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Le projet Humanités

La forêt : on peut dire que c’est un peu la
communauté et l’arbre : l’individu.

Ce projet se
concentre sur la thématique de l’arbre et invite les
auteurs de tous genres à réfléchir à cette
problématique de l’arbre -soit l’histoire, la petite ou
la grande, les racines, les chemins ou les branches, la
création, la progéniture, la croissance, le fruit- par
rapport à la forêt qu’il reste à tisser, ou à l’humanité
ou Aux Humanités possibles.

Le but est de faire avec ce collectif, cette forêt, une cérémonie de
partage pouvant mener à un livre publié dans une maison d’édition
Franco-ontarienne ou de l’Outaouais, ou d’ailleurs au Québec, livre
qui sera composé des textes de même que des
œuvres conceptuelles et parlantes sur le concept des arbres et de
la forêt étant le fruit d’une démarche participative avec les auteurs
choisis.


Les participants n’ont qu’une obligation : se choisir le nom d’une
espèce d’arbre qui les représente (ce pourrait être un arbre réel
dans leur entourage identifié) de la forêt laurentienne et m’en
donner le nom dans leur courriel de participation de même que de
se choisir un thème lié à l’arbre et la forêt -les racines, la branche, la
feuille, le tronc, le fruit- du texte qu’ils voudraient composer.

 

*

Une œuvre sera réalisée par l’artiste en utilisant une feuille de cet arbre et une
photo de l’auteur participant à la publication -dont le visage sera caché par la
feuille de l’arbre choisi.

 

*

Le projet, dans son intégralité, a été annulé en raison de la Covid et la fatigue généralisée, mais voici quelques textes soumis :

_____________________
 
LES TEXTES SOUMIS :
*Elena Luz Martinez*
L’arbre des métamorphoses (Le pommier)

 

Je suis le vieil arbre généalogique

 Qui porte sur ses branches

 Les feuilles toujours nouvelles

 De votre histoire personnelle

 

Je suis l’arbre vigoureux du printemps

 Où fleurissent librement

 Vos espoirs nouveau-nés

 Jusqu’aux dernières récoltes de l’été

 

Je suis l’arbre majestueux d'automne

 Qui sous les doigts du vent frissonne

 Et colore sa lourde chevelure

 D’iridescentes dorures

 

Je suis l’arbre grincheux d’hiver

 Retranché, timide et solitaire

 Qui revêt son habit de glace

 Et que la bourrasque en chemin efface

 

Je suis l’arbre en mouvance de la vie

 Aux métamorphoses infinies

 Sur moi voltigent, papillons bleus

 Aux ailes rapiécées

 Des anges un peu frileux

 Que réchauffe un hôte éclopé

 Un masque au sourire radieux

 Un oiseau aux plumes irisées

 

Je suis l’arbre de tous vos recommencements

 Des possibilités, des : « nous allons de l’avant »

 Celui qui par la force de ses racines et par votre élan

 Va traverser les ans, va traverser le temps…!

*

lien vers sa page fb :
 https://www.facebook.com/%C3%89clats-de-vers-Elena-Martinez-280288672042312
*François Baril Pelletier*
Retrouver l’autre dans ses racines

 

Mes racines

J’ai tressées à la terre

Moi qui ai vu naître

Des sols

La peine de mes ancêtres 

Grandis au-delà de l’arbustre

Tel l’érable argenté, de Giguère 

Un saule avec toute sa lourdeur :

 

L’arbre de mes aïeux 

En héritage 

Vers les soleils de demain

 

*

 

Je me lie

À la forêt 

Des êtres 

En tous et en chacun.e

Dans la fleurescente

Montée 

Avec la sève 

Le sang de notre marche

Jusqu’ici

 

*

 

Tous ces rameaux

Bourgeons

D’histoires trouvant

Dans les branches

La saveur de leur fruit

 

Pelletier

Antaya

Champagne

Tremblay

Breton

Baril

 

Toutes ces familles entremêlées 

Dans leur silencieux

Refrain de croissance

 

De vie 

 

