivera dans le futur, que ce soit les Prophètes de l’Ancien Testament (par exemple: Isaïe, Daniel, Ezekiel) ou encore des prophètes plus récents, comme Malachie. Nous voyons un exemple de cette prédestination, cette connaissance du futur, par exemple lorsque Jésus prédit que Pierre reniera trois fois avant que le coq ne chante, ou encore, lorsque Jésus parle de la fin de l’ère (certaines traductions, dont la Bible de Jésuralem, parlent de la «fin du monde», mais André Chouraqui nous met sur une voie plus juste, car cette fin constitue plutôt la fin de l’ère, là ou nous trouvons maintenant), qui est déja inscrite dans le temps éternel:
«Il s'assoit sur le mont des Oliviers. Les adeptes s'approchent de lui, à part, et disent : «Dis-nous quand cela sera ? Quel est le signe de ton avènement et de l'achèvement de l'ère ?
Iéshoua' répond et leur dit : «Prenez garde que nul ne vous égare !
Oui, beaucoup viendront en mon nom et diront : 'Moi, le messie' et ils en égareront beaucoup.
Vous allez entendre des guerres et des rumeurs de guerre : voyez à ne pas vous troubler, il faut que cela arrive. Mais ce ne sera pas encore la fin.
Oui, se réveillera nation contre nation, royaume contre royaume, avec des famines et des séismes par endroit.
Tout cela, entête des douleurs.
Alors ils vous livreront à la tribulation, ils vous tueront, et vous serez haïs par tous les goîm, à cause de mon nom.
Alors beaucoup trébucheront; ils se livreront les uns les autres, ils se haïront les uns les autres.
Beaucoup de faux inspirés se réveilleront; ils en égareront beaucoup.
À cause du comble de la non-tora, il se refroidira l'amour de beaucoup.
Mais qui tiendra jusqu'à la fin sera sauvé. L'annonce du royaume sera clamée dans tout l'univers, en témoignage, pour tous les goîm. Et alors surviendra la fin.
» Quand donc vous verrez l'horreur dévastatrice dont a parlé Daniél l'inspiré, debout dans le lieu sacré - qui lit réalise !-, alors, ceux de Iehouda, qu'ils fuient dans les montagnes !
Qui est sur la terrasse, qu'il ne descende rien prendre de sa maison ! Et qui est au champ, qu'il ne revienne pas en arrière prendre son vêtement !
Oïe, celles qui l'auront dans le ventre et les nourrices, en ces jours ! Priez pour que votre fuite ne survienne pas en hiver, ni un shabat.
Oui, ce sera alors une grande tribulation, telle qu'il n'en a pas existé depuis l'entête de l'univers jusqu'à maintenant, et qu'il n'en existera plus jamais.
Si ces jours n'étaient abrégés, aucune chair ne serait sauvée; mais à cause des élus, ces jours seront abrégés[25]».
Mais tout cela pour dire que l’âme du monde a un Plan, qu’on appelle Le Grand Oeuvre, mais ce Plan divin se manifeste par notre propre liberté et vouloir à nous, comme nous faisons partie de ce Plan sans limites, et en sommes nous-mêmes les artisans. Or, même si ce Plan est infini et constamment redéfini, s’ajustant sans cesse paradoxalement mais ne changeant jamais, le monde de demain existe déja pour Dieu, car c'est ce pourquoi il nous a créés: il veut que nous apprenions à retourner vers lui. Donc, nous sommes libres, et en effet, la vérité se révèle dans le moment présent.. Mais nous sommes tous déja sauvés, depuis le début de la création. Il suffit simplement de se laisser aller au bonheur, et surtout, d’être à l’écoute du Grand Tout, de soi et des autres.
