
À la ficelle Des îles
L’oiseau rouge
Au début était la cage blanche
d’où surgit la blessure
fleur fiancée
au vide
bouche de laquelle sortit
un oiseau de sang
Un mot surgit des chairs
un arbre étincela du sol des réels
après la mort et le nid de cendre
de la graine du corps
bouquet blanc
au centre du grand feu
L’oiseau palpita
battement de silence
échoua aux chapelles des grands souterrains
jusqu’aux prisons du fleuve
tomba aux rafales
issues des premières fables
qui
tissèrent le monde
Et dans les tiroirs de l’ombre
un autre oiseau brûlait aux lèvres de l’absence
et de son chant giclait
comme un venin mielleux
murmure qu’entendait
en son coeur la blessure
Parmi la geôle rose
la braise fut liée
au coeur de la vieille créature
l’oiseau de feu chanta
le sens
répercuté parmi toute présence
Le vin fut purifié à même le levain
et dans l’alcôve de la terre
le désir surgit
des courbes d’une femme
La foi devint désert
puis océans
La volonté seule se dressa
fauve
en maître du bocal
Tous les soleils rassemblés
bercèrent l’orage
dans la cache de la mort
Ils ont voulu la plume de paon
l’appétit des châteaux
détresses du lion
ils ont reçu la cendre
Ils ont poussé vainement
la pierre
mais échappé le souffle
dans l’âtre de la lumière
ils ont placé le monolith par dessus le
dos des esclaves
et fait vibrer des palais
où les hommes s’accroupissent
pour un baiser pour une bonne pisse
Ils ont nié parmi la grandeur de l’horizon
le murmure de la sève
Les reflets auront porté
le cantique des bêtes
à l’oreille branchée à la douceur de vivre
le trou noir
aura fait des rayons tombés
ses enfants
Les talismans fanés
le bijou auront étourdi aveuglé la foule
médusée
par le règne de l’écran
Les peuples réduits à l’esclavage
auront les poignets liés
par le simple murmure
du miel noir
chanté dans leurs veines
Mais puisque l’homme en naissant
posa son pied sur la pierre
et dans les colonnes
imposa son sexe
imitant le son du cobra
quand il croît
Il marcha sur les vignes
pervertit le mot
gardien du savoir
La femme ayant refusé d’embrasser le venin
elle reçu alors
le sort de la terre
Mais le livre avait déja été écrit
dans sa chair
rayonnait
en chaque être
vivant
et la meurtrissure était son banquet
souillé de pleurs et de vents
L’oiseau rouge
apparut d’abord timidement
ainsi que l’éclair dans la forêt
à travers les mots blancs et noirs
miel dans les ruisseaux
couleur dans les saisons
emmenant avec lui
l’idéal du sang
L’oiseau est couché muet
dans la vague du gouffre
et récolte la blessure
Le cycle du courant
propage le mot de source
une bible écrite
au scalp du limon
la main gauche oubliée
la main droite marquée
découpant la plaie
La soif a ri de lui
l’a tissé en sa rage
dans la mer de sa sombre oraison
Tous les baisers donnés
à la mante
brûlèrent sur le bûcher du corps
bien que sa salive eut été sincère
Seul le fumier raconte
seul le crottin révèle
ce que l’être dissimule dans sa veste
aux fissures de l’histoire
La voix seule
est miracle
dansant sur la matière
Les astres brillent tous
d’un silence oublié
l’homme rayonne l’or
mais l’or est indigeste
et détruit les royaumes
du beau et du vrai
C’est à la dernière heure
que culmine la danse
l’obscur tremblement
et que les pôles vibrent
depuis la première plaie
trop longtemps ignorée
Le bonheur tressaille
à chaque violence
de la bête mystérieuse
L’absence et le sublime
s’aiment en une même chair
dans un lit de lumière
De l’antre du fruit lacté
l’oiseau noir est issu
et il git étalé
désert de sang
cérémonie de vide
comme un faux crucifix
aux quatre coins du vivant
La mer monte
engouffre le silence
Le monde est muet
Le drapeau des toîts d’or
chute comme une pierre
est remplacée
par le chiffon
ayant nettoyé les corps tombés
L’ombre connaît
sur son fil coupant
le trot du flot lacté
le cratère est