*

 

Et la lignée 

aux feuillages

De nos pères

De nos mères 

Avec dans la main

Le flambeau d’un chemin

Ou d’un autre

Une étoile lancée 

Par le premier gamin

Ayant mis pied ici-bas

Sur ces continents

De rêves et de lie 

 

*

 

La mort

Tressée à la vie

Des frères et des sœurs

Qui peuvent se retrouver

Dans la poussée de l’arbre

Depuis la terre chantée 

Et par dessus les prés 

De la forêt aimée 

 

Qui se tisse en remerciant

Au cœur de l’autre

 

 

*

*Marie-Josée Martin*
Racines et drageons

J’étais déjà une vieille branche, un greffon de Montréal, et après vingt-cinq ans à
Ottawa, je désespérais de trouver un bout de terre où m’implanter de façon définitive. J’avais soif d’enracinement. Soif d’autant plus vive que mon père venait de vendre la maison où j’avais grandi. En quelques secondes, je me suis sentie ici chez moi. Même le chauffe-eau éventré et les fuites diluviennes du toit ne m’en ont pas dissuadée.


C’est le printemps suivant seulement que j’ai commencé à faire connaissance avec eux. Mon voisin, dans sa grande sollicitude, eut tôt fait de m’exposer son jugement : des bons à rien. Il en avait assez de se démener pour nettoyer les cochonneries que la bande déversait impunément sur sa pelouse et sa voiture. Par-dessus le marché, ils se multipliaient, les véreux. Monsieur regrettait que le voisinage les ait laissés s’implanter.
 

Ma première impression était plutôt bonne. Grâce à l’un d’eux, j’avais enfin une corde à linge. L’odeur des vêtements séchés dehors me connectait à mon enfance, aux après-midi d’oisiveté passés à lire sous un érable immature.
Il y a des rencontres marquantes, qui vous secouent avec la puissance du tonnerre. Pas celle-là. Bien que je les voyais tous les jours, ils ont mis du temps à me révéler leur essence. Bien sûr, j’aurais pu me montrer plus curieuse; en quelques clics, consulter une forêt d’encyclopédies et bases de données dans le cyberespace.
Par un bel après-midi de printemps, je me suis installée sous l’auvent avec mon
ordinateur portable. Je pianotais depuis un bon moment sur le clavier quand, tout à
coup, j’ai levé la tête. Il s’était mis à pleuvoir, du moins selon mes oreilles. La clôture et les dalles du patio n’étaient pourtant pas mouillées. C’est eux qui pleuvaient : Populus tremuloides. Les peupliers faux-trembles. Leurs chatons, tombant, bruissaient comme une pluie veloutée. J’ai accueilli ce câlin sonore avec un sourire ébaubi.


Plus tard cet été-là, j’ai découvert que poussaient un peu partout sur le terrain de
jeunes peupliers. Au pied de ces envahisseurs se déployait un enchevêtrement de
racines d’une longueur et d’une vigueur étonnantes; des racines trop développées pour d’aussi jeunes arbres. En m’échinant à les arracher, j’ai compris : j’avais affaire aux drageons d’un spécimen adulte. Mes peupliers et ceux de mes voisins étaient
probablement tous reliés les uns aux autres. Ils formaient une famille.

 

Je vis toujours parmi les peupliers, enveloppée par eux. Ils m’ont offert une oasis dans la ville. Leur haute cime protège ma demeure des chaleurs accablantes de l’été ottavien et leurs racines, qui génèrent chaque année de nouveaux drageons, me rappellent que je suis finalement bien enracinée ici, que je suis, moi aussi, rattachée par des liens souterrains à une vaste communauté.
 

Il m’a poussé des racines fortes et foisonnantes.

 

*

Écrivaine, traductrice et réviseuse, Marie-Josée Martin habite Ottawa depuis le début des années 1990. Ses publications à ce jour incluent le roman Un jour, ils entendront mes silences, récompensé de plusieurs prix. Pour en savoir plus sur sa carrière et ses œuvres : www.mariejoseemartin.com.

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