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Apocalypse et Âge d’or
Ainsi que nous l’avons vu plus tôt, selon les Soufis, les sages de l’Inde, ou encore les sages bouddhistes, ou même les Amérindiens, la réalité est recouverte d’un voile et pour avoir accès à la Vérité, il faut voir derrière le voile. Apocalypse est un mot grec qui signifie «voile soulevé» et ne concerne pas, malgré la croyance et le mythe populaire, la fin du monde. Ce voile sera soulevé au moment que nous appelons communément «la fin des temps» ou «le jugement dernier» mais qui n’est pas vraiment la fin des temps ni le dernier jugement. Cela ne sont que des symboles. Il s’agit d’une fin, bien entendu, mais pas de la toute fin, plutôt la fin d’une ère, car même dans l’Apocalypse, le monde ne se termine pas avec la destruction. Au contraire, après tout le chaos et la destruction présents dans les premiers chapitres du livre de l’Apocalypse, le dernier chapitre, le chapitre 21, parle de la nouvelle Jérusalem qui descend sur la Terre, après les jours du Diable, comme promesse pour les hommes:
«Alors je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre ont disparu et la mer n’est plus.
Et la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, je la vis qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, comme une épouse qui s’est parée pour son époux. Et j’entendis, venant du trône, une voix forte qui disait: Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il demeurera avec eux. Ils seront ses peuples et lui sera le Dieu qui est avec eux[26]».
Cette prophétie n’est pas la seule à prédire «un nouveau ciel et une nouvelle terre» pour les hommes, une période ou l’homme sera en symbiose avec Dieu, un âge d’or pour l’humanité, qui se passerait après une période de destruction.
Pour les certains peuples autochtones, dont les Indiens Hopi –ou plusieurs autres peuples méso-américains qui ont des mythes très similaires[27]- il y a eu plusieurs mondes, et nous serions présentement au quatrième, celui de l’animal (l’âge de l’ignorance), chacun étant détruit par un élément. Le premier monde aura été détruit par le feu (les dinosaures auraient été détruits par l’activité volcanique), le deuxième monde par la glace (la dernière glaciation a pris fin seulement il y a quelques milliers d’années), ou la dernière, par l’eau (le mythe du déluge est présent dans presque toutes les civilisations). Notre quatrième monde, selon certaines traditions, sera détruit encore par le feu, faisant place finalement au cinquième monde, qui sera le monde de l’être humain[28]. Les Tibétains, qui vivent une période très difficile, ont aussi prédit, après toute cette oppression dont ils sont les victimes, une période faste d’éveil spirituel généralisé à travers le monde, et ainsi un genre âge d’or pour l’humanité.
Zoroastre et la religion antique de la Mésopotamie prédit également que le conflit entre le mensonge et la vérité n’est pas éternel, et prendra fin au «dernier tournant du monde», quant les «deux armées hostiles viendront ensemble», et par lequel les hommes et les femmes devront se «soumettre au grand test par les flammes, et la justice sera réalisée[29]». Les Juifs, dans le livre de Daniel, croient que lors de cet Apocalypse ou voile soulevé, qui durera «une période, deux périodes et une demi-période», donc se déroulera dans le temps, viendra, ce sera «lorsque la force du peuple saint sera entièrement brisée». Alors, «les gens réfléchis resplendiront, comme la splendeur du firmament, eux qui ont rendu la multitude juste, comme les étoiles à tout jamais[30]». D’ailleurs, selon le Coran, «Ce sera le Jour du «retour» de l’homme vers Dieu.» Car «Le Jour de la Résurrection est aussi «le Jour du rassemblement» ou de la réunion (XLII, 7) de tous les hommes (...), «le Jour de la foi»[31]» qui devient malheureusement jugement pour ceux qui sont éloignés de la Vérité ou de la voix d’en haut. Selon la secte juive des Esséniens, qui critiquaient d’ailleurs aussi les Pharisiens hypocrites, «l’ordre des temps», ou «le plan de la divine Providence, mis en échec par les hommes» (...) «devait nécessairement triompher à la fin des temps[32].»