embrassé
par le vent
le sacré ramené aux lèvres de la voûte
L’oiseau parle enfin
du miracle de son vol
Et l’oeil qui voit peut voir
derrière le sein perlant
du monstre terrassé
tout un rivage blanc
laissant deviner
l’univers sous le voile
Le mythe de l’argile
réuni dans la fable
la grenade
chair de vie
est enfin
dégustée
la joie
oeuvre complète
est eau et feu de camp
Et les anciennes colonnes
soutenant l’empire
la vision sans croyance
l’acte de l’habitude
sont déja tombées
au tribunal du moment
jugées par le courant
Et l’oiseau charbonneux
maintenant empourpré
percé
depuis l’abîme
s’en va vers le jardin
non encore initié au coeur et à l’épée
fondus en une chose
dans l’être rassemblés
ou un autre serpent
chante
et chantera
la cage blanche
II
Peaux mortes
Au puits des existences
Mes cantiques éteints
cherchent couchers de soleil
Je suis jardinier de sangs
riant aux larmes
pleurant les feux de joie
Je trie mes peaux mortes
pour l’amour du brasier
Brodé à chaque segment charnel
au noir de notre sang
comme à un veston
d’âme
le néant intrinsèque
nous creuse
comme un puits
de joies
de douleurs
La sorgue nous dévore
d’intimes volontés
Chétifs nous avançons
aux allées dénudées
au temple de notre perte
par notre heureux sentier
de mort et de vie
Nous serons la fleur
née des pourritures de nos entrailles
retournée à l’humus
depuis sa céramique
Notre vie se fond déja
larme de sel
aux chairs vives de la terre
présence intemporelle
au sein du vieil oeuvre
L’âme
depuis ses couches
lumières sombres
miroirs réflétés
tonne dans la nuit de son cosmos
depuis sa nature
Sous la mouvance des luminaires
le vin mûr des années
bourgeonne
dans ma poitrine usée
poussières de soleil
*
Frontières
Quand on trouve le chemin du sang
il faut l’abandonner
car le sentier est ivre de notre peau
À crier l’infini
entre deux combats aux grandes écorchures
l’espace d’un sourire
l’ange est tombé sur toi
Tu créeras déserts de vie
au milieu de l’abîme du corps
plus d’eau dans ta gourde
plus de sourires dans ton front de lumière
Le sommeil est le cercle de corail
des bas-fonds
le médicament d’ombre
l’eau des ensommeillés
dont l’éveil
est le seul sevrage
Les machines s’affairent
pour boire le sang mystérieux
des mères
Ils grapillent leurs forêts de jade
découpent leurs étoiles
brûlent leur sève noire
torturent leurs cheveux de bois
arrachent et pillent leurs côtes incendiées
déchirent leur chemise
Mais qui donc voudra
après ce massacre sans coupable
dans un anonyme baiser
coucher avec la mort
*
Rivière
Dans le terroir de mes vies
je suis myope
voyant
aux yeux d’émeraudes
Je suis les rivières dans les replis de l’enfance
ridé par le vécu des lèvres
et du courage
par mes feux oubliés dans leur dernière braise
Le fleuve s’apaise
fleuve d’amour quêtant les cascades
dans la noirceur des eaux sacrifiées
cherchant les chemins aux buissons du verbe
parmi le maquis de l’intérieure ruine
Je porte les cornes en spirale
les bois l’instinct
de mon sein jaillit
chemin
de lumières
Je bois à l’aurore
une vieille source
Je cherche lueurs
de sentiers
dans l’écorce de l’esprit
et me retrouve dénudé
au paquebot de songes
barque de mon silence
Le cerf brame en mon coeur de grands échos
aux corridors des forêts
aux noeuds de l’âme
Le feu rougit le jaune dans la poitrine
grange
ma caboche de paille
Nu dans son absence
par les coeurs boisés
le rire éclate
L’orage devient bûcher
parmi les neiges d’automne
J’aboutis
fuyant la peur
aux pâturages
la meute
sur mon corps
au concile
d’obscures constellations
Dans mon panier de coeur
j’aurai cueilli des fruits
baies rouges
épis de moissons
entre la pierre et l’eau
À chaque fois
pierres
terres ancestrales
sur la jetée de l’esprit
l’amour
comme un archipel
périssent et renaissent
ainsi que le courant
Par les pistes d’un horizon conteur