Selon l’astrologie du Zodiaque, d’origine Babylonienne, mais modifié par Rome, nous serions présentement encore dans l’ère du poisson, ère de recherche intérieure, surtout de sacrifice et d’introspection (on n’a qu’à regarder en son coeur, le moyen-âge), de mysticisme, mais aussi de dualité et d’obscurité. Cette ère, qui dure environ 2150 ans, aurait commencé avec l’avènement de Jésus, quelque part près de l’an 0. Selon la Cabale, au début, il n’y avait qu’un bâton en érection, l’homme n’ayant pas fait «l’auto-conscience», et donc communication directe entre l’homme et le Divin. Puis, dans l’évolution –et ceci concerne surtout l’ère où l’homme avait besoin d’écouter, de recevoir des leçons primordiales, des commandements, un peu comme un enfant ayant besoin d’autorité- est arrivé la ligne horizontale, venant créer le Tau, ou la croix en forme de T. L’ère du poisson est le temps où cette ligne horizontale est venue parmi les hommes, ce qui signifie que l’homme se trouve «dans une phase d’élévation vers les Forces Créatrices du Monde[33]». Cette ligne horizontale viendra jusqu’à la terre à l’ère du Verseau: âge de l’idéal agi, d’équilibre et de connexion avec Dieu et notre environnement. Le verseau est le signe qui donne en versant l’eau sur la terre, l’eau de l’Esprit qui coule à flots.
Saint Malachie, un saint irlandais, que la tradition identifie comme Malachie d'Armagh, ordonné prêtre en 1119, a prophétisé que L’Église catholique romaine comprendrait, dans son histoire, 111 papes –après quoi viendrait un dernier, Pierre le Romain, venant réformer l’Église en profondeur (peut-être ainsi qu’a voulu le faire Saint-François d’Assise à son époque, prenant l’exemple du Christ) ce qui précèderait le jugement:
«» Dans la dernière persécution de l'Église Chrétienne siégera Pierre le Romain qui fera paître ses brebis à travers de nombreuses tribulations. Celles-ci terminées, la cité aux sept collines sera détruite, et un Juge redoutable jugera son peuple[34]».
Sur les Mayas en particulier, disons donc enfin qu’ils n’avaient pas prédit la fin du monde pour le 21 décembre 2012, par leur calendrier qui arrivait à la fin du XIIIème baktun, mais la fin d’une ère (le temps est cyclique selon les Mayas), et le début d’une ère de grande paix, qui commencerait pourtant par une période de destruction qui mettrait fin, selon eux, au troisième monde. Ainsi qu’on doit nettoyer, faire le ménage avant de passer à autre chose, cette ère de destruction est ce qui permettrait le changement. Cette nouvelle ère commencerait par le retour de Bolon Yokte, ou encore, Quetzacohatl, le Dieu serpent, qui viendrait apporter avec lui l’équilibre nécessaire pour vivre sans excès en paix avec la nature et avec les autres.
Mais la réalité de notre époque aussi nous démontre qu’après une grande floraison qui ne connait presque aucune limite (même limite morale), nous nous dirigeons maintenant vers quelque chose d’autre. Le XXIème siècle seulement nous souligne de façon évidente que nous courons (nous n’y marchons pas) vers cet autre chose, quelque chose de plus grand, et ce XXème siècle en constitue l’élan. Comme un élan consiste à s’éloigner de quelque chose avant de sauter vers une autre direction de façon plus rapide, nous sommes maintenant très éloignés de ce à quoi le monde ressemblera dans quelques centaines d’années. Et en quelque sorte, la guerre se passe maintenant en nous, en notre esprit à chacun, pour la naissance d’un monde meilleur; c’est dans notre esprit à chacun que «la fin du monde» a lieu. Car celà, nous devons le savoir, ce n’est pas avec nos anciens repaires que nous y arriverons, mais avec une toute autre conception des choses.
Or, nous sommes maintenant dans une impasse. Il n’y a pas de limite à notre appétit, et nous n’arrêterons pas avant de frapper un mur. Pourtant, mur il y a , et nous le frapperons, ce mur. La nature que nous avons dérangée nous rendra la monnaie de notre pièce; les guerres que nous aurons provoquées viendront nous rejoindre dans nos foyers. Pourtant, au bout de la noirceur, tout au fond, il y aura bientôt une lumière qui commencera à poindre. Cette lumière est ce qui nous conduira vers l’aube, et bientôt, au fil des siècles, nous verrons le jour éclater sur nos têtes.
*
L’Homme et la nature:
par quoi le Grand Oeuvre s’accomplit
«En vérité,
celui qui connaît Brahman
devient lui-même Brahman
et tous ses descendants
sont également appelés
à connaître Brahman.
Il transcende la souffrance
et l’influence du mal.
Les chaînes de l’ignorance brisées,
il jouit de l’immortalité[35].»
Mundaka Upanishad
*
Jésus, est en quelque sorte une véritable métaphore de toute l’Humanité, une métaphore réelle qui prend tout son sens dans le Grand Oeuvre. Le «Fils de l’Homme», c’est le premier homme, tout simplement, le premier mais non le dernier.
Dans la religion musulmane, Iblis, cet ange du Ciel qu’on peut assimiler au premier ange déchu, a refusé de se prosterner devant l’Homme lorsque Dieu le lui demanda, en soutenant qu’il ne pouvait se prosterner devant quelque chose fait de boue alors que lui était fait de feu. Pour cette raison, il a été jeté sur la Terre, avec tous les autres anges qui l’ont suivi, car si l’ange que nous qualifions maintenant d’ange du mal et de «père du mensonge», a refusé de se prosterner devant l’homme, c’est devant le vouloir de Dieu qu’il a refusé de se prosterner.
Pourtant, contrairement à ce que beaucoup de gens peuvent penser, à commencer par Iblis, c’est à travers l’homme que le Grand Oeuvre s’accomplit, selon le vouloir suprême. Dieu n’est pas loin et séparé de nous, Dieu est en toutes choses, il est immanent et transcendant. Mais si Dieu est donc en nous, si nous nous donnons à cette composante de Dieu en nous, nous réalisons alors le vouloir de la Totalité.
*
La communion
«L’Absolu et le relatif –-
celui qui les connaît ensemble,
par le relatif devance la mort
et par l’Absolu gagne l’immortalité[36].»
Isha Upanishad
*
Lorsque Jésus a parlé à ses disciples, au sujet du Deuxième Temple de Jésuralem, il a dit: « Détruisez ce temple et, en trois jours, je le réveillerai[37]». Il est aussi dit dans l’ancien testament que mille ans est comme une journée pour Dieu («Oui, mille ans à tes yeux sont comme le jour d’hier qui passe[38]»).
Ce temple, détruit en 70 après Jésus-Christ, a donc été détruit il y a deux jours pour Dieu. Mais l’homme connaîtra le troisième jour, et à la fin du troisième jour, le Temple réapparaîtra –» un nouveau ciel et une nouvelle terre» surgiront- et ce Temple sera le monde.
D’ici là, il faudra se battre, avec l’arme de l’amour, car la véritable lutte se fait au dedans et par nous.
*
Références :
[13] Extrait de l’Isha Upanishad, tiré du livre Les Upanishads, commentaires par Alistair Shearer et Peter Russell, Traduction de l’anglais de Gilles Farcet (1991). Paris: Éditions A.L.T.E.S.S., p.28
[14] Jacques Languirand et Jean Proulx (2009). L’Héritage spirituel amérindien. Montréal: Le Jour Éditeur, p. 133
[15] Emmanuel Anati (1999). La religion des origines. Paris: Bayard Éditions,
-
162-163
[16] Dialogues avec l’ange, édition intégrale, Un document recueilli par Gitta Mallasz (1990). France: Éditions Aubier, p. 353
[17] Sogyal Rinpoché (1993). Le livre tibétain de la vie et de la mort. Paris: Les Éditions de la table ronde, p. 323-337
[18] Sogyal Rinpoché (1993). Le livre tibétain de la vie et de la mort. Paris: Les Éditions de la table ronde, p. 323
[19] Jacques Brosse (1998). Les maîtres spirituels de l’humanité. Paris: Larousse, p. 13
[20] Sogyal Rinpoché (1993). Le livre tibétain de la vie et de la mort. Paris: Les Éditions de la table ronde, p. 383
[21] Sogyal Rinpoché (1993). Le livre tibétain de la vie et de la mort. Paris: Les Éditions de la table ronde, p. 382
[22] Jean Prieur (1997) Toi, le seul vrai Dieu –brève histoire du monothéisme. Chambéry: Éditions Exergue, p. 90
[23] Sogyal Rinpoché (1993). Le livre tibétain de la vie et de la mort. Paris: Les Éditions de la table ronde, p. 341
[24] Saint Augustin, traduction de Pierre de Labriolle (1969). Confessions (Livres IX-XIII). Paris: Les belles lettres, Livre XI, chapitre XX, p. 314
[25] Évangile de Matthieu, Bible Chouraqui en ligne, 24:3-24:22, tiré à la date du 5 novembre 2013.