je me sens décoller
dans l’âtre de la vie
multiple et voyageuse
le fleuve
cérémonie
d’ardentes criques
*
Écrire les reflets
Amour constellé
îlot de sangs
derrière tes yeux
je vois les labyrinthes
les mythes et les miracles
sur la mémoire
ouverte
des milliards de sentiers possibles
Artères
aux terres fragiles
profondes de notre corps
brillent soirs cendrés
terres brûlées
les sphères dénudées
la présence
Par la voie sans source
j’écris les reflets
le beau et sa misère jaunissante
chants des gouffres
Horizons
voyez
je suis oiseaux creusés
coeur sableux
au centre de la terre
et mes pioches tombent
sans trouver la rivière
Je m’évade
aux jardins de feuilles
au passage du silence
dans la ville secrète forêt décloisonnée
complètement saoul de printemps
Constellé
fouillé de noirceurs
les astres criaillent
dans mon être noyé
d’immatériels voyages
Je me retrouve en moi
chercheur de miracles
ailerons dans la tornade de chairs
dans un vide étoffé
à chercher le comment
Le réel est sens
voie
Je suis mime comme toi
*
Corps chambre noire
La lumière n’enseigne jamais
de force
même au carnivore
*
Canyons cendreux
ravins de l’âme recherchée
vols braisés
condors palpitants
oiseaux sans chemin sauf celui des cercles
coeurs tournoyant sur l’amour
la vivante charogne
Tu nous attends derrière ta serrure
en ta forteresse de chants
aux lanternes de l’âme
aux grands volets
corps chambre noire
J’apporte une goutte amère
sur arides étendues
qui ne connaissent pas le grain de pluie
Bruni par les soleils
blanchi de lunes
quand le rayon s’endort
dans notre corps aveugle
la nuit revient en nous
fière de ses mielleuses chandelles
De réveil en réveil
de nuit profane en nuit sacrée
dans mon antre de sens
j’invente le jour
faisant du rappel
au gouffre des solitudes
retrouvant mon être ivre
muet comme une source
*
Je suis la crypte froide
En attente de l’arme lumineuse
marchant
sur le printemps
le givre
attendant
qu’il perce
mon armure de glace
la couche de fourrure de mes hivers rudes
moi la nuit en sarcophage
aux ailes
du psaume vibrant
rose
Dans mes toundras
enchaîné de lichens
digéré
d’alcools rouillés
je suis la crypte froide
Je nais
dans la chaleur
des feux de camp
ciel où naissent les eaux pures
et les flocons de braises
Dans la nuée
au premier murmure
sans répit
dans l’errement
à la ficelle des îles
désossé dans mes chairs
je sculpte le vol
de bernaches quittant l’âme
dans le ciel des matins
Les oiseaux nous murmurent
les forêts les rivières non barbelées
les armes à emprunter
pour la marche vers le sang
Dans le rosé des vies
la foi est plus grande
que l’astre
L’espoir est le hasch
des désespérés
III
Ma terre de laits
Ma terre de laits
Terre femme
ton sexe est mon fleuve de limons
ta mouvance me porte aux terres ancestrales
Ton sein est le volcan
de mon enfance gardée de statues
Femme je reviens vers toi
armé de la torche carnée
de ma blessure
ma solitude tisonnée
tranchante
le pain de mon poème offert
En fait ma parole de saumure
git masquée sous ta robe
rosée de lèvres
Ton alvéole est la perle de mon baiser
Mes mains sont sur toi de vieux chemins
Mon chant est le lait
qui gicle sur ta peau
À chaque grain de ton chapelet
à l’antre de ton rayon
à ta grasse découverte
je me perds en poèmes gisant sous le nid
Une île qu’on n’a jamais pu trouver
étant trop préoccupés à en chercher une autre
à la serrure des grands territoires
l’océan sans fond sein qui pointe vers toi
Sous la la lune glacée
de mon corps de vieux garçon
à la lumière de ma déchirure
vers toi je porte l’eau des canicules
toi la grande étincelle
tricottée entre Ste. Cat et St. Denis
entre le franc parler d’Hochelaga
et le ventre de ses tavernes d’écorces
caché sous ton sein sous la pierre
*
Souffrances constellées
Paons douleurs
cherchant soeurs traversières
mer découpée entre toi et moi
océan ta présence
Dans mes grands tiroirs
la chair de mon repas
corps fertiles
passion offerte
moi le battement d’aile
un sable dans l’oeil du soleil
morsure des déserts
aux ailes de lumière
Comme une marée
je me suis étalé à l’ombre de la pourriture
au mythe buissonnant de la terre
J’ai bu
seins vampires dans la nuit
l’oracle de la chair
éveillé le trésor des poitrines
le lait l’or qui coule entre les mains
la vie
le sable
Ma place est
en la courbe
j’y vis et j’y respire
en chaque versant de mot de rivière
écorces de prières
comme en faisant en même temps l’amour et la mort
En désirs dédales de communions
chair priée
de rêves illuminée
ton corps cathédrale
L’ombre est un palais de verdure
Ma lumière est le velours de ta rose
Au large ta nudité
Aux robes de l’amour
souffrances constellées
corolles de nos lèvres unies
murmure dansant
sur ma blessure
ta voix expirant
*
De l’orage à l’étoile
À ma lèvre mûre
à ta chair bourgeonneuse
j’ai lié la cérémonie de la sueur chaude
l’orage à l’étoile
miroirs de l’étendue
l’orchestre de notre secrète proximité
J’ai vu sur ma peau
la peau de celle qui vient
et derrière le silence
ta propre lèvre creusée
le monde en agonie
La fête de ton corps
banquet à semer
traffic de lèvres au corps de la terre
Je lace la brise à la braise
la pluie à la semence
Ouvre-moi tes lagunes
toi le grand désert
Mon cheval fut monté
au sourire de tes fruits
Sais-tu
femme
tombant en mon buste territoire
mon sein de grottes et de forêts
devant la profondeur des vieilles choses
toi qui es le nouveau
ils ont tout fait pour faire pourir le sourire
au ventre de l’étoile
Les oiseaux
ont dispersé le ciel
dans chacune de nos ailes
Nu jusqu’à l’errance du mot
je suis aussi vrai que le silence
parmi le tumulte et le bruit de la mort
tu me comprends déja
dans ma parole à vif
Ouvre-moi le vif des bouches
et des oreilles
Ta poitrine délicate
entend pourtant le chant amoureux derrière
la gorge de ma rivière
*
Vérité de la chair
L’auberge de ton corps de vos corps est risquée
En laçant mes échos
à l’oreille du mouvement
ma danse sur la rivière dévorée de nous
je marche sur le vide
cadavre de vents squelette de peaux
Je souris au sang séché
comme une toupie sur ton mirage-monde
mis au dépotoir
Fantôme d’un cri
mon corps brûlé
offre l’abîme à la terre
en guise de présent
et le vert au bleu
soulève la voie précaire
l’océan âme
voile des steppes
noces de la vague au sable
et de la chaîne au pied
montagne puisée aux ruines d’un univers
Ordures de la moelle
mort fleurie
os d’étoile
sexe invité couvent de fourrures
ton oeil entonnoir blanc
qui mène à la lumière de ton corps
cuisses écloses
baiser d’orages blessés
je couvre de mon désert
Au coffre de la hanche éprise
est un soleil délicieux
que je te laisse savourer
Je parle la langue de l’horizon
la langue de la glaise
à toi qui porte ma chemise
Je récite la prière du vivant
Je porte le coeur venteux
vénéneux
et lève l’amour ardent
Vérité de la chair
au jour de la rencontre
et la soif du tambour
réclamant l’amour dans son oeuvre de silence
bourdonnera le récit
de l’abandon
la lippe à la mort
La nuit est une rosée sur l’âme
coquille d’un cosmos
dégusté par des chiens vivant dans l’étoile
nuit qui peine à naître
parmi le nocturne cadavre
de la vie
mouvante
Je porte la nuit des grottes
le silence de l’apôtre
des tresses longs cheveux à couper
pour que les colonnes suivent le chemin de l’abîme
Je porte le rouge lys
l’olivier entre les dents
non pour séduire la femme
mais pour écouter le coeur
briseur des tables
Je suis le semeur de pierres
et de briques
de la nouvelle cité faite d’oracles et de vents
ma tête coupole
vêtue du chapeau pour ne pas prendre l’ombre
Je suis tout un chacun
le un et le tous
J’étreins le chardon
dans la cendre des veines
Mais j’ai mal à l’amour
Ma couronne est de rocaille et de mousses
spongieuse
comme une volonté
trop lourde pour porter le monde
*
Semences
J’habite le printemps
L’aurore est mon ruisseau
où je me baigne parfois
Je suis le vide et le clair
le creux et le plein
Je sonde les territoires
du gain et de la perte
l’oeuvre intemporelle
le délicieux jardin
Tu as la volonté de l’aurore
et la puissance de l’eau
mais le coeur de l’énigme
est le geste de l’absence
As-tu perçu l’arbre grandissant
Tout cela est à refaire
Je suis le couteau masqué
Tes semences de diamants
ô tigre de cristal
ton chant de jade
foisonne jusqu’à l’outrage
de l’homme et de l’ange
Tu fusionnes parmi la nouveauté des cîmes
au front chauve du ciel
royauté du vrai
La nuit crue dans le gosier de l’âme
les vastes océans
prisons du sang
sont des murs à franchir
comme les galaxies
fleurissant ficelant les destins
Ta passion indigeste
venin blanc
détruit
en créant des symboles
drapeaux et frontières
encore plus brutaux
que l’homme de ce monde
pour encore mieux mal vivre
Les portes ouvertes de tes campagnes
sont des chemins mûrs
la salive de l’astre
la sensuelle violence
un lion indomptable
me livre ta peau
festin à déguster
La liberté radote comme un petit garçon
qu’elle est la seule
alors que les jardins pourrissent sous son empire
aux barreaux calcifiés
mais le présent demeure
Ton cloître salé
tu caches
tes baisers gardés
ivresses aubépines
dans des cachots muets
comme un oeuf
le monde bourgeonneux
*
Chorégraphies
Faisons l’amour Silhouettes
fantômes et vents d’écumes
alcools sur la toundra des chairs
la salive sur la framboise
sein blanc
au plaisir des lèvres
Oui j’avais autrefois une amante statue
Je l’ai gardée dans ma chambre bleue
toutes ces années de poussières
mais elle a fini par s’enfuir
par les coulisses de ma rouge demeure
et il ne reste maintenant
que sa nudité
comme chorégraphies
sur l’estrade de l’aorte
Des entrailles de la terre
de la clameur du corps
la beauté bourgeonne
un lys fleuri
jusqu’au palais des mondes
de l’âme qui ne voit plus
La volonté
me pousse à aimer
par la souffrance et le lien gagné
Ma maison est la rive
où tu t’es éteins
Quand tous les chemins seront anéantis
au large du vivant
et que la lumière
aura abandonné la lutte
il faudra savoir
que le rayon est là dans l’ombre
et que bien d’autres luttes viendront
ici et au delà
sous le vent terrestre
IV
J’attends que la tempête passe
(2017)
Je porte la marque au front
et j’attends que la tempête passe
Du haut des sphères, des murs, des palissades
ma chute n’a pas créé de vol
or c’est en tombant que je suis venu à la vie
J’ai fumé d’obscurs calumets
le long des frontières perlant vers d’autres inconnus
*
La culpabilité dans le sang
j’ai ouvert des mondes et la folie
s’est répercutée à force de fumée
Je n’ai pourtant pas de faute à donner
ni de faute à vendre
La faute est à tout le monde et à personne
or elle se fait sentir
et chacun porte son fardeau et reconnaît les chaînes
qui lui sont dues
*
Ce que je suis
je ne le suis pour personne
Je n’ai pas de drapeau au bout de ma vie
comme un État-nation ou une compagnie je n’ai pas de logo
Ma nuit ne comporte pas d’enseigne
ni mes rues de lanternes et mon coeur de lampions
Mon jour est selon mon humeur
Si les lumières s’allument
ou si tout est éteint
*
Je ne suis ni bouc, ni agneau
non plus loup ni puma ni kodiak ni chèvre
Je ne suis pas tarentelle ni fourmi ni coquerelle
ni cobra
Je suis simplement le nouveau-né qui braie
Parfois, le moment m’imprègne
alors que pas une ficelle d’émotion ne règne
en mes poumons
Je n’entends plus le rire et les pleurs des cités
*
J’ai la marque au front et j’attends que la tempête passe
et si je pouvais également la voir passer sur le front
de mes frères et de mes ancêtres...
Si je pouvais être avec eux
soutenir leur poids
être leur confident
provoquer leur rire
*
Je me suis évanoui un jour, un soir
Je suis tombé sans doute
ma tête s’est fracassée sûrement
sur les miroirs
les lèvres sur les trottoirs givrés tout au bas des ciments
J’ai caressé ma ruine et aimé le gravier
J’ai joué aux échecs avec le cyclone
nu dans la ruelle
le temps de revenir
le temps de redevenir
*
J’ai porté le masque d’Agamemnon et le lampion des maladifs
Or qu’y a-t-il dans ce masque?
Il y a, il y avait
l’orgueil déplacé du roi,
dans les plis de sa figure, et dans son nez
il y a, il y avait
des larmes non relâchées
Dans ses yeux,
il y avait des taches de sublime provoquées
à force
de trop regarder,
et dans son front
il y avait des dés
qu’on doit jeter à la fontaine ou au moins
à la rivière
Sa chevelure était une poignée de cordes
avec lesquels on peut tenir mille combattants
devant un château perdu d’avance
avant de
se laisser porter par les vents
derrière les îles
*
Je porte la marque au front
et j’attends que la tempête passe
et qu’y a-t-il dans cette tempête?
un puissant fardeau
Et qu’y a-t-il dans ce front?
que l’arme chaude des marées
et l’odeur rauque des méridiens
*
J’ai une statuette
Elle ressemble étrangement à mon double lorsque personne ne me regarde
Je me sais vivre au delà des grands fonds et des tiroirs
où je m’enterre
mais depuis l’intérieur des cordes
vibre ma grande détresse
un désespoir qui rugit tout en haut des usines
parole fauve
inaudible pour quiconque ne sait parler la langue des tigres
et qui éblouit le passage qui me prend
*
Je suis né au bas de l’étoile
et j’ai longtemps creusé des précipices
éblouissants
et mes lèvres sur des vaisseaux s’est collée
des blocs sont tombés sur ma nuque à peine
effleurée par le repos
*
La paix s’est envolée ainsi que l’étoile qui me berçait
Ma chaloupe s’est enfoncée
et les eaux de pluie qui lentement s’évaporent
m’ont laissé sur la grève
Mais la ficelle s’est défaite. Et l’oiseau est tombé
jusqu’au bas des lunes et même si le soleil l’a ramassé,
il n’a pas vu le fruit perler, la pulpe qui coulait vers
l’ombre de sa chute
Il n’a pas senti la pluie à la surface des vitres lui transpercer le corps
et son esprit chuter au bas des ruisseaux
Il n’a pas vu l’amour le malmener ni son bateau couler vers des pays plus sombres
*
J’occupe une terre ancienne
une terre éloignée
fertile mais désséchée en raison du soleil
et inondée en raison de la pluie
Je ne porte pas la marque aux pieds ni à la poitrine
ni le fer au sang
mais la rouille de la terre orne quand même mes chevilles
Je n’ai pas de cicatrice mais un baume sur la main
et ma plaie est césure que des greffes de métal
ont contrainte
et c’est pour cette raison que personne n’ose le dire
*
Alors, si je tends les poings vers les infinis
et vers les frères et soeurs pauvres de l’aventure humaine
je porte la marque au front
et cela n’est pas coupure créée par l’étoile du berger
J’attends que la tempête passe
qu’elle se découvre
dénudée
Je ne sais pas pourquoi j’écris
parce que j’ai le cri au coeur
et le bras à même les eaux
Je porte la marque au front
et j’attends
que la tempête passe
*
J’ai gueulé
tant gueulé déja
dans le silence des foules
parmi le bruit des vivants
j’ai gueulé pour ne pas m’assassiner en me mariant au vide
Mais que puis-je faire de plus
que léguer ces empreintes?
Mais ce cri ce chant
si personne ne les écoute
ne laisse croître le coeur
et même le cri se perd dans les voûtes
*
Si personne ne les écoute
personne ne goûtera
mais la chair restera salée...
Si personne ne les écoute,
le mal se répercutera de mal en mal
et de pis en pis
mais tout sera comme de coutume
La chair deviendra mauve
et elle goûtera la chair de la baleine
*
Je porte la marque au front
mais qu’y a-t-il donc dans cette marque?
Le sourire du vent
le sceau des peuples esclaves?
le temps qui vient se reposer
au silence des plages
*
IV
Fumiers pour l'élite
(2006-2018)
J’ai une femme…
J’ai une femme
aux seins des gourmandises
de poitrines de crèmes fouettées
aux alvéoles de champs de coton qui m’obéissent
du bout des mamelles
J’ai une femme à faire valser les vents
à faire s’éclater les ballons
et casser les ponts
J’ai une femme sans pardon ni serment
J’ai une femme célèbre avec de
grandes étoffes et des mini-jupes
J’ai une femme de merisiers
une femme de psaumes
une femme bien grasse comme on les aime
aux hanches des vieilles Vénus
aux lèvres de champs de mûres
aux yeux de cieux purs
aux lèvres d’occasion
J’ai une femme silencieuse pour dormir en hiver
une femme calme comme la mer
pour placer son bateau vers de lointaines
contrées
*
L’ancien guerrier
J’ai réuni ensemble tous les déserts
et tous les fleuves
et j’en ai fait une armée
ma cavale
J’ai ligoté les lions et les géants
J’en ai fait ma couronne
J’ai embrassé les lèvres
Je me suis baigné dans ses repaires
J’ai empli mes gourdes de sa nudité
Puis je suis parti en guerre
contre les armées sans nombre
La Perse et Rome réunies
Maintenant
j’ai perdu ma langue pour parler
et je ne converse plus qu’avec
le vent
*
Mes plaies
Mes plaies
blessures fluviales
où viennent boire les oiseaux
mes plaies bateaux coulés
Mes plaies de silences
et de portes éventrées
Mes plaies de coquillages
pour entendre la mer
et les monstres des bas-fonds
mes plaies de morsures
de gibier et de prédateurs
mes plaies de chapelles
nids d’orages
mamelles où se noient les enfants
des mères du monde allaitant les tempêtes
Mes plaies de fers
aux mains des esclaves
aux bras des vaincus
Mes plaies de poignets brisés
et de rames
au fer rouge et au charbon
mes plaies d’idoles et de tyrans
mes plaies de maîtres
mes grandes plaies
de drapeaux souillés
et de nations palpitantes
Mes plaies de vins
mes plaies de noces
Mes plaies d’âmes soeurs
Mes plaies de sèves et de festins
Mes plaies de douleurs fermentées
Mes plaies de banquets
aux bouches des kraters
Mes plaies de femmes nues
aux lèvres séchées
Mes plaies de rouille et de cendre
Mes plaies d’incendies et de bûchers
mes plaies de moyen-âge et d’inquisition
mes plaies d’absences
Mes plaies de messes noires
Fleuries d’oiseaux blancs
*
Le testament
Je vous laisse mon corps
mes jours de marée basse
et ma folie d’eau douce
mon coeur de contrebasse
et un rire voyageur
*
J’ai empaillé ma muse
J’ai empaillé ma muse tout en haut d’une branche
J’ai empaillé ma muse ma muse belle franche
et cela vous amuse
Je n’allais tout de même pas me faire prendre sa fourrure par les braconniers
ses mystères par l’État en taxes et en impôts
Je n’allais quand même pas jeter son sourire perles à la mer
et son corps rubis à la mort
Non, elle git, triomphante, elle se dresse souriante
tout en haut de ce chêne, le plus gros le plus haut
J’ai empaillé ma muse
Maintenant, je peux la voir à ma guise
et cela vous amuse
Sur moi elle n’a plus aucune emprise
et j’en suis bien satisfait
*
Dans un cheval
Dans un cheval
Je viendrai chez toi
caché jusqu’à la nuit
Puis dans la blancheur
du soir
je sortirai
Je me vautrerai dans tes draps
Je volerai tes lèvres
Je puiserai ton puits
Mes soldats prendront
de toi tout ce qu’ils peuvent
Je briserai tes remparts
et incendierai ton royaume
Puis je m’en retournerai
avec mes 1000 vaisseaux
et je clamerai sur tous les toits
que je t’ai eue par la ruse
dans un cheval de Troie
Il faut bien que je m’amuse
*
Liste
Une plume
pour chatouiller les morts
de l’encre
pour écrire les discours
de l’eau
pour propager l’amour
une enclume
pour forger de nouvelles armes
une amphore
pour partager le vin
des actes
pour mettre fin au combat
une ancre
pour accoster ma vie
*
Ma chérie
J’ai tressé des tresses à la solitude
J’ai ri avec elle
Je lui ai donné un nom mignon
« Ma chérie »
Je l’ai attachée à un poteau
Je l’ai chatouillée, cajolée à mort
En lui disant :
« Ma chérie, Ma chérie
Si jamais tu me quittes
J’en mourrai d’ennui »
Et depuis, chaque fois que je me
retrouve seul
mon cœur bat si fort
je rougis
*
Le château est en feu
Le château est en feu
et je voudrais y faire surgir
une brise froide
une simple source
pour y railler le brasier
Le château est en feu
depuis que tous les dragons
se sont posés
dans son ventre allumé
Le château est en feu
et personne ne te demande
pourquoi
les mémoires s’enfuient
Pourquoi
tu cherches déjà à oublier
Le château est en feu
et tu ris aux éclats
car le feu dévore
tout
ce qui n’est plus à toi
et qui s’en retourne
là ou tout s’en ira
*
Le trophée
Je me suis fait un trophée de ton cœur
de tes os de baleine
tes os de petite fille
tes os de marmotte
Et ce trophée, je l’ai mis au beau centre
de notre destinée
car de ce trophée, je pourrai puiser
multiples honneurs et gloires
Car en lui réside un amour décimé
mais dont une parcelle prouve que tu m’as aimé
et je pourrai le mettre, bien à la vue de tous,
au coeur
de mon salon
*
La fête du roi
Le vin ruisselle
Par mes cratères
Les gardes allument
Mes réverbères
Ici sur terre
Tout m’appartient :
Les femmes, les hommes
Et les chiens
Ici, chez moi,
Tout est en fête
Dansent en chœur
Même les bêtes
Tout est enrobé
De velours
Le désir le sang
Et l’amour
Et aux excès
De mon royaume
Pactisent même
Les fantômes
Et mon épouse
est de rubis
de diamants
ensevelie
et jusqu’au fond
de mon palais
tout est en or;
même valets
et je suis mort
en noir et blanc
tout est fini
même le temps
*
De grandes architectures
Je ferai pour toi des airs inconnus
de grandes architectures
et des hautes charpentes pour les oiseaux
puis je me balancerai sur un air
de sarcelle.
Enfin, j’applaudirai la noce impromptue
et la cérémonie prendra son cours
*
J’ai dans les veines
J’ai dans les veines
la douleur chantée des pères
le chant de quelques oiseaux migrateurs
des merles et des hirondelles
en plus de l’orage laissé
entre mes côtes tapageuses
par cet autre oiseau chanteur
entre mes monts guerriers
aux lueurs du poème
*
Je reprendrai la mer
Je reprendrai la mer haute
au temps des basses marées
J’attendrai patiemment sur la grève
le temps de mourir peut-être
que les oiseaux viennent picorer mes orteils
et les écrevisses et les puces de mers, que les coquillages fassent ensemble
l’harmonie nocturne de la mer
ce sera le temps de partir
Je chanterai alors les chants obscènes et graves
des baleiniers
vers le naufrage que tu m’as inspiré
en nos jours heureux
*
Le guetteur de troupeaux
Je suis
le chanteur d’orages
le jeteur de cailloux
et le suiveur d’oiseaux
le ramasseur de fleurs
le preneur de rivages
l’attrappeur de crapauds
et guetteur de troupeaux
*
Donnez-moi vos îles
Donnez-moi vos îles
Vos terres de pluies de lunes
J’en ferai des avirons
j’en ferai des girouettes
pour nos guider hors de l’estuaire
au haut de la colline
en bas des péninsules
là ou les dolmens persistent
rejoindre ces soleils de cendre
quoi faire ni comment
pour atteindre la rive
pour connaître le sang
pour que l’eau claire
vive
coule
le long de nos mains
qui ont connu le vent
*
©François Baril Pelletier