[26] Apocalypse, Bible Tob (1988). Corée: Société biblique canadienne, chapitre 21:1-4, p. 1814
[27] Michael D. Coe (1999). The Maya. London: Thames and Hudson, p. 201-203
[28] Hopis. Dans Wikipedia. Récupéré le 13 novembre 2013 de http://fr.wikipedia.org/wiki/Hopis
[29] Geoffrey Parrinder (1971). traduction personnelle. World Religions – From Ancient History to the Present. New York: The Hamlyn Publishing Group Limited,
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178
[30] Daniel, Bible Tob (1988). Corée: Société biblique canadienne, 12:3-7, p. 1093
[31] Denise Masson, Le Coran (1998), Saint-Amand: Galllimard, introduction: LXXV-LXXVI.
[32] Jacques Brosse (1998). Les maîtres spirituels de l’humanité. Paris:
Larousse, p. 63
[33] Le grand livre de la Cabale Magique –Guide et applications pratiques fondamentales. Paris: Éditions Bussière, p. 193-194.
[34] Malachie, prophétie des Papes
[35] Mundaka Upanishad, tiré du livre Les Upanishads, commentaires par Alistair Shearer et Peter Russell, Traduction de l’anglais de Gilles Farcet (1991). Paris: Éditions A.L.T.E.S.S., p.54
[36] Isha Upanishad, tiré du livre Les Upanishads, commentaires par Alistair Shearer et Peter Russell, Traduction de l’anglais de Gilles Farcet (1991). Paris: Éditions A.L.T.E.S.S., p.28
[37] Livre de Iohanan (Jean), 2, 19, Bible Chouraqui en ligne à la date du 5 novembre 2013.
[38] Livre des psaumes: psaume 90, 4, Bible Chouraqui en ligne à la date du 5 novembre 2013.
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Conclusion
La religion de l’amour
«La graine de la compassion germera, pour peu que vous la plantiez dans un sol fertile, c’est–à-dire une conscience pétrie d’amour. Quand vous aurez ensuite abreuvé votre esprit à la source de l’amour, vous pourrez commencer à méditer sur la compassion. La compassion, dans ce cas, se résume au simple souhait de libérer tous les êtres vivants de la souffrance[1]. »
le Dalaï Lama
l’Art de la compassion
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Le jugement
«Toutes ces choses sont des masques. Quand les gens passent hors de ce monde et voient le Roi sans masque, ils comprennent que toutes ces choses étaient des masques et des voiles. En vérité, leur idéal était cette seule Chose: toutes les difficultés sont résolues grâce à cette mise à nu. Toutes les questions et les problèmes qu’ils avaient dans le coeur recevront solution et seront dévoilés. La réponse de Dieu ne consiste pas en ce qu’Il répond à chaque difficulté individuellement et séparément. Avec une seule réponse, toutes les questions seront éclaircies et les difficultés résolues[2].»
Rûmî
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Ainsi qu’il a été affirmé tout le long de cet essai, la lumière est universelle, toutes les religions sont une, car chacune récèle une partie de lumière et de vérité et donc, la seule véritable religion les comprend toutes, car c’est celle de l’Amour de toute chose. Et l’homme, qui est un animal, a pourtant le devoir d’être berger des autres créatures, et de se faire «le jardiner d’amour» (Tagore). Son rôle est d’aimer toutes choses, de contempler la Vérité avec ouverture et sans dogmatisme. C’est ainsi que l’homme doit ultimement s’abandonner au Tout, ou comme le disent les bouddhistes, s’éveiller, ou les Chrétiens ou les animistes, découvrir l’Unité, pour à son tour en éveiller d’autres, car même si nous la souillons, la matière est en réalité bénie depuis le début des temps. Il est temps qu’elle retrouve sa sacralité divine.
Le Temple, contrairement à ce que certains croient, n’est pas l’église ou la mosquée; le Temple est la matière, et la Divinité est l’âme qui l’habite. Le monde au grand complet est donc le Temple, et il est de notre devoir et quête de rechercher et de trouver l’Amour en tout, et de percevoir la vérité dans toutes les révélations et tous les savoirs. La lumière est donc en toutes choses, et est soulignée même par son contraire, qui est l’ombre et le mal, des richesses en soi car ils nous purifient et nous rapprochent de Dieu.
En fait, l’homme et notre destin commun sont synonymes du verbe communier. Le dernier jour du monde dont il est question dans ce passage, n’est que le premier jour, en fait, qui est la venue au monde de l’Homme, soit l’homme en symbiose avec Dieu, qui n’est pas encore né:
L’âme « attend donc avec avidité ce dernier jour du monde, car elle a perdu ce vêtement qu’elle aime, et qui est son propre corps: quand elle l’aura recouvré, elle verra avec les anges la face glorieuse de Dieu. Alors les anges reprendront leurs célébrations, comme ils ont été enflammés au premier jour à la suite de l’issue victorieuse de leur combat. Ce n’est qu’après le dernier jour qu’ils pourront célébrer Dieu dans la perfection, car ils chanteront les nouvelles merveilles de l’oeuvre de Dieu, l’homme. Ils frapperont alors leur cithares dans l’enjouement et dans la gloire. Aucune lassitude ne les affligera. Jamais ils ne faibliront. Jamais ils ne cesseront. De même qu’ils désirent contempler sans jamais céder le visage de Dieu, de même ils ne cesseront de s’étonner des oeuvres que Dieu a accomplies dans l’homme. Telle est en effet, comme nous l’avons dit, la forme de l’homme, en son corps et en son âme. Elle est, elle existe en tant qu’oeuvre que Dieu a accomplie de concert avec la totalité des créatures. C’est ce que Jean a écrit sous mon inspiration, dans le premier chapitre de son évangile... L’homme est le vêtement que revêt mon fils en sa royale puissance, afin d’apparaître Dieu de toute création et vie de la vie... Dans la forme de l’homme, c’est toute la totalité de son oeuvre que Dieu a consignée[3].»
Les dogmes des religions, malheureusement, constituent des murs qui séparent chaque message de vérité de l’autre, et pourtant, la Vérité, qui peut être divisée en autant de parties que l’on veut -et cela, même si nous la divisons fréquemment- est en soi indivisible et unique. Mais, ainsi que je l’ai dit de multiples façons à travers ce livre, il est grand temps de réaliser notre nature divine et de s’éveiller à la Totalité. Pour la voir, il suffit d’abandonner les murs et les dogmes, et plutôt rejoindre la religion de l’amour, cet «amour qui meut le soleil et les autres étoiles[4]», qui est sans murs et dont le temple n’est rien d’autre que l’univers aux frontières infinies. Et donc, si toutes les religions viennent d’une seule source, c’est également à une seule source que l’homme doit retourner. Et c’est alors, dans le creux du cocon de la mort, dans les poussées de la douleur, alors que nul ne s’y attendra, que viendra enfin la naissance de l’Homme.
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Références :
[1] Sa Sainteté le Dalaï-Lama (2002). le, l’Art de la compassion. Paris: Éditions Robert Laffont, p.82
[2] Rûmî (1982). Le livre du dedans. France: Actes Sud, p. 60
[3] Hildegarde de Bingen (2011). Le livre des oeuvres divines. France: Éditions Albin Michel, p. 261-262
[4] Dante Alighieri, traduction de Jacqueline Risset (1992). La divine comédie: le Paradis. Paris: Flammarion, p. 315